Kap Bambino – Devotion (2012)

A l’époque où ils jouaient régulièrement à Bordeaux, je ne les ai pas vus une seule fois. Ca me disait rien du tout. Pour des raisons pas toutes avouables et comme vous êtes pas mon psy, je ne vous dirai rien. Voila. Bientôt, ils reviennent jouer à Bordeaux pour vendre leur nouvel album qui s’appelle Devotion et comme tout le monde en parle y compris et surtout hors de Bordeaux, je me dis que c’est le bon moment pour y jeter une oreille. Je dois être plus sensible à la hype qu’autrefois. Enfin, qu’il y a trois ou quatre ans quoi. Ou ce que j’estime être hype, ce qui n’est pas forcément pareil hein. Ben oui, je peux me tromper. J’avoue, j’ai pas toujours raison, et c’est justement parce que je prétends pas le contraire que ce blog devrait être lu par tous les gens qui s’intéressent un peu à la musique d’aujourd’hui. En toute modestie hein. Ho. Ça va hein. Alors le premier contact, disons les deux premiers morceaux, se passe sans accroc. C’est exactement ce que j’imaginais, mais en bien. C’est efficace, vulgaire, ultra compressé, les synthés sont velus et rappellent pas mal du heavy metal des années 80, au niveau des riffs. Je pense pas mal aux Crystal Castles. Peut-être en plus monolithique quand même. Plus efficace, plus pêchu. Un gros bon point, c’est la chanteuse, qui est assez chouette. Elle fait bien le job et sa voix, ses intonations, même la saturation, tout ça est exactement conforme à ce qu’on attendrait de ce genre de musique, mais en bien fait. Voila quoi. Pas de la musique révolutionnaire, mais qui fait du bien par où elle passe. Une version punk de Daft Punk ou Justice. Une version bien de Justice. Une version de Justice qui ne se contenterait pas de poser, et qui irait au bout de sa démarche. En fait -je dis peut-être une connerie mais on s’en fout- c’est un des trucs les plus rock’n’roll que j’ai entendu cette année avec le disque de The Men. Oui parce que je sais pas où vous en êtes de vous réflexions personnelles sur l’histoire de la musique pop et tout ça mais hé, il est grand temps de reconnaitre que 1) le rock est en piteux état ces dernières années et 2) c’est du côté des musiques sans guitares qu’on trouve bien souvent les trucs les plus énergiques, les plus je m’en foutistes, les plus dangereux, les plus imbibés de bière et de colère destructrice et ça vient sûrement du fait que c’est moins fatigant et moins cher de faire de la musique avec un ordinateur. Pas d’apprentissage long et fastidieux (à la place, un apprentissage marrant entrecoupé de visites de youporn et de facebook) ; pas d’amplis couteux et lourds et chiants à transporter ; on peut aller sur youporn en deux clics (je l’ai déjà dit je crois). C’est tellement punk comme concept je me demande pourquoi il y a encore des groupes punk à guitare et en fait je me demande si ces prétendus groupes punks à guitare sont authentiquement punk. Oui je vous avais prévenu je raconte des conneries mais je pense qu’il y a un fond de vérité dans ce que je raconte non? Bref. La musique d’ordinateur comme ça, c’est trop rock’n’roll. Ca me rappelle quelqu’un qui disait que Peter Rehberg et ses copains de chez mego, avec leur noise d’ordinateur hyper extrême et simple et directe mais quand même pas si simple que ça, étaient les nouveaux punks. J’ai réfléchi 5 minutes quand j’ai lu ça, et puis j’ai compris que j’étais d’accord. Oui. Computer is the new guitar. Ce qui est incroyable c’est qu’aujourd’hui tout le monde a un ordinateur, c’est comme si tout le monde avait une guitare dans les années 80! Bon, une guitare qui resterait posée dans un coin ou qui servirait de table basse ou de support pour ligne de coke ou de râpe à fromage pour 90% de ses propriétaires, forcément parce qu’on n’est pas dans un monde parfait. Mais c’est quand même incroyable et prometteur. Imaginez dans dix ans, si tous les enfants à la maternelle, au lieu de faire des dessins moches ou des sculptures moches en pâte à modeler ou des poèmes chiants, faisaient de la musique avec leur ordinateur. Je veux dire, ils ne seraient pas moins compétents que lorsqu’ils ont un pinceau ou un crayon pastel dans les mains. Imaginez la révolution. Enfin la musique électronique, la musique tout court, pratiquée par la masse! Imaginez les possibilités, l’infinité de machins géniaux qui coulerait en un flot continu. Mon fantasme ultime, enfin un de mes fantasmes ultimes, en tout cas mon plus grand fantasme n’impliquant pas de personnes du sexe opposé : que tout le monde se mette à faire de la musique à ses heures perdues. Entre autre, de manière générale, que tout le monde consacre une part de son temps libre à créer des choses qui n’ont AUCUNE UTILITÉ. Que plus personne ne soit dépendant de super stars inaccessibles et prétentieuses pour s’éclater, ou même de stars moyennes ou juste de gens talentueux qui vivent à l’autre bout du monde. Que la totalité de notre environnement et de notre vie quotidienne se changent progressivement en oeuvres d’art, ce qui implique aussi une grosse réduction du temps de travail et donc un partage équitable des gains de productivité qu’ont permis les progrès techniques des 200 dernières années. Ce devrait être le programme de tout parti politique qui se respecte, mis à part les partis super ringards et assez malhonnêtes qui promeuvent encore l’exploitation de l’homme par l’homme au nom d’une prétendue liberté qui est avant tout celle de ceux qui ont du fric mais si la liberté doit s’acheter c’est plus une liberté, c’est une prestation comme une autre. Fuck. Tout ça pour dire que ces Kap Bambino c’est pas ces grosses baudruches de Daft Punk ou Justice et compagnie, ça reste humain, accessible, humble, et vrai. J’aime le caractère imparfait de leur son son, c’est pas du black metal, mais on comprend bien qu’il y a un choix délibéré de faire un truc direct et gnagnagna (flemme), parce qu’aujourd’hui n’importe qui peut pondre une super production ultra lêchée à l’aide de quelques simulateurs d’effets analogiques tellement réalistes qu’à moins d’être un pro on voit pas la différence. Donc, le choix du son un peu cracra, du compresseur baveux, des boites à rythme qui font ploc ploc, et le tout dans quel but? Hein? Emmerder le monde, faire danser les jeunes sans les prendre pour des cons, et oui ça va pas plus loin mais comme on dit, “it’s only rock’n’roll”. Mais c’est déjà pas mal. Oh yeah. Bon c’est tout à plus.