<a href=“http://baronoufo.bandcamp.com/track/langue-de-feu-2” data-mce-href=“http://baronoufo.bandcamp.com/track/langue-de-feu-2”>LANGUE DE FEU by BARON OUFO</a>
Salut, aujourd’hui on va parler d’un groupe de Bordeaux (ou presque) composé de deux hommes adultes sérieux et compétents. J’ai eu l’occasion de les voir plusieurs fois en concert, assurant les premières parties de trucs aussi divers que Tim Hecker, les Master Musicians Of Bukkake, The Men et un groupe de stoner bordelais. C’était très bien à chaque fois, et je veux pas gâcher le suspense, mais l’album est très bien aussi.
Ça commence tout doucement avec ce tapis d’orgue qui nous rejoue Ghost Rider de Suicide mais deux fois plus lent au moins et sans les paroles. C’est massif, monolithique, et doux comme un char d’assaut en peluche. Hypnotique aussi. Ça bouge pas beaucoup ou alors l’évolution est trop lente pour être véritablement perçue, comme la course de cette grosse boule de feu le long de la voûte céleste, de l’aube au crépuscule, ascension, déclin, ascension, déclin, le tout étalé sur 24h. La première chanson de ce disque dure au moins 150 jours. À un peu moins de la moitié une nouvelle nappe fait son apparition, elle ondoie comme une aurore boréale. La basse se fait plus dentelée tout ça ne servait qu’à nous préparer à l’entrée d’une sorte de chanteur qui dit/crie des trucs incompréhensibles. C’est mystérieux, pas vraiment inquiétant, je vois pas du tout ça comme une musique de rituel occulte avec des hommes grenouilles qui invoquent des dieux tentaculaires en sacrifiant des poulets ou Lisa Bonet. Cette musique m’évoque plutôt un contact direct avec les dieux, une apparition sans intermédiaire ni cérémonial, une vision qui me frapperait, me plaquerait au sol et entrainerait mon esprit loin très loin dans le cosmos, au pays des animaux gros comme des planètes qui dérivent lentement dans l’espace en hébergeant sur leur dos de véritables écosystèmes. Ouai. Ce n’est pas de la musique sombre, tout est lumineux, rien n’est caché au regard, la divinité est là, et elle nous éblouit. Ce ne sera pas le cas sur le reste du disque. Et d’ailleurs, maintenant que j’y pense, ce premier morceau présente lui aussi sa part d’ombre, mais elle est beaucoup plus réduite.
Le morceau suivant est plus court, plus brumeux, plus mouvant. On est où? On se croirait en ce lieu qui est à la fois ici et ailleurs et où les âmes libérées de leur enveloppe charnelle se déplacent sans but. Il y a de la flûte, mais pas la flûte enchantée, la flûte maudite, la flûte du chaman au visage couvert de symboles occultes, au corps enduit de boue séchée, aux yeux révulsés, ouvrant, au prix d’un effort surhumain, un passage vers cet au delà qui en réalité est ici et maintenant. La flute est parfois accompagnée de bruits de synthétiseur cosmique, rayons laser, sons de fête foraine. Il y a encore des voix très lointaines, des voix que l’on a déjà entendu quelque part dans la jungle congolaise ou dans l’Himalaya, et puis cette guitare très grave et brûlante comme de la lave. Tout ça est très évocateur, j’aime bien. C’est de la musique peinture, à ne pas confondre avec la musique papier peint. Non, ici on a envie de s’approcher pour admirer les détails, parce qu’ils ne se livrent pas facilement. C’est de la musique très subtile et assez exigeante, dans le sens où tous ses secrets ne sont pas livrés sur un plateau, certains éléments sont mixés si bas qu’on les entend à peine, il faut tendre l’oreille, c’est limite subliminal, pas du tout “dans ta face”. Et pourtant, il y a aussi un côté dérisoire dans cette évocation de l’occulte, du vaudou, avec une flûte et des voix de gorge certifiées 100% pas authentiques, et puis le titre à rallonge qui rappelle vaguement un théologien du moyen âge ou un philosophe de la renaissance, un peu trop pompeux pour être totalement sérieux. Il y a un côté blague là dedans, mais blague bien faite, une blague qui se donne les moyens de ses ambitions, une blague subtile pas à la portée du premier venu.
Le morceau suivant s’appelle Vangenux et à chaque fois que je le lis je pense “vagin”. Ce qui est un bien vilain mot alors que la musique est pourtant superbe. C’est un long accord majeur qui bourdonne pendant plusieurs minutes en s’enrichissant progressivement. Le son est légèrement délavé, impression donnée par ce compresseur qui confère un halo aux éléments les plus saillants, la guitare et la voix. C’est assez majestueux et tourné vers le ciel mais pas totalement pur à cause d’une saturation sur la guitare qui bave un peu par moment, et puis ce fameux voile de compression, quelques bruits électroniques qui grincent ; bref, c’est une belle prière mais on n’y est pas totalement quoi, on s’en rappelle, on se la remémore en regardant de vieux polaroïds ou un film en super 8.
