John Coltrane – Om (1967)

Youpi un peu de free jazz sur ce blog et pas de la merde en plus.

Si j’ai choisi Om, qui est un truc de seconde importance dans sa discographie, c’est parce que c’est le plus ouvertement drogué et pétri d’influences orientales et ça, ça me plait. Il parait même que le mec avait pris du lsd pendant l’enregistrement. C’est Lewis porter qui le dit dans son super bouquin sur le Trane : “Il se peut que Coltrane ait été sous l’emprise du LSD lorsqu’il enregistra "Om”. Il est certain, en tout cas, que c’est vers cette période qu’il commença à en prendre". C’est tout à fait possible quand on entend ce qui se passe dès la première seconde. Une bande de gars qui récitent une phrase de leur voix grave de jazzmen cool des sixties : 

Rites that the Vedas ordain, and the rituals taught by the scrïptures,

All these am I, and the offering made to the ghosts of the fathers,

Herbs of healing and food, the mantram, the clarified butter:

I the oblation and I the flame into which it is offered. 

I am the sire of the world, and this world’s mother and grandsire, 

I am He who awards to each the fruit of his action:

I make all things clean

I am Om – OM – OM – OM ! 

Le tout uniquement assaisonné de quelques subtiles percussions plus un truc qui ressemble à un xylophone mais en plus mat encore (la sanza). C’est impressionnant, ça fait presque froid dans le dos. Un véritable rituel d’obédience inconnue, certes il parle de Vedas mais ça pourrait tout aussi bien être une cérémonie en l’honneur de Shub Niggurath, de Satan ou de Raël. Les dernières paroles sont criées, comme un coup d’envoi pour la méga course à l’échalote qui suit. On est un peu submergé dans un premier temps par toutes ces notes qui s’entrechoquent sans cohérence apparente, une soupe primitive qui rappelle les premiers instants après le big bang ou les océans du cambrien avec des trucs vaguement vivants mais pas trop qui grouillent de partout. Vous remarquerez si vous êtes un lecteur assidu de ce blog que j’aime bien les musiques qui grouillent, pleines de bruits qui partent dans tous les sens. Oui, j’aime beaucoup. Le free jazz de John Coltrane, c’est pas si différent des musiques électroniques d’aujourd’hui, des trucs qui sortent chez les Editions Mego ou ailleurs, c’est comme ça en tout cas que j’écoute John Coltrane, et non pas dans une optique “jazz”. Je m’en fous du jazz, ça me fait ronfler, et oui je suis presque sérieux quand je dis ça. Bon ok vous vous en foutez peut-être mais si je dis ça, c’est pour vous, pour vous indiquer une autre porte d’entrée dans la musique de John Coltrane. Bref. Ça hurle dans tous les sens, piano, batterie, contrebasse, et saxophone ténor évidemment. En se concentrant un peu on arrive à discerner des motifs intelligibles. Ça doit être plus facile après un joint, ça aide pas mal à se focaliser sur des aspects précis de la musique, à isoler un instrument. Mais bon. Le piano en fait, c’est peut-être le truc qui joue le plus “classique” sur ce morceau. Par moments en tout cas. C’est vraiment dur à analyser, un vrai défi à l’intelligence. A moins de lâcher prise complètement et d’oublier jusqu’au nom des instruments qui claquent, sifflent, frappent, résonnent, vrombissent, pulsent… Une approche purement acoustique voire paysagère. On en revient à l’idée d’océan, de soupe primitive. J’ai beau essayer de l’analyser plus intelligemment, de manière plus savante, j’en reviens toujours à ça. C’est pas hyper profond, désolé. Le free jazz m’a tuer. Mais oui, pour reprendre un mot que j’utilise sans arrêt, c’est fun comme musique, c’est ludique, c’est marrant, ne me dites pas que ce disque est trop abstrait, abscons, difficile, ardu, blabla. C’est pas vrai. Il suffit de se décoincer les fesses, parce que comme disait l’autre : free your ass and your mind will follow. En fait c’est l’inverse mais je vois pas pourquoi la réciproque ne serait pas possible. Vous me direz, comment se libérer les fesses? Je sais pas. Par exemple, essayez d’écouter ce disque pendant que vous êtes aux cabinets et que votre sphincter est totalement relâché. Essayez les drogues sinon, c’est assez efficace.

Tiens sur la face b il y a pas mal de cris. Certains sont humains, d’autres ressemblent à des cris de bête sauvage. Ce rituel est plutôt primitif, c’est peut-être un hommage à la première religion, la religion du SOMA, celle qui est née avec la découverte des propriétés marrantes des champignons magiques. Les clochettes font leur réapparition aussi. Je me demande pourquoi on trouve aussi souvent des clochettes dans la musique qui parle de religion. Il y a de la flûte aussi, elle ressemble vaguement à celle qu’on a tous chez nous, et dont on se servait au collège pour jouer des chansons ringardes. Big up à ma prof de musique, Mme Bourgeois, merci pour tout j’ai adoré chanter Elisa (version Julien Clerc) devant toute la classe. Cette face b est sensiblement différente de la première. Prédominance des instruments où qu’on souffle (les instruments à vent, les cuivres, etc…). Ça donne une musique… qui me fait penser à des oiseaux. Une basse cour ou alors une planète dominée par les oiseaux. Ou le film éponyme d’Alfred Hitchcock. Avec pas mal d’oies. L’oie criaille, siffle ou cacarde. Eh bien cette musique criaille, siffle, cacarde. Et rebondit aussi pas mal, parce que la batterie est toujours là et elle joue de manière Parkinsonienne. C’est un peu saoulant, mais au bon sens du terme, pas comme ta soeur de 13 ans qui fait que parler de choses sans intérêt, c’est saoulant comme une bouteille de bon vin au cours d’un repas de famille, cette bouteille qui, en plus d’être un délice pour les papilles te permet de passer un bon moment alors que tout le monde est sur ses gardes et guette le moindre faux pas de la part des autres convives. 

Le disque se termine de la même manière qu’il a commencé : avec la déclamation lente et hallucinée des mêmes vers issus d’on ne sait quel reccueil de trucs mystico-baba cools indiens des sixties*, et puis ces gongs, ces clochettes, cette flûte, et voilà. Bon si mes calculs sont exacts, les mecs en avaient encore pour plusieurs heures de trip à la fin de cet enregistrement. J’espère que ça s’est bien passé pour eux, je me demande ce qu’ils ont fait, peut-être qu’ils ont laissé tourner les bandes et qu’il existe quelque part les archives de ce voyage indoor. Conclusion : c’est quand même quelque chose ce disque, c’est peut-être plus monolithique que les autres enregistrements de John Coltrane (quoique…), plus mineur, mais on entend là des choses uniques qui ne sont certainement pas tombées dans l’oreille d’un sourd à entendre les développements ultérieurs de l’histoire de la musique. Ce qui me fait penser qu’un de ces jours je vous parlerai du premier album des Red Krayola qui est incroyablement bordélique, et incroyablement cool. 

* En fait il s’agit d’un extrait d’un poême issu du Bhadava-Gita

Personnel :

John Coltrane – Saxophone ténor

Pharoah Sanders – Saxophone ténor, Percussion

Donald Garrett – Clarinette basse, Basse, Percussion (Sanzas)

Joe Brazil – Flûte, Percussion

McCoy Tyner – Piano

Jimmy Garrison – Basse

Elvin Jones – Batterie

Enregistré le 1er octobre 1965 par Jan Kurtis aux studios Camelot, Lynwood (Etat de Washington), “Om” ne sera publié que fin 1967, après le décès de John. (j’ai piqué cette phrase à un autre site).