Oneida – Absolute II (2011)

On va parler du dernier disque de Oneida, parce que c’est un de mes groupes préférés et qu’ils sont scandaleusement sous estimés. Un disque couillu, absolument sans batterie alors que le batteur du groupe, Kid Millions, est hyper fort. Mais ces mecs sont fous, c’est le genre de truc qui ne leur fait pas peur, un disque sans batterie, ce sont des aventuriers. Alors allez hop on y va en route pour l’aventure. 

ÇA commence par Pre-Human, un truc à la cool avec une grosse basse d’orgue, un autre orgue, moins gros et plein de tremolo, qui joue quelques notes nonchalamment, en gros ça ressemble un peu à du dub sud américain, un peu comme ce groupe avec Omar et Cedric, De Facto (Légende du Scorpion à Quatre Queues). Voila. C’est vraiment cool, une musique pour fumer ton oinj dans ton hamac sous les cocotiers en sirotant un verre de pulco citron. Et puis au bout d’un moment la musique se fige sur place, les notes restent suspendues, le temps est arrêté et ça donne l’occasion aux synthés analogiques d’exprimer leur individualité de gros tas de composants au fonctionnement capricieux et aléatoire. Ça fait plaisir aux geeks de synthé. Non mais vraiment quand on y pense, c’est hallucinant que ces gens aient fait un disque comme ça. Des génies des claviers. La fin de cette piste est vraiment très belle, très épurée, avec un son très chaleureux. C’est de la musique ZEN. Au sens le plus traditionnel du terme, pas au sens de l’horrible chanson de Zazie. 

Deuxième piste. L’orgue basse est saturé mais joue un motif plutôt similaire, répétitif, lancinant. Hey ces mecs aiment le dub et les musiques de la Jamaïque c’est clair. Mais au bout d’un moment un incroyable effet de flanger vient déchirer les crêtes de saturation de cet orgue qui décide de rester bloqué sur la même note. ÇA donne le vertige. Par dessus un mec vient poser sa voix mais c’est incompréhensible à cause d’un tremolo hyper creusé. A ce moment là, on flotte, je vois pas d’autre terme. Quelque notes de guitare, un synthé qui tinte comme un verre de champagne… Très serein, très planant, minimaliste, ZEN. C’est de la musique ZEN. Le dernier disque qui m’a rappelé ça, c’est celui de Robert Lowe, Eclipses. Sauf que celui de Oneida n’endort pas (attention cela n’a rien de péjoratif, j’aime les disques qui endorment), il élève. Il fait fondre le cerveau aussi. Je vous jure qu’on se sent bizarre pour peu qu’on n’y mette pas trop de mauvaise volonté. Petit à petit des sons évoquant le sifflement perçant d’un larsen font leur apparition, on sent que le tableau est sur le point de se transformer de manière radicale mais on sait pas trop comment, et puis ça se précise, le flanger se réinitialise, des choses qu’on avait oubliées ressurgissent, on revient au départ, la boucle est bouclée. Ce morceau est circulaire, quasiment. C’est un magnifique anneau vibratoire ZEN. Je suis sur le cul. Et ça n’a rien de sexuel! C’est meilleur que le sexe!

Oh mais la suite commence de manière beaucoup moins coolos, avec des cordes de guitare saturée qui sont gratées à vide, ça donne un effet intéressant, presque une cloche. Comme une cloche d’Eglise, mais au ralenti, un coup toutes les trente secondes. Tiens j’ai pas compté combien de coups. On en est à cinq je crois. Derrière on entend une onde en dent de scie hyper grave faire tatatatatatatatta en faisant des vagues. Six. J’en reviens pas que des gens aient l’idée de faire ce genre de musique. J’aime être dépaysé et surpris, ben là je suis pas déçu. Ce sont les minutes de musique les plus originales qu’il m’ait été donné d’entendre depuis très très très très très longtemps. Mais qu’est-ce que c’est au juste? Une version krautrock de Khanate? Même pas. Huit. Les coups de cloche se font de plus en plus lâches, étalés dans le temps, granuleux. Je me demande à quelle fréquence joue le synthé sawtooth qui fait tatatatatatatat. Ça doit être dans les 15 ou 20 hertz. Je me sens un peu paralysé par ce que j’entends. Dix. Ok je compte plus mais on doit en être à dix environ. Ce morceau s’appelle Gray Area. Onze. Je me demande pourquoi. C’est un peu lugubre comme musique, enfin ces coups d’horloge, ça me rappelle Resident Evil. Douze. Beaucoup moins TREIZE zen que les deux morceaux précédents QUATORZE. QUINZE SEIZE DIX SEPT DIX HUIT ouf DIX NEUF mais pourquoi cette accélération??? Ah tiens encore ce flanger qui sonne merveilleusement analogique. SILENCE. On entend juste le buzz des ampli. Merci les mecs je suis légèrement traumatisé. 

Dernier morceau, Absolute II. Buzz d’amplis filtrés, le cutoff oscilant lentement. GROSSE basse style catastrophe naturelle, mais par intermittence. Des petits bruits de cordes eflleurées, puis grattées lentement. ENcore du trémolo sur les grattes. Cet album c’est la foire aux tremollos! Des effets simples, utilisés simplement, flanger aussi, filtre passe haut… C’est brut de décoffrage. Pareil pour les sons de synthés, des formes d’onde pures, à peine travaillées. Des dents de scie. Ça sonne vintage, ça aurait tout aussi bien pu être produit dans les années 70. Ça me plait. Si ça se trouve quelqu’un a sorti un truc du genre dans les seventies. Faut que je me renseigne. IL y a une guitare saturée par moment qui grogne, je vois pas d’autre mot. Elle ne joue pas de notes, ou toutes les cordes en même temps, il n’y a plus d’harmonie, que de la texture, ça fait PRRRRR. Très étouffé, on se croirait sous l’eau en train d’écouter l’éruption d’un volcan sous marin. C’est beaucoup moins fun que les trois morceaux précédents, surtout le dernier. Et carrément triste, à cause des petites notes de guitare tremolo. On dirait une musique de film lent, style Jim Jarmush. Je pense d’ailleurs un peu à la musique de Dead Man. Il y a pire comme comparaison… 

Bon voilà. Le dernier morceau se finit sur un fade out. Ça ne me déplait pas. Il était beaucoup moins plaisant que les autres, mais pas vraiment moins bien. Il a un peu calmé mon euphorie. Pour résumer : j’ai décollé avec le premier morceau, j’ai flotté dans les airs avec le second, j’ai atterri dans la quatrième dimension avec le troisième et pour finir… Je suis brutalement redescendu sur Terre avec le dernier. Pre-Human, Horizon, Gray Area, Absolute II. Un voyage dans un fauteuil, ça coûte moins cher qu’un billet pour le Cambodge, et en plus je peux continuer à profiter de mon lit, et de mes WC. Non mais que demande le peuple. HAHA. Je rigole, mais vraiment, je remercie les groupes comme Oneida qui nous apportent à nous occidentaux blasés de tout ou presque un peu de nouveauté et d’excitation. C’est ce genre de chose qui fait passer le temps moins vite et qui recule d’autant l’heure de notre mort. AMEN. Et A PLUS.