Un souffle, l’usine de robots, déserte, que des fantômes qui rodent, flottant quelques centimètres au dessus du sol, recouverts d’un linceul d’un blanc immaculé, prêts à dévorer l’âme du premier être vivant qui se présentera devant eux. Attention, prévoyez vos chapeaux en papier d’allu. Oui ceci est un disque d’ambiance, ambiance industrielle, rouillée, humide… Vous vous rappellez la musique du jeu Quake, fabriquée par Trent Reznor dans les années 90? On en est pas loin. La mort par la lave, la mort par la lame, des monstres mythologiques jusqu’au complexe hi tech dédié à l’absence de vie. Cinq minutes à l’intérieur du premier morceau, un synthé très aigu, comme un accessoire de clown, un truc rigolo, fait son apparition, mais vous savez, les trucs rigolos, c’est pas toujours rigolo. Rappelez vous le clown tueur du roman de Stephen King. Oui ce qu’on vient d’entendre c’est une petite bestiole à fourrure adorable mais avec des crocs bien affutés et des pouvoirs psychiques supérieurs. Heureusement ça ne dure pas longtemps. Le tableau suivant est un peu plus mélodique, enfin disons qu’on entend une note, une seule, un bourdon très riche qui occupe tout le spectre, organique, mouvant, vaguement oriental/mystique, perturbé par des tintements, des tchutchutchutchu, des clapclapclap, toujours très industriel, toujours inquétant, c’est ça le “dark ambient” non? Je sais pas trop, je déteste ce terme. Oubliez. Voila. Fin de la première partie, ça s’appelait Miniatures.
Deuxième morceau, changement radical, un tambour synthétique noyé dans la réverbération d’un hangar vide. Petits bruits tout autour, un souffle, des cloches, des trucs. Mais très discrets ; pour l’instant c’est assez calme, mais ça monte, doucement. Ce qui est cool, c’est la diversité des sons et des techniques employées, et pourtant c’est très harmonieux. Par exemple, il y a un son de synthé très étouffé, plutôt à gauche, qui ressort pas mal tout en n’étant pas spécialement mis en avant. C’est un bruit intéressant, aquatique, ce qu’on entend lorsqu’on a la tête sous l’eau. Glouglouglou. blublublub. A droite, un son beaucoup plus clair, bref, revenant régulièrement, synchronisé avec le tambour. Ca donne un rythme au morceau, un rythme froid et mécanique, un rythme d’usine de robot. Et au milieu, une sorte de cantatrice fantôme qui franchement fait froid dans le dos, on dirait quelle va vous tuer juste en trouvant la bonne fréquence, comme le bruit marron, mais en version tueuse. C’est pas de la musique agressive, mais elle n’est pas très confortable, c’est pas le genre de disque que je recommanderais pour faire une sieste. La diva fantôme fait de plus en plus mal aux oreilles. J’imagine un fantôme japonais, Sadako par exemple, sur une scène, au Grand Théâtre de Bordeaux par exemple, en train d’hurler à la mort ; dans la fosse, des mecs en blouse blanche avec des ordinateurs, des synthétiseurs, un gros tambour, et tout un tas d’instruments-qui-en-fait-ne-sont-pas-des-instruments piqués à Einstürzende Neubauten. Bref. Enfin au bout de plusieurs longues et douloureuses minutes, la chanteuse qui n’en est d’ailleurs pas une se tait, et oh joie, j’ai encore des tympans pour entendre encore de nouveaux sons bizarres. Oui tous ces sons j’adore ça les nouveaux sons bizarres c’est un truc que j’aime beaucoup dans la musique électronique, cette facilité à créer des nouveaux sons. Enfin, quand on sait comment ça marche, on se rend compte que c’est pas si facile que ça.
Le morceau suivant s’appelle Arcane Matters. Il est plus court et démarre plus vite, dès le départ on est noyé dans le son, de grosses nappes métalliques et réverbérées, doublées d’un sifflement strident, comme une flèche électriqure qui fend l’opacité ambiante pour venir s’enfoncer bien profond dans les oreilles. C’est un morceau qui sature beaucoup. Un morceau noise, un vrai, mais qui respire. La saturation est ici comme le vent, un vent digital, corrosif, qui arrache les couche superficielles de l’épiderme -dans tes rêves. Ouai. Oh mais… oh. A la fin le brouillard se dissipe et on est dans un jardin d’enfants. Il y a des oiseaux. Mais encore un peu de réverb-brouillard, histoire de montrer que ce n’est pas réel. C’est un souvenir, ou un truc comme ça. Un fantasme, je sais pas. Un chien passe juste devant nous. Et par dessus tout ça, se dégageant nettement, de grands coups de cloche. C’est funèbre. Putain c’est lugubre comme dirait l’autre.
ENsuite il y a “Stained Glass Electric”. Voila. Je vous laisse le soin d’imaginer ce que ça donne, stained glass electric. La musique est encore un fois différente de ce qui a précédé. Cette fois on est pas loin des terroristes de chez Mego, c’est des raffales synthétiques brutes de décoffrage. Encore une fois assez aquatique, dans les premiers instants du moins. Pas mal de saturation, pas de quoi écraser toutes les ondes sonores, juste de quoi dire “hé regardez, je fais de la musique noise, jsuis un punk et je vous broie les couilles”. Haha. Non c’est vraiment bien. La deuxième partie du morceau part beaucoup plus loin, un gros bourdon bien musclé, des oscillations à la Emeralds, et des craquements acoustiques en stéréo bien large. Pourquoi? je sais pas. C’est la première fois depuis le début du disque que je me demande à quoi sert une juxtaposition de sons. Il doit y avoir une explication, mais je sais pas. Des fois quand j’entends un disque, j’aimerais demander aux gens ce qu’ils ont voulu faire, pourquoi ils l’ont fait, comment ils l’ont fait.
Dernier morceau, Above All and Beyond. Le truc qui a l’air tout calme comme ça, mais qui te perce les tympans sans prévenir avec des sifflements très aigus et très désagréables. Je vous préviens, il faut un peu aimer avoir mal pour écouter ce disque. Ou avoir un esprit d’aventurier. Ne pas avoir peur d’en sortir lacéré, couvert de bleus, parce que par moments ça fait mal. Franchement ce dernier morceau je comprends pas, il y a un truc aigu beaucoup trop fort qui oblige à baisser le son… Tant pis. Autrement c’est plus relax que les précédents. Un souffle discret, des sons inconnus enregistrés avec un micro, une bonne grosse basse avec des oscillateurs qui font ouinouinouin… Vous vous en foutez hein? Normal. Non le plus important c’est l’atmosphère qui se dégage de tout ça. Je sais pas. J’ai l’impression que mon cerveau a été emporté par l’horrible sifflement de tout à l’heure. C’est peut-être ça le truc. Ecoutez ce disque, si vous n’en mourrez pas vous en ressortirez avec le cerveau vidangé. Hey. Une belle journée qui commence, je peux enfin vivre maintenant. Ah oui j’ai une lettre de motivation à écrire.
Ce disque est chouette, il mérite plusieurs écoutes quand même. Bon. A plus les nuls.