Julia Holter – Ekstasis (2012)

Julia Holter. J’aime bien, le précédent était franchement chouette, je l’ai encore écouté il y a pas longtemps en siestant à moitié. Et pourtant sur le papier il y a de quoi être sceptique. Une jeune fille de formation classique qui fait de la musique expérimentale lofi avec des réminiscences de Kate Bush et d’Enya, ça fait pas rêver. Pourtant ça marche bien, tout simplement parce qu’elle est douée j’imagine. Comme ils disaient dans TRAX, certains composeraient un chef d’oeuvre avec un kazoo. Je crois qu’à l’époque ils parlaient de Beck, Pavement et Sonic Youth, qui venaient de participer à une compilation de musique pour Roland mc 505. J’imagine qu’elle ferait un truc pas mal elle aussi. C’est un peu énervant, elle est jeune, assez jolie, ASSEZ, elle a du succès, et surtout elle est très douée. GRR. En tout cas on peut dire que ce disque n’a pas été enregistré dans un studio à 50000 dollars de l’heure dès le premier morceau et son piano électrique qui fait ploc ploc ça sonne toc mais ça fait pas un flop. Et hop. Stop. C’est un peu effacé/flou. Même sa voix semble enregistrée avec un micro Fisher Price mais elle en a rien à foutre et du coup nous aussi. Il suffisait d’avoir assez de cran pour le faire, pour que le monde entier découvre lui aussi qu’il n’en a rien à foutre de la musique surproduite. Bon ok, je parle surtout de moi là. Mais vous voyez c’est comme le disque de Claire Boucher, dans un autre style. Finalement ces deux trucs sont assez proches. J’aime beaucoup l’idée qu’on peut enregistrer un chef d’oeuvre avec deux micros en plastique et une Sound Blaster 16. Si on me l’avait dit quand j’avais quinze ans, j’aurais peut-être été moins complexé. Saleté d’époque les jeunes d’aujourd’hui (ou les moins jeunes d’ailleurs) disposent de trucs technologiques hallucinants et ils se permettent la coquetterie de revenir au son dégueulasse des logiciels amateur des années 90. Ya des claques qui se perdent. Mais non Julia je parle pas de toi, t’es parfaite reste comme tu es. 

Bon pour l’instant c’est toujours le deuxième morceau et il a l’air de durer des heures. C’est de la dance music progressive new age lofi. Ca veut dire qu’on en a pour notre argent ; les six minutes seize de ce morceau sont remplies jusqu’à la gueule de trouvailles mélodiques et sonores. C’est très beau. La demoiselle a pas mal progressé en chant et j’ai l’impression qu’elle a une approche de la pop music un peu plus décomplexée. On frise le kitch mais aujourd’hui vous savez ce que c’est c’est un peu le bordel dans nos têtes. Qu’est-ce qui est cool, qu’est-ce qui est ringard?? GO WEST par exemple, c’est cool ou c’est top ringard? Amanda Lear, Grimes, Madonna, LMFAO?? Je ne sais plus, je suis perdu. 

Au niveau des influences, c’est dur de s’y retrouver dans ce disque tellement ça fourmille d’idées qui renvoient à droite, à gauche, en haut, en bas, mais personnellement, je pense à de la musique New Age des années 80, de la pop synthétique du style Video Killed The Radio Stars, des statues antiques, des dauphins, des cassettes de musique actuelle qui ressemblent à la musique du futur du passé, et les meufs de chez 4AD forcément. D’ailleurs miss Holter aurait tout à fait sa place au sein de cette vénérable institution qui traverse une difficile crise de la trentaine en ce moment. Oui je suis mauvaise langue je dois être le seul connard sur terre qui trouve quelque chose à redire à la sortie des disques de The Big Pink sur 4AD. MOSIDGHzoigh on s’en fout. 

La quatrième chanson s’appelle Boy In The Moon (“he’s taking off…”). J’ai eu l’impressoin pendant quelques secondes qu’elle chantait comme ce grand fou de Bradford Cox quand il fait Atlas Sound. Ca pourrait tout à fait être une chanson d’Atlas Sound période “Let The Blind (…)”. Excellente utilisation du saxo qui croasse, synthés de cassette de relaxation, chants de sirène, ça serait parfait pour le fameux fish spa en bas de chez moi. Je crois que tout un pan de la musique actuelle, celui qui reste fondamentalement populaire mais qui lorgne dangereusement du côté de la musique savante, trouve dans ce disque une sorte d’apogée temporaire. La pop lofi à cassette, les ritournelles électro acoustiques de Tujiko Noriko, la musique de dauphins de l’espace, toutes ces choses totalement déconnectées, qui sonnent vieilles mais qui sont en réalité ultramodernes… Grimes et Julia Holter. Voilà. C’est ce qui se fait de mieux ma petite dame. Pas sûr que Patrick Bateman achèterait les cd pour en faire une critique élogieuse entre deux fabrications de pâté maison (hahaha). Mais il est débile ce mec il veut ce qu’il y a de mieux mais il est pas fichu de l’apprécier. 

