Ça commence avec une basse, mais pas n’importe quelle basse, la basse la plus énorme jamais entendue, qui s’amuse sur deux notes, au ralenti, par ce qu’il n’y a que de cette manière qu’elle se sent heureuse. Des guitares arrivent et font exactement la même chose. C’est quoi cet accordage de dingue? On dirait que tous les instruments sont accordés une octave en dessous, mon dieu les cordes doivent être en béton armé. Derrière on dirait qu’un autre instrument essaie de s’intégrer dans le mix mais laisse tomber, avec un truc aussi monolithique impossible d’ajouter quoi que ce soit, on est serrés sur la bande passante comme dans une boite à sardines. J’imagine les mecs en studio en train d’enregistrer ça, avec un casque de chantier sur les oreilles, dans une chambre blindée, dans un coffre fort, et les habitants du quartier qui commencent à appeler la police ou les pompier ou la brigade de secours ou des sismologues ou autre. Sept minutes et c’est le même riff qui est répété encore et encore. Par moments ce fameux son qui cherche à faire son trou semble parvenir à ses fins ; on dirait des instruments à vent orientaux, dont je ne connais pas le nom. C’est pas mal, ça donne un peu de relief à l’ensemble, un peu de mysticisme oriental. Si ça se trouve je me plante complètement mais hey, vous attendez quoi de moi exactement?? Tiens à neuf minute les mecs décident qu’ils en ont marre de gratter les cordes deux fois par minutes alors ils font une pause. Pause jus d’orange sûrement. Donc après cette pause jus d’orange de trente secondes environ, c’est reparti, toujours le même riff et les charmeurs de serpents qui repartent de plus belle eux aussi. Ce riff je pourrais le décrire en deux temps : 1) Tension 2) relâchement. Enfin non c’est plus compliqué. 1) Tension 2) Relachement 3) Retension 4) Rerelachement bon j’ai la flemme de continuer on s’en fout. Je vois à peu près les mecs qui on enregistré ça, je les ai vus en concert et je les aime beaucoup surtout celui qui se fait appeler MK Ultra Blizzard. J’essaie de les imaginer dans ce fameux studio. C’est comment déjà son nom? Ah oui, Grandmaster Studio, Hollywood. Où d’autres gens célèbres ont enregistré, Steevie Wonder, Neil Young, No Doubt… Haha d’illustres prédécesseurs, ils devaient avoir la pression, peut-être aussi que ça les excitait un peu de poser leurs fesses sur les même sièges que Gwen Stefani. Je suis sûr qu’ils sont un peu obsédés, tous les métalleux sont obsédés non? Non. Bon ok.
Le deuxième morceau est un peu plus élaboré. Le riff est plus rapide, il y a un peu de chant mais on le discerne mal. Et puis une nappe de son filtrée qui ondoie lentement. Oui tout est lent dans ce disque, c’est ça -et la basse évidemment- qui m’a beaucoup plu dès la première écoute. Le mec au mic, je crois que je le connais, c’est Peter Stahl, chanteur de Scream, et de Goatsnake. Là, il braille comme un prêtre maya, sermonant les foules perché au sommet de sa pyramide, invoquant le Dieu Quetzal ou un autre, sacrifiant quelques donzelles. Ou alors, en parlant de sacrifice, peut-être s’est il inspiré du prêtre du Temple Maudit, celui qui arrache des coeurs avec ses mains. En tout cas, c’est clair qu’il invoque un Dieu quelconque pour lui montrer les sacrifices auxquels il est en train de procéder. Et pendant tout ce temps, les instruments GRONDENT, ils font trembler la Terre, parce que c’est la seule façon d’attirer l’attention des Dieux, créer des catastrophes naturelles. Je sais plus qui racontait, dans une interview, qu’il raffolait du son des catastrophes naturelles. J’avoue que j’ai jamais eu la chance d’assister à un tremblement de terre ou à une éruption volcanique. Ça me plairait bien, enfin oui, uniquement si c’est une catastrophe sans victime. HEIN. La chose la plus proche dont j’ai été témoin, c’est un concert de Sunn O))). C’était au point éphémère à Paris, et soit disant que c’était un concert moyen mais moi ça m’avait bien retourné. C’est facile de faire le snob quand on les a déjà vus cinquante fois, moi c’était la première et je m’en rappellerai toute ma vie. Je me rappellerai aussi toute ma vie des cinq polonaises qui m’attendaient à mon retour, dans mon dortoir à l’auberge de jeunesse. HAHA. Non c’est pas aussi sexe que ce que vous imaginez. Elles dormaient quand je suis rentré dans la chambre. Elles dormaient encore quand je suis parti à la gare le lendemain matin. Et j’en ai même pas profité pour les violer pendant qu’elles dormaient. Bref. La fin de ce deuxième morceau qui s’appelle stupidement Nn 0))) (humour humour) ressemble effectivement à une catastrophe naturelle. Plein de feed-back, de cordes qui résonnent à vide, lentement détendues au niveau des mécaniques, ça fait plein de vibrations qui ne sont pas en phase, désynchronisées, qui massent en quelque sorte les intestins.