Il y a ensuite un morceau plus du tout en accord majeur. Encore une nappe de synthé qui s’étaaale et par dessus une sorte de piano égrenant des accords de manière régulière. Il y a du bruit aussi. Oui, un bruit de fond, on entend même parfois quelqu’un bouger quelque chose. Encore une fois, on croit deviner des trucs, on n’en est pas sûr, mais on sent bien qu’ils sont là, comme une présence, comme si il y avait un message subliminal caché quelque part, comme si des fantômes avaient contaminé l’enregistrement. Ça s’appelle “double profond”. Encore une fois je peux pas m’empêcher d’imaginer un truc sexuel. C’est peut-être moi qui pense avec ma bite. Ou alors c’est bien une blague, hé, faut pas oublier que ces mecs on aussi fait ça. A mi chemin, la musique s’éteint comme un feu de camp au bord de la plage, et puis on n’entend plus que des vagues lofisées, on est au bord de la mer quelque part, certainement pas en Europe d’ailleurs. Du ressac émane finalement un nouveau voile de synthé bourdonnant, bien plus léger, comme si au petit matin une apparition fantomatique se détachait lentement de la blancheur de l’aube. En tout cas une chose est sûre, la mer est à l’Est. Le morceau se termine par une autre nappe de synthé munie d’un filtre qui bouge en rythme, on se demande ce que vient faire là ce truc de boite de nuit mais après tout, il y a sûrement une signification.
L’avant dernier morceau s’appelle Ubercratie. Pas de double sens sexuel ici ou alors j’ai pas tout capté. Cette fois on parle de théorie politique man, genre une société nazie dirigée par des surhommes bodybuildés. Je trouve la musique un peu plus froide, métallique, que les morceau précédents. Il y a cette espèce de basse qui voudrait filer droit mais qui titube un peu, et une nappe de guitare -on dirait- émergeant très lentement et qui a un petit côté industriel, et noyée dans une brume de chaleur. Chez Baron Oufo, les choses ne sont jamais accessibles directement, la réalité se cache toujours sous la brume, sous le voile. En tout cas, ce morceau est assez hypnotique, tout est dans ce ronron de guitare qui s’étale devant nous, de l’extrême gauche à l’extrême droite, ne laissant aux autres instruments qu’un rôle subalterne voire subliminal. J’aurais aimé là aussi un son un peu plus clair et net, mais bon, j’imagine que c’est comme vouloir accéder à la Vérité, on voudrait bien mais on peut point. Tant pis. Oui ce matin je me pose beaucoup de questions d’habitude je suis beaucoup moins chiant.
Ah et donc voilà la Langue de feu (c’est le nom du morceau). Cette fois, vous allez pas me dire que c’est pas un truc de cul, d’ailleurs je suis sûr qu’il y a au moins un film porno qui s’appelle comme ça, et si c’est pas le cas je veux bien le réaliser, avec Laura Gemser, Marilyn Jess et Lisa Del Sierra si son agenda le lui permet. Bon oui les deux premières sont pas vraiment en état de faire un film mais ce serait mon casting rêvé quoi. Et des acteurs black ; ça se passerait en Afrique, il y aurait aussi de la magie noire et plein de drogues hallucinogènes, et la musique de Baron Oufo. Pour en revenir à ce morceau, disons qu’il reprend un peu les schémas développés jusqu’ici, c’est à dire des drones synthétiques, de la guitare brumeuse et délavée, mais cette fois c’est un peu plus musclé, il y a ces arpèges de synthé qui s’excite, on se croirait chez Jean Michel Jarre ou chez des allemands, et puis un énorme buzz saturé, comme un frigo ou un transformateur électrique, le genre de son hyper envahissant qui assomme l’auditeur et le laisse dans un état second, aux frontières de la transe. Une fois encore le son est drôlement compressé, ce qui donne un côté lofi qui va bien avec l’esprit général de cet album. Oui c’est sombre, c’est moite, c’est un peu sexuel, c’est un peu Emmanuelle chez les cannibales adorateurs des Grands Anciens. La Langue de Feu s’étale paresseusement, et après un pic à mi course, accords de guitare bien velus inclus, tout finit par redescendre après avoir jailli violemment, comme une neige de cendres, c’est blanc, et c’est chaud.
Bon bref. Ce disque est super chouette, et en plus il est bien pour faire la sieste, j’ai testé. C’est tout à plus.