Il y a un truc qui me fait halluciner ces derniers temps, c’est tout ce battage autour de la “Witch House”. Je comprends pas comment on peut donner un terme aussi débile à un genre de musique. Surtout que lorsqu’on écoute les trucs en question, on est pas vraiment frappé par leur spécificité. Ouai c’est du arenbi lofi avec des grosses napes de synthé et des nuages de marijuana qui sortent de partout etc… Bref. C’est pas aussi ridicule que le seapunk, mais presque. En tout cas je viens de tomber sur ce disque de Grimes et en lisant deux ou trois trucs sur internet j’ai vu que cette fille était plus ou moins dans cette mouvance Witch House mais qu’elle commençait à s’en éloigner pour faire des morceaux plus accessibles, plus “pop”. Je crois qu’en fait, je n’ai pas envie d’entendre parler de witch house. Je veux bien écouter les disques, mais par pitié, qu’on ne prononce pas ces mots devant moi, “witch house”. Sauf pour désigner une véritable maison de sorcière, pour me parler de Black Sabbath, d’Evil Dead, ou de la vieille qui habitait à côté de chez moi quand j’étais petit (REP). Bref. Je vais faire les présentations parce que je suis pas sûr que ça vous parle, Grimes. Alors c’est une américaine de 23 ou 24 ans (je connais pas sa date de naissance, pas encore) installée à Montreal et qui s’appelle Claire Boucher. Je me demande si elle parle français. Faudra que je lui demande. D’ailleurs si tu lis ça, Claire, BONJOUR ça va? Dans les articles qui parlent d’elle, on peut lire des noms étranges. Enya?? TLC?? De la pop coréenne? Aphex Twin?? C’est un peu n’importe quoi ouai. C’est une artiste “post internet” comme elle se définit elle même. Elle raconte aussi qu’elle est pas vraiment musicienne, qu’elle choisit juste des sons qu’elle aime bien. Tout ça, c’est tellement avant gardiste. Le revival années 90, la célébration de groupes ringards de cette époque qui commencent à peine à ne plus l’être totalement, bref c’est l’avant garde. D’ici quelques années, tout ça sera mainstream, les images fluo baveuses dégueulasses mal compressées en jpeg, les dauphins… C’est la mode quoi. C’est cyclique, certains sont trop en avance, certains se contentent de suivre, d’autres sont grave en retard (c’est MAL). D’autre on sait pas trop, ils sont aux antipodes, on comprend pas si ils sont en retard ou hyper avant gardistes, ou juste ailleurs. Mais c’est la mode. Ca sert à quoi la mode? Je sais pas trop. Si j’ai une idée, parce que j’ai lu Jean Baudrillard. La mode a surtout une fonction sociale. Il s’agit de se distinguer du groupe social inférieur. La tendance est d’ailleurs à copier les codes du groupe social supérieur, du moins ce qu’on imagine être ses codes. C’est le problème du nouveau riche qui devient totalement bling bling en espérant être reconnu par ses pairs alors qu’en réalité il est encore dans les codes et la logique de la populace, et c’est touchant. Le problème de Baudrillard, c’est qu’il a toujours simplifié un peu trop ses théories. Enfin voilà. La distinction sociale implique la consommation, et la mode. Moi, ça ne me plait pas trop, parce que je suis un gauchiste. Mais c’est comme ça. Le truc, c’est de savoir s’extraire de cette logique pour pouvoir apprécier les qualités essentielles, et non relatives, des choses. Rejeter tout ce qui est à la mode, c’est encore tenir compte de la mode. Ce qu’il faut, c’est oublier ce concept. Et reconnaitre la qualité même quand elle passe au Méga CGR ou sur NRJ. C’est mon point de vue. Tout ça pour dire que quand j’écoute un disque, j’entends de la musique,et c’est tout. Quand j’écris sur ce blog en tout cas. Enfin j’essaie. J’y reviendrai. En attendant, on va parler de ce disque de Grimes.
Infinite ♥ Without Fulfillment. C’est le premier morceau, il commence comme une sorte d’electro des années 80, un petit côté Madonna, les premières démos de Madonna, des trucs que j’adore, et puis la musique devient très répétitive, et un peu bizarre, avec des voix de lutins maléfiques. C’est juste une intro, mais vraiment bien, il s’y passe un truc. La suite est plus joyeuse. Une basse synthé, une voix haut perchée plein de réverbe, mais vraiment noyée quoi, et puis ces sons de batterie synthétique sûrement chopés sur un cd de Computer Music ou piqués à un pote. Des sons mélangés, piochés dans des banques de sons de boites à rythmes, samplés sur des disques de hip hop ou de techno, et puis un piano vraiment cheap style midi ou soundfont, le même que chez James Ferraro. Le troisième morceau commence par un gros synthé joué en arpèges et un rythme de TR 909 ouai vive les 90s c’est la boite à rythme la plus ringarde du monde et pourtant là c’est cool vous voyez ce que je veux dire. Et puis elle chante de belles choses par dessus, ça me fait penser à Panda Bear qui essaierait de faire du r’n’b. Cette voix est vraiment très aigüe on dirait une petite fille. Oh et puis des sons encore plus ringards, un gros orchestra hit ringard, et des faux choeurs joués aux claviers, on se croirait dans le jeu Zombies Ate My Neighbors sur Super Nintendo. Mais en version drogué. De toute façon aujourd’hui tout sonne comme de la musique de drogué ou presque. Même Bethany Consentino, la nouvelle superstar indie que ma mère ou mon ex pourraient écouter (ou écoutent), a un lourd passif de stoner girl impliquée dans un groupe de musique psyché shamanique à cassette. Tout le monde a l’air de fumer des joints à longueur de journée, que ce soient Ariel Pink, les Fleet Foxes, même Julien Doré. Bref. La weed…
Le cinquième morceau s’appelle Circumambient et pour l’instant c’est mon préféré. C’est le plus évident en même temps. Il aurait bien marché à une époque, avec une production plus léchée. Cette musique au fond, c’est un recueil de vieilles photos des années 90 mal conservées, déjà jaunies, avec des taches, et puis c’est des photos floues. Ca a beaucoup de charme. Même si c’est produit n’importe comment. Moi je trouve ça très bien. Je revendique un retour à l’amateurisme dans la musique électronique. Ce qui sort aujourd’hui, c’est trop léché, trop bien produit. C’est ma nouvelle marotte. Mais ouai. Faut revenir à LFO, aux premiers Aphex Twin, à Underground Resistance.