Le morceau suivant est une “reprise” des Melvins, un morceau qui est sur Lysol, Hung Bunny. Enfin bon, c’est anecdotique, c’est pas comme quand Julien Clerc reprend à la note près Elisa de Serge Gainsbourg. Mais bon. C’est vrai qu’il y a une certaine cohérence à reprendre les Melvins. Lysol, c’est un peu l’ancêtre de cet album. Le concept est assez proche en tout cas. Earth et les Melvins, deux groupes qui sont en droit d’attendre des remerciements. Ils les ont eus j’imagine. Bon la musique est de plus en plus lourde ou je rêve? Bientôt on va pouvoir toucher l’air si ça continue, caresser les ondes. Sunn, le groupe qui transforme le son en matière. C’est des sculpteurs. Et des kinés. Des kinés doomsters avec un certain sens de l’humour. Rabbit’s Revenge, c’est drôle comme nom. Ça fait un sacré décalage avec la musique qui est pas mal sinistre, enfin comme je l’expliquais tout à l’heure, on pense pas mal à un rituel antique avec incantations et sacrifices, le tout torse nu, avec un pagne. Par moments je pense aussi à ces musiques de péplums, quand le héros se bat contre un géant pas commode ou une armée de squelettes, ou que le gladiateur entre dans l’arène pour se faire dépecer par des lions mis à la diète pendant plusieurs jours. Tout ça je vois, oui. Il parait qu’à un moment on entend la bande de l’original des Melvins, en particulier la batterie. Mais pour l’instant je l’entends pas. J’entends une basse et une guitare dupliquées à l’infini qui jouent un riff de métal au ralenti. Ah voilà que ça s’arrête de gratter les cordes, nouvel épisode de vibrations désynchronisées qui massent les intestins. J’ai l’impression d’être un commentateur sportif, de faire les commentaires du patinage artistique, d’être un Nelson Monfort doomster. C’est extraordinaire Greg vient de rentrer sans problème un magnifique triple riff gratté! Plus qu’une minute, si Greg et Steven réussisent le porté final sans s’emmêler les pieds dans leur toge c’est la première place assurée… OUII Ils l’ont fait, Steven It was a wonderful performance you gave us tonight… Blabla… Bon voilà le morceau est terminé et j’ai pas entendu les Melvins à cause de Nelson.
Dernier Morceau. J’aime bien les derniers morceaux des albums, en général les groupes réservent cette place à un truc dont ils sont assez fiers. C’est stratégique, on est censés se rappeller plutôt du premier et du dernier morceau d’un disque. AAAh ce truc s’appelle Ra At Dusk. Est-ce que c’est un hommage à Sun Ra? Ou une référence au dieu égyptien Ra?? Je sais pas, en tout cas ça commence fort, cette fois c’est aussi impressionnant de lourdeur et de richesse sonore que mon disque du genre préféré, Earth 2. C’est plus élaboré que les morceaux précédents, plus rempli de sons, c’est trop cool, c’est psychédélique et lourd en même temps, le pied. Mais pour le coup ça fait rescucée de Earth à fond, en plus pachydermique. C’est quand même à mettre à leur crédit. Peut-être qu’ils avaient plus de moyens aussi, plus de pistes sur leur console, des meilleurs micros, ce genre de truc… Mais aujourd’hui alors que c’est plus facile, personne n’a encore réussi à faire un truc aussi lourd, dense, touffu. Ils ont un vrai talent ces garçons. De vrais sculpteurs de son. À l’époque, ça m’avait tellement traumatisé que j’avais bossé tout l’été pour m’acheter un ampli Sunn, que je suis allé chercher à l’autre bout de la France, que j’ai transporté en train, en deux voyages. La tête model t m’avait détruit les biceps, j’avais traversé Paris en métro avec, mais c’était rigolo. Ce morceau ne s’emmerde pas trop avec la notion de riff, à partir de la moitié ou peut-être même avant il n’y a plus qu’un seul accord qui est gratté encore et encore et encore, ça rend tout bizarre, ça fait un peu le même effet que l’album de Earth, vous verrez j’en parlerai bientôt. Un effet physique ; une musique qui se transforme en matière, devient solide et fait vibrer tout ton corps, forcément ça te rend tout chose, et quand je dis tout chose, je dis pas que ça me donne envie d’aller aux toilettes, contrairement à ce que prétendent les clowns à l’origine de tout ce vacarme, non, ça assomme, ça hypnotise, ça anesthésie, quelques chose de cet ordre. En fait on fait même plus trop attention à la musique, on est transporté ailleurs, en est dans un état hypnagogique très agréable. Et puis…
Ça finit par s’arrêter. Et oui. Je retiens de ce disque les premières notes de basse, qui labourent le silence si profondément qu’on finit par oublier son existence ; et puis les dernières minutes, cet instant de suspension magique où plus rien n’existe, le temps s’arrête, on passe de l’autre côté. C’est très fort. Mais ça vaut pas EARTH 2 HAHAHAHA.
ah encore une chose : 00 Void a été réédité chez Southern Lord. C’est la vieille version que j’ai écoutée pour écrire ça, mais j’ai mis la pochette de la réédition parce que je pense que désormais cet album sera plus connu avec cette illustration. Et je la trouve plus jolie en plus. D’ailleurs un disque de remixes par Nurse With Wound bien de sortir, mais sur un autre label. Ça a l’air super, j’en parlerai sûrement un de ces jours quand j’aurai reçu le vinyle. Voila c’est tout. Bisous à plus.