Lindstrøm – Six Cups of Rebel (2012)

Ah encore un disque qui commence avec des trucs d’église, on va croire que je le fais exprès à force. Ici c’est Terry Riley qui jamme sur les grandes orgues, c’est joli. Le morceau s’appelle No Release et j’imagine qu’il faut s’attendre à un truc tendu tout du long. C’est surprenant, quoi le beat discoïde n’arrive pas à un moment? Hé c’est Lindstöm c’est pas un de ces innombrables groupes d’ambient à cassette tous plus insignifiants les uns que les autres. Bon j’exagère. Bref. Une grosse basse synthé majestueuse fait sont entrée, suivie de ses enfants synthés, ils dessinent un truc émo/rétrofuriste, je pense un peu à l’intro du dernier album de M83, j’attendrais presque qu’Anthony Gonzales se mette à chanter avec Zola Jesus et qu’un gros kick se mette à taper bambam… Bon visiblement ce morceau c’est juste l’intro, une grosse montée qui dure 5 minutes, c’est fort, le mec en concert il doit bien bastonner…

Et donc voilà, deuxième morceau ça y est les choses sérieuses démarrent. Hahaha c’est génial. Voilà un truc qui fait bouger les meufs! C’est parfait. Ça s’appelle De Javu, j’imagine qu’il y a une explication à cette coquetterie. Je me sens un peu submergé, je sais pas trop comment expliquer ce son qui arrive à mes oreilles. C’est de la dance music, c’est clair, rythme disco en 4/4, mais à part ça… Il y a une basse qui rappelle vaguement les sons acid de la house music du siècle dernier, des violons utilisés comme à la grande époque du disco, des voix qui chantent des choses incompréhensibles, des onomatopées extraterrestres… C’est cool. C’est pas joyeux ni triste, c’est cool, c’est de la musique pour faire la fête sérieusement, pour s’éclater sérieusement, pour choper des filles dans les toilettes sérieusement, pour gober des drogues sérieusement. Je me vois tellement bien sur un dancefloor fluo clignotant quand j’entends ça… Vers la fin ça se calme un peu et un chanteur qui se prend pour une star du funk répète oh can’t get no release can’t get no release… Et ça repart pour quelques secondes. Il y a un côté un peu ringard, mais ringard conscient, qui s’assume, qui n’est pas vraiment ironique, mais ringard qui te regarde droit dans les yeux, tellement sûr de lui que tu commences à douter, c’est ringard ou c’est cool, je sais plus, il a l’air tellement sûr de lui, avec son look de roi de la nuit, ses lunettes de soleil, les filles qui s’amassent autour de lui, non il est pas ringard, il est cool, au moins pour ce soir, dans ce club tellement cool. 

Je crois que la musique ne s’est pas arrêtée une seule fois depuis le début, c’est un flot continu et orgasmique de disco moderne, plein de sons spatiaux.psychédéliques ringards cools et hypnotiques, cette musique est faite pour danser et elle est terriblement efficace, j’insiste, elle est hypnotique, elle fait exploser en morceaux tes lignes de défense, tu te retrouves tellement vulnérable, tu n’es plus maître de toi même, tu te sens obligé de taper du pied, de secouer légèrement la tête, la musique prend possession de ton corps, tu lui confies les clés, tu n’as plus qu’à te laisser faire et profiter du voyage, c’est un voyage quasiment immobile, tu sautilles, tu tournes sur toi même, mais c’est à peu près tout, à la limite tu vas de temps en temps t’hydrater au bar, et encore, si il te reste assez de conscience de toi même, sinon tant pis, ça sera pour la fin de la soirée, en attendant tu danses sur ce flot continu de nu-disco psychédélique, sur ces grosses batteries sous stéroïdes, ces mecs aux voix déformées qui te susurrent des messages subliminaux et certainement un peu grossiers, cette guitare de Van Halen qui fait ouinnouiinnnnouinnnnouiinnnnnn tu n’es qu’une marionnette une marionnette disco et ton maître est norvégien il s’appelle Lindstrøm et il veut que tu danses et il sait exactement ce que tu recherches il anticipe chacun de tes désirs et c’est toujours quand tu commences à vouloir autre chose qu’il te balance des accords de synthés cools et euphoriques comme une montée de poppers et tu rigoles tu sais pas pourquoi mais tu rigoles en sautillant jusqu’au moment où voilà c’est bon tu as assez rigolé alors Lindstrøm baisse le son petit à petit… et tout revient à la normale… tu respires… tu te sens vidé comme après un bon footing mais heureux oui heureux évidemment.

