Animal Collective – Strawberry Jam (2007)

BONEFISH tududutudu BONEFISH bambambambambambam A Peacebone got found in the dinosaur wing etc… 

Oui le meilleur disque de ces dix dernières années commence par le mot Bonefish. C’est marrant. Ce premier morceau est marrant ce qui n’est pas le cas de tous les autres mais enfin celui là c’est comme une grand foire psychédélique tropicale avec des sons stroboscopiques et du steeldrum. Panda Bear tape sur sa batterie avec application il est loin d’être aussi foufou que d’habitude mon dieu il apprend à jouer motorik bref les autres on comprend pas trop ce qu’ils font de la guitare des synthés des samplers, ça tient sur deux notes comme une comptine, et Avey Tare qui chante des paroles incompréhensibles du style 

While half of my fingers 

Are dipped in the sand

You progress in letters but you’re used to cooking broccoli

The other side of takeout is mildew on rice

Mais bon parfois c’est plus sérieux et le refrain est bien plus clair : 

And an obsession with the past is like a dead fly

And just a few things are related to the old times

Then we did believe in magic and we didn’t die

It’s not my words that you should follow it’s your insides

You’re just an inside

Adjust your insides

You’re just an inside

Quelle chanson on se croirait à Disney Land Martinique si ça existait ou un truc du genre. C’est impossible à décrire en fait comme musique tout va tellement vite et c’est tellement dur de reconnaitre les sons qui sortent de mes enceintes ça va à 200 à l’heure et ça clignote mais MAIS c’est très positif confiance en soi tout va bien tout va bien. Ouai si ça vous rappelle un truc c’est normal. 

La suite c’est Unsolved Mysteries et pendant longtemps ça a été ma préférée de ce disque et peut-être ma préférée d’Animal Collective tout court, c’est à cause du refrain il est très beau et un peu triste. Mais avant il y a le premier couplet : 

“Oh look at me”

That sweet boy’s plea

His mother cried

“My child’s tied his laces”

Why must we move on

From such happy lawns

Into nostalgia’s palm

And feed on the traces

Ca parle de l’enfance et je crois que c’est le thème central de ce disque les souvenirs d’enfance et puis voilà le refrain 

But where are the still unborn

Who could look at me with the one eye?

Who could look at me with no eyes?

Who could look at me with the inner eye?

Allez analyser ça haha faut pas trop essayer quand même tout ce qu’on a à gagner c’est un bon mal de crâne il faut dire que ces animaux là ont été assez sérieux dans l’utilisation des drogues psychédéliques en leur temps qui est aujourd’hui révolu. La suite :

But I feel like I’ve just been born

When you look at me with your pretty eyes

When you look at me with your black eyes

When you look at me with your dead eyes

And I can’t understand

When holding her hand

So womanly

I have to go kiss her

And what a surprise

To look in those eyes

And find suddenly

He is Jack the Ripper

So suddenly he was Jack the Ripper

Stop crying like a child

She stopped crying like a child

Jack the Ripper

Pendant ce temps la musique est assez balaise (de l’occitan balès) c’est une guitare avec un trémolo très lent et plein de samples d’origine inconnue le seul truc facilement discernable c’est la basse le reste c’est des sons tellement furtifs et insaisissables qu’ils pourraient aussi bien être une simple hallucination auditive le temps de se concentrer dessus ils sont déjà loin mais ils nous laissent une sensation agréable. Pendant le refrain un synthé joue des bulles c’est très aquatique et c’est quoi aussi qui se passe dans l’eau hein hein je vous le demande vous trouvez pas mais oui c’est facile c’est LES 9 PUTAIN DE PREMIERS MOIS DE TA VIE et oui. Ça fait cogiter cet album fait pas mal cogiter mais n’empêche que même quand c’est un peu triste on se sent bien c’est juste des souvenirs d’enfance c’est passé c’est fini et puis même si on en a chié ça a contribué à faire de nous ce que nous sommes aujourd’hui alors à moins de se détester il vaut mieux accepter et être heureux d’être toujours là. La fin est un collage de samples dignes de Black Dice et il y a ce son de sabre laser qui m’a toujours fasciné. 

La suite s’appelle Chores et c’est les montagnes russes, encore la foire et c’est Panda Bear qui chante : 

If I ever think too fast

Just take what’s in my head

I’ve got to have till I am dead

Now I’ve got these chores

And I’m never going to hurt no one

And when at last

My work is done

La foire donc mais la foire dans un coin paumé du Sud des Etats Unis oui il y a un côté country de redneck dans cette chanson c’est admirable parce que ça sonne très avant-gardiste en même temps il y a toujours cette batterie mongolienne composée d’un tom d’une caisse claire et d’une cymbale et pas beaucoup plus et puis ces guitares défigurées par le pitchshifter et puis ces samples d’origine inconnue c’est Geologist le mec avec une lampe frontale c’est lui le plus mystérieux du groupe il s’occupe de quoi exactement il fait les sons d’ambiance c’est tout et puis il a jamais sorti d’albums solo ou de trucs comme ça il se contente de faire des bruits mais en même temps sans lui ça serait largement moins bien c’est lui le ciment du groupe c’est lui qui donne la cohésion à l’ensemble. La fin du morceau c’est une sorte de transe avec toms qui claquent sur chaque temps assez rapide et les guitares défigurées qui bourdonnent et Panda Bear qui fait le Panda Bear avec ses choeurs empilés c’est très beau ça donne envie de danser d’ailleurs ça m’est souvent arrivé de danser la dessus. 

