Ben Vida – Esstends – Esstends – Esstends (2012)

Ben Vida je l’ai vu une fois en première partie de Tim Hecker sur un bateau. Et c’était vachement cool même si tout le monde n’était pas de cet avis. 

Le disque qui nous intéresse aujourd’hui commence par des coups d’aiguilles numériques qui font pic pic pic et des sons vaguement FM/cloche on se croirait dans un disque d’Autechre vachement élagué comme les peupliers dans mon jardin c’est pas mal ça fait du vide on respire on voit le ciel quand on s’allonge dans l’herbe synthétique et puis moi j’aime bien quoi. C’est assez rythmé comme musique mais bon pour suivre il faut s’accrocher encore une fois c’est comme chez Autechre. Ces mecs ils ont inventé pas mal de choses il faut dire. 

AAHhh la suite est bien plus ouverte large et glissante craquante croassante on se croirait dans une marre aux grenouilles robots. La spatialisation du son est complètement dingue je me demande comment il a réussi ça. Il est fort, c’est tout. Il y a des sinusoïdes qui se prennent pour un étang un étang tout calme juste des petites vaguelettes sympathiques. 

Un truc bien plus carré et lié ensuite. C’est un jeu de moto des années 80. Hang On dans tes enceintes mais sans manette c’est pas toi qui changes les vitesses. C’est un film. Tu en es au niveau nocturne celui qui se passe en ville le paysage est vachement différent à gauche et à droite mais tout aussi joli simple très simple mais joli. Franchement il suffit de pas grand chose pour faire de la jolie musique un synthé préhistorique avec une onde carrée en 8 bits c’est tout. Bravo en tout cas c’était court mais intense.

RETOUR à l’étang ensuite aaaaah je l’ai entendu en concert ça très très intense j’ai cru que j’allais perdre l’équilibre sauf que j’étais allongé sur le sol comment c’est possible me direz vous? Je n’en sais rien. Enfin si je sais, et vous aussi d’ailleurs, ça s’appelle avoir le vertige ça entraine nausée et vomissements dans le pire des cas. J’ai pas vomi dans la cale de ce bateau ça aurait été assez gênant parce qu’ils avaient mis un grand tapis. La drogue c’est mal voyez. Mais cette musique c’est pas mal. C’est plein de petits objets (ceux de la pochette surement) qui tombent à gauche et à droite ils se liquéfient puis se solidifient et puis ils finissent par léviter grâce à un champ magnétique tellement intense qu’on finit par l’entendre ouuuuuuuuuuiiiiiiiiiiiiiiiieeeeeeeeeeeehhhhhhhhhhhhhhhhhh ainsi de suite vous avez pigé. Le gars doit bien aimer la stéréophonie et il s’en sert pas trop mal. C’est vrai qu’en général c’est pas aussi élaboré. Hé les mecs qui essaient de faire de la musique électronique/abstraite/intello/primitive/intelligente lâchez vous sur le réglage panoramique foutez tous les crrr à droite et les oooooh à gauche ça fera pas de mal ça vrillera encore plus le cerveau ce qui est le but hein avouez-le