Vowels=space and time. Hum. Avec des titres comme ça, vous comprenez que je ne m’attarde pas trop sur les paroles, de toute façon la voix est trop noyée pour que je comprenne quoi que ce soit et je pense que c’est étudié pour. C’est comme dans un rêve, on te parle mais tu comprends pas tout, les mots ne se détachent pas c’est une bouillie qui sort de la bouche de ton interlocuteur et pourtant, mystérieusement, tu comprends tout. Là c’est pareil. J’entends une fille qui me dit je me rappelle des nineties c’était bien on écoutait TLC et les Destiny’s Childs sur Skyrock et on se faisait des compiles de techno sur cassette on écoutait des trucs mainstream ringards et on adorait ça et aujourd’hui je sens que c’est le bon moment pour sortir tous ces boulets du placard parce qu’ils vont commencer à acquérir une forme de respectabilité à postériori. Ce genre de chose. Moi ça me plait, ça me touche, parce que je suis dans son cas. J’ai écouté Skyrock, j’ai entendu les mêmes morceaux des Destiny’s Childs tous les matins pendant des mois, et la techno de l’époque le samedi soir dans l’émission “la première heure”, et j’ai commencé la musique avec Fast Tracker sur un pentium 100 et tous ces sons ringards, ces samples trouvés sur des cd rom de magazines, ça a été mon horizon indépassable pendant bien bien longtemps. Je pense à ça quand j’écoute Grimes, j’ai l’impression d’être revenu à cette époque faite de Minikeums, de Warcraft 2, d’Hartley Coeurs à Vifs, de fringues de surf, de films érotiques du dimanche soir, et c’est tellement idiot parce que j’étais pas mieux qu’aujourd’hui. J’avais jamais fumé de joints! Mais c’est un petit plaisir de repenser à tout ça.
Je pensais à un truc : cette ré-appropriation du r’n’b par des indie kids drogués (ou non) et possédant une culture musicale à la fois mainstream et souterraine, ça me rappelle quelques autres disques entendus récemment. Notamment The Weeknd et ce truc hyper bien là, How To Dress Well. C’est une tendance je crois. Remarque pas très intéressante c’est vrai. Pendant ce temps le disque continue et je n’en parle pas, c’est mal. Le morceau qui passe là s’appelle Symphonia IX. Paroles incompréhensibles à mes oreilles de français moyennement doué. C’est toujours le même style de musique floue et colorée comme un flashback de série télé. Beaucoup de sons de TR 909 surtout cette caisse claire inimitable. Je vais parler d’eurodance un jour sur ce blog. J’en ai envie. Moi aussi je suis à la mode haha. Ah il y a toujours ces claviers qui imitent des choeurs c’est tellement ringard/cool. Je tiens à souligner également que c’est très dansant comme musique, ça a vraiment toutes les qualités. C’est la musique qu’aurait dû faire Madonna dans les années 80. Elle a fait des choses vraiment proches de ça, mais quand même pas aussi belles. Oui c’est beau. Je trouve que ce disque de Claire Boucher est très beau. Peut-être que je me fais abuser par toute cette réverbération. Il y a un morceau vers la fin qui s’appelle NightMusic. Il fait danser. Je crois qu’elle ne l’a pas fait toute seule celui là il y a marqué “feat. Majical Cloudz”. Mais qui sont ces gens? Ou alors elle s’est vraiment servie de nuages magiques. C’est peut-être une expression imagée pour parler de drogue. Mais en tout cas ça ne dépareille pas sur le disque. La fin est marrante, plus de batterie ringarde, des choeurs lyriques ringards style Enya en fond, très loin et très dissouts dans la bouillie réverbérée. ENYA quoi… Comme l’autre avec ses pépitos bleu. C’est fou. Ca me laisse rêveur.
Bon je viens de penser à un truc. Avec tout ce que je viens d’écrire, vous allez sûrement penser que cette musique est juste une juxtaposition de sons ringards des années 90 avec une chanteuse de 12 ans qui se prend pour Beyoncé ou Madonna suivant les moments et le tout noyé dans une tonne de Réverbération. Bon c’est pas loin de la vérité, mais moi je tiens à souligner que le tout se mélange de manière très harmonieuse. C’est une véritable esthétique qui se dessine au fil du disque, on sent quand même que cette fille a du goût et qu’elle a travaillé pour faire ça. C’est pas un truc de branleuse à la mode. Je pense que c’est une fille sérieuse et intelligente. Et je suis pas le seul puisque 4AD a décidé de prendre en charge la distribution du disque en dehors du Canada. Un bon choix cette fois. Autant The Big Pink j’ai pas compris, autant Grimes, ouai. Après tout, Dead Can Dance, c’étaient les ancêtres d’Enya non? HA. Bon sur ces conneries, je vous dis salut à plus.