OOOh mais la suite c’est For Reverent Green. La musique c’est vraiment le truc de base la guitare tremolo, une autre guitare pitchée, les toms des cavernes de Panda Bear et Avey Tare qui chante des trucs du style 

From one moment to the next

Reading in the papers to know what’s best

Sometimes you don’t know yourself

Eating loads of vitamins for your health

From one moment to a next

Red negativity in the street

Maybe it’s the dirt, maybe it’s the heat

A baby on the bus smiled at me so easy

Et puis le refrain est sans paroles c’est juste uuuuuhuuuuuuhuuuuuhhh heyyyy yeeaaah et ça crie pas mal j’adore quand il crie Avey Tare ça me rappelle qu’Animal Collective c’est un groupe punk même si on a tendance à l’oublier surtout sur leur dernier disque. Bref. Les paroles un moment racontent ça :

A running child’s bloody with burning knees

A careless child’s money flew in the trees

A camping child’s happy with winter’s freeze

A lucky child don’t know how lucky he is

Et ça c’est complètement hurlé et c’est jouissif même si on comprend pas vraiment. Bref. Le morceau avance comme un train, lentement mais sûrement c’est une grosse machine avec ces toms qui font boumboum comme un battement de coeur aussi oui c’est une machine humaine forcément tout est organique de toute façon chez animal collective même les synthés sont organiques on dirait que leurs synthés sont faits avec des plantes encore vivantes et donc le coeur qui bat c’est carrément hypnotique comme tout le reste de l’album d’ailleurs une pulsation continue qui t’oblige à remuer la tête tout le temps ça n’arrête pas et c’est un des trucs que je préfère dans ce disque la pulsation constante qui jaillit parfois de manière inattendue c’est jamais un bête rythme de batterie c’est plus compliqué la guitare tremolo joue un rôle aussi important dans la définition du rythme. C’est une guitare rythmique quoi une vraie. 

Et le morceau suivant, Fireworks, c’est la même chose mais cette fois il y a un truc complètement dingue je veux parler de ces coups de caisse claire passés au flanger qui n’arrêtent pas du début à la fin de quoi retourner le cerveau quand ils étaient passé à Bordeaux je suis devenu fou à ce moment là et je suis pas le seul tout le Krakatoa est devenu dingue d’autant que les lumières de leur show sont très travaillées et voilà quoi. De la musique de transe pour enfants ou pour adultes qui ont gardé leur âme d’enfant. Les paroles sont plus obscures que jamais il y a quand même des choses intéressantes : 

And I can’t lift you up cause my mind is tired

It’s family beaches that I desire

That sacred night where we watched the fireworks

They frightened the babies and you know they’ve got two

Flashing eyes and if they are color blind

They make me feel that I’m only all I see sometimes

Et puis ce refrain encore une fois sans vraies paroles juste oooh oooohoohohoohoooh c’est tout. C’est frustrant de ne pas pouvoir expliquer pourquoi je trouve ça génial. 

Number 1 ensuite et là après une série basée sur la guitare tremolo on entame la deuxième moitié du disque que je trouve encore plus intéressante. Number one donc, une berceuse sous LSD construite autour d’une descente chromatique jouée à l’orgue et par dessus à peine un coup de tom des grelots quelques sons d’ambiance et le dialogue entre la voix modifiée d’Avey Tare et Panda Bear qui chante comme dans une église “I want to cry” C’est un père qui parle à son fils c’est touchant c’est beau et encore cette pulsation wow.

Hahaha une de mes préférées ensuite, Winter Wonder Land mais je crois qu’elle ne fait pas l’unanimité. Moi j’adore c’est un morceau de punk rock oui je vois pas comment décrire ça autrement le seul du disque avec une batterie punk rock jouée à fond la caisse et Avey Tare qui chante à fond la caisse en criant et puis ce refrain qui fait oooohooohooooh encore décidément ils arrêtent pas. La batterie est folle les baguettes tapent dans tous les sens c’est plein d’énergie et c’est peut-être à cause du titre mais moi je vois un truc gelé dans cette chanson c’est du punk rock gelé le punk rock des pingouins c’est plus Panda Bear c’est Polar Bear à la batterie et tout un tas de phoques qui font les choeurs ils sont dans une caverne de glace le son rebondit sur les parois et la neige scintille qui si les parois étaient incrustés de petits diamants. 