Face B. Un peu de vocoder. La mélodie me dit quelque chose je me demande si ce morceau n’était pas aussi sur le premier album, dans une version plus épurée et moins dansante ringarde. Mh. Peut-être que non. Mais tu vois, on reconnait son style à cette fille, c’est bien, très bien ça. C’est très différent du fait de tourner en rond. Avoir un style, tout en évitant la redite, c’est bien. C’est montrer qu’on a une vision artistique, qu’on se contente pas de prendre à droite à gauche des petits bouts de musique pour les coller ensemble au petit bonheur la chance. Non. Julia est largement au dessus de ça. /// Zelda. Oui j’ai reconnu les choeurs millénaires qui accompagnent la découverte du temple du vent. Julia c’est la Princesse Zelda. C’est la pop star du royaume D’Hyrule. Elle a des yeux de déesse. Elle fait des concerts sur la grande plaine devant le chateau. Et tout le Royaume vient l’écouter. C’est Link qui joue de l’ocarina, de la lyre et tout un tas d’autres instruments. Du synthé casio! Et il tape dans les mains aussi. 

La chanson suivante ressemble presque à du France Gall. Mais en mieux, en plus médiéval du futur aussi. En plus Zelda quoi. C’est une chanson assez dramatique, assez triste, Julia prend une voix très aigue pour faire ses aaaah aaaaah, en fait je pense pas mal à l’aigle noir de Barbara aussi, mais en plus enfantin, c’est pas vraiment triste en fait, enfin si mais c’est triste parce qu’elle a arraché la tête de sa poupée sans faire exprès quoi, Moni Mon Amie, c’est sa poupée qui s’appelle Moni.

RAh. La chanson suivante c’est la princesse Zelda qui surferait sur le web sous Windows 95. Bon maintenant que je vous ai dit ça, fermez les yeux, faites le vide, et visualisez cette image. Laissez vos tympans vibrer en harmonie avec ce tableau. Voilà. Restez deux minutes comme ça. C’est bon je crois que vous avez saisi le truc. Je pense qu’il est inutile de vous dire ce que j’en pense, ça vous aura frappé naturellement au cours de cette expérience. Pas la peine d’en rajouter. Ah si. Juste pour dire que James Ferraro peut aller se rhabiller!  Bref. Non sérieusement, la huitième chanson de ce disque s’appelle Four Gardens, Elle dure un peu plus de six minutes, et ce sont les meilleures six minutes de musique que j’ai entendu ces derniers mois. Il y a même du saxophone!!! Incroyable. Je suis impressionné. Si le reste du disque était aussi bon que ça, on aurait notre album de l’année sans problème. Notre album de la décennie aussi, pourquoi pas. HA. Ca se termine en cacophonie de bois, c’est marrant. 

Et puis bam voilà la chanson qui me rappellait un truc tout à l’heure et ben non en fait c’est juste qu’il y a une reprise à la fin du disque que j’ai entendu quelque part. Bref. C’est hyper minimaliste et lo fi pour le coup. Toujours ce vocoder, une basse synthétique, un kick de boite à rythme et au début il n’y a guère plus. Ca s’étoffe en peu ensuite les synthés s’empilent la reverb sur la voix devient de plus en plus profonde. Et tout ça, je vais vous dire, on s’en fout, le truc vraiment important de ce morceau, c’est la MELODIE. Un véritable tube des années 80. Mais en version squelettique. C’est bien. 

Et voila le dernier track. Piano voix larmoyant pendant trente secondes et puis ça passe à autre chose carrément pas triste. une boite à rythme multiraciale qui titube un peu il y en a pour tous les gouts entre ces voix de sirène//ces nappes de synthé des années 80/// ces violons///ces petites clochettes – c’est l’auberge espagnole de la musique new age des années 10 et c’est le truc le plus expérimental de ce disque. Enfin non, pas expérimental, c’est pas plus expérimental que le reste, je n’aurais pas du employer ce terme qui m’énerve de plus en plus d’ailleurs parce qu’il ne veut pas dire grand chose et qu’il est employé à tort et à travers. Disons que ce dernier morceau est celui qui s’embarasse le moins avec les conventions sociales il n’est pas très poli en fait il est sûrement autiste il reste dans son coin et se tape l’oreille avec la main en bégayant/hurlant des choses incompréhensibles avant de s’écrouler par terre et s’endormir devant tout le monde comme si il n’y avait rien comme si il était partout chez lui partout dans son lit. J’ai rien contre ce genre de musique au contraire j’apprécie les trucs qui ne s’embarassent pas trop avec les conventions. Bon c’est pas de l’impro libre non plus, c’est pas Derek Bailey et compagnie, mais n’empêche que c’est foncièrement bizarre. Un bon point pour Julia. Encore un. Dans un monde parfait le concept de super star serait inconnu, on serait tous plus créatifs et doués les uns que les autres. Mais dans un monde un petit peu moins parfait, un monde avec des super stars, Julia Holter en serait une. Elle a tout cette fille. Hum peut-être pas tout. Je crois qu’elle a pas des gros seins. Mais disons qu’elle a pas mal de trucs, un sacré potentiel à retourner les oreilles, les cerveaux et les coeurs à une échelle industrielle. Je lui souhaite de conquérir le monde et en attendant je pense que je vais réécouter son disque. Et vous devriez tous en faire autant. Voila c’est tout à plus.