Call me anytime. La deuxième partie du disque commence par une cacophonie de flute puis un générique de jeu télévisé qui s’emmêlerait les pinceaux, un générique norvégien des seventies, la famille en or, ou la roue de la fortune, puis oh, un accord dramatique de trompettes MIDI, ouf ça devient du grand n’importe quoi, c’est Jackie-O Motherfucker là qui joue, ou OOIOO ou un truc taré n’importe mais pas Lindstrøm, il s’est fait kidnapper par des Japonais, enfin pas lui son disque, ces sons ringards agencés de manière répétitive, hypnotique, et finalement tout à fait écoutable, ça y est tout revient dans l’ordre ce n’était qu’une sortie de route sans gravité, on se remet en piste le flux redémarre le Kick et KICK le KICK voilà toi qui sirotais un perrier grenadine au bar en discutant avec cette meuf sympa à gros seins la musique te rappelle CALL ME ANYTIME tu lui laisse ton numéro et voilà t’es reparti les esprits frappeurs reprennent le contrôle instantanément en récitant des incantations disco fantomatiques. La batterie est franchement top, musclée, chaude, feutrée, tout ce qu’on attend d’un bon rythme disco tribal du 3e millénaire, ce morceau c’est SON morceau, les autres instruments lui laissent de l’espace, s’inclinent devant elle, tout le monde fait un grand rond sur la piste pour la voir faire son numéro au milieu, et les gens frappent dans les mains pour l’encourager et les fantomes continuent leurs incantations à l’envers. C’est tout dans les charleys chikichikichikchikchichichikichikchiki juste de petites notes de synthés pour l’accompagner une ligne acid acid acid ouh. C’est l’avant dernier morceau, c’est l’oeil du cyclone, on sent que ça va redémarrer mais quand??? Des signes avant-coureurs parfois, des feintes, ce serait le moment du solo de guitare là, mais aucun instrument ne se décide, comme si ils étaient trop timides pour se mettre en avant à part la batterie, ou trop solidaires, du coup on se regarde tous, on se demande un peu ce qu’on fait là, dommage Lindstrøm, t’aurais dû appeler Georges Clinton là, bon c’est pas grave le reste est tellement bien, nous on retourne au bar en écoutant quand même d’une oreille, pour ne pas rater le moment où ça repartira, je cherche cette fille à gros seins qui boit son Perrier au bar, mais elle est pas là, et là c’est le bad trip, la musique fait n’importe quoi, la ligne de synthé acid bouge son corps et ses potards de filtre, des voix effrayantes rigolent, merde ce morceau s’appelle Six Cups Of Rebels, c’est une ambuscade, j’aurais dû boire un peu plus. D’EAU. 

Heureusement les bad trips ça ne dure jamais toute la soirée il y a toujours un moment où le sang redevient clair, où l’euphorie remonte, où on retrouve ses amis, de grands grands moments en général, pleins de joie et de certitude que la fin de la soirée sera géniale. Le morceau s’appelle Hina. Des accords un peu mystérieux, des sortes de petites cloches, percussions tribales, la pulsation est très rapide, et il y a un côté céleste, avec ces nappes de synthé aériennes qui s’étalent partout où elles trouvent de la place, et ces voix toujours incompréhensibles. La rythmique est indécise, elle martelle, elle s’adoucit, elle s’arrête… On ne sait plus sur quel pied danser, en fait on ne danse plus depuis un bon moment, on hallucine. On est étalés par terre, Lindstrøm nous a amenés exactement là où il voulait, maintenant il nous rend les clés, mais où on est, je sais pas trop, pour repartir ça va être compliqué, et puis on n’en a pas le courage maintenant là tout de suite, on va attendre un peu, profiter du son, réfléchir un peu, faire le point, discuter avec son prochain, en particulier si il a des seins, et mine de rien la musique agit encore, c’est plus la plus grande discothèque du monde dans notre tête, mais on est quand même portés par une sorte d’euphorie générale, c’est clair, rien que le fait de vivre ça tous ensemble, de savoir qu’on est pas seuls… J’aime mes amis. Je suis content d’avoir des amis comme eux et je devrais le leur dire plus souvent et faire plus de choses avec eux. Voilà, c’est la fin, il faut redescendre, ça se fait tout seul, une descente en luge marrante, je reviens d’un endroit dingue, j’ai kiffé, j’ai appris des choses, je ne suis plus exactement le même. Vous vous demandez sûrement de quoi je parle, ça serait un peu long à expliquer, disons que ce disque a des propriétés étonnantes, il est hallucinant. Bon voilà c’est tout à plus.