Our homes are all white

And we go dancing on the lake

And sleds will carry us tonight

And snowflakes will blow us on our way

Drifts rise to the sky

Rainbow hats fly down them

And tears are frozen diamonds

So we smile when we’re crying

Bref, vous avez compris. En fait on se prend pour des pingouins et des phoques mais on est juste des gamins de 5 ans qui jouent dans la neige et c’est le plus beau jour de notre vie parce qu’il n’y a rien de plus beau et de plus marrant que la neige et faire des batailles de boule de neige et des bonhommes de neige et tout détruire à coup d’après ski. C’est leur moment Punk ROCK comme We Tigers à une époque. Ne jamais oublier le côté punk d’animal collective c’est aussi ça qui les rend parfait. Mais punk rock pour enfants évidemment. On dirait que ce disque a été écrit par des enfants. 

Ah alors la suivante c’est clair que c’est ma préférée et ce sera toujours ma préférée. Cinq belles notes de piano samplées loopées, des voix fantomatiques des petits bruits bizarres et ça dure quelques dizaines de secondes puis hop nouveau sample de piano nouveaux bruits de feedback de pédale de délai des bruits bizarres dans tous les sens et BAM refrain grosse batterie qui joue extrêmement lentement avec un énorme son on se croirait dans un concert de Phil Collins à Wembley et ce piano je sais pas d’où il sort ça pourrait être Chopin ou un truc romantique comme ça et puis après le refrain ça vire free noise “I’m going cuckoo-ookoo-ookoo” C’est très beau. Oui. Ce piano très classieux et la violence qui se déchaine par dessus ça donne un sacré contraste, et puis c’est une chanson qui parle de mort, de la mort de qui je sais pas peut-être un animal de compagnie surement oui un chien ou alors un enfant ou le père de quelqu’un je sais pas quelqu’un de très cher en tout cas. 

And I can’t hold what’s in my hand

Don’t do any good to say this isn’t what I planned

And little kids sliding down the steel park slide

Little kids can’t play with things that have died

Sometimes all I want is one favorite song

And two to three minutes don’t seem that long

And where’s my mom, I wanna hold her tight

She’s so far away from crowded nights"

Oui je sais ils racontent sûrement tout dans des interviews mais je suis toujours un peu déçu quand on m’explique la vraie signification des paroles je préfère imaginer ce que j’ai envie et puis une fois que le disque est rendu public il appartient à tout le monde et mon interprétation n’a pas moins de valeur que celle d’Avey Tare. Un disque qui sort dans le commerce et qui trouve son public acquiert une individualité propre et ça vaut aussi pour les films et c’est la raison pour laquelle je hais George Lucas qui a défiguré la Guerre des étoiles en faisant tirer Greedo en premier dans la cantina alors que c’est complètement faux c’est du révisionnisme c’est Han Solo qui a tiré en premier et oui c’est peut être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup ça veut dire que c’est un vrai dur Han Solo et qu’il a un côté sombre bref que c’est un personnage complexe sans foi ni loi et ça rend son retour moins certain à la fin du film et voila quoi. 

DEREK. La dernière chanson. C’est une comptine. C’est un petit garçon qui raconte qu’il avait un chien et qu’il s’en est mal occupé et qu’il est mort. Un morceau d’une force exceptionnelle, comme tous les autres. Panda Bear chante : 

We had a white and blackish Sheltie

Had a name when we first got him

Shoulda taken better care of him 

But he had it OK

C’est très aquatique encore une fois, ça sonne mouillé comme un labrador qui sort de l’eau et se secoue pour sécher plus vite. C’est très naïf, les paroles, la mélodie. La première partie est construite autour de quatre couplets aux paroles qu’on dirait écrites par un enfant tellement c’est grammaticalement douteux. C’est un enfant de 5 ans qui parle. La mélodie ressemble à une comptine un truc qui renvoie directement à notre enfance mais c’est tellement beau les sons d’ambiance impeccables merci Geologist une fois de plus et puis la batterie finit par arriver et ça vire au n’importe quoi oui les enfants ont du mal à se concentrer plus de 2 minutes alors au bout de deux minutes ils sautent dans tous les sens ils chantent une autre chanson qu’ils ont appris à l’école ils rigolent ils crient ils mettent les mains dans la peinture pour l’étaler sur les murs ils s’en couvrent le visage ils sautent sur le lit pour faire du trampoline sans enlever leurs chaussures pleines de peinture de toutes les couleurs et qu’est-ce qui se passe dans leur tête à ce moment là hein à cet âge là tout est encore nouveau tout est encore brillant neuf beau toutes ces informations qui se bousculent dans leur tête comment les trier les classer c’est pas évident ça part dans tous les sens il y a de quoi se déconcentrer facilement c’est vrai c’est pas évident de focaliser son attention pendant cinq minutes quand tout a l’air beau et nouveau et intéressant et génial et la dernière minute de ce disque raconte tout ça, la batterie fait du trampoline et les paroles rebondissent littéralement comme notre “trois ptits chats chapeau dpaille paillasson somnambule” etc… mais la musique est tellement bien faite intelligente avoir un tel respect et une telle fascination pour l’enfance et les enfants, moi ça me rend dingue, je trouve ça tellement beau, et rare de nos jours. Ca me donne envie de revoir Where the wild things are tout ça. Bref. C’était Strawberry Jam le meilleur album de ces 10 dernières années. C’est tout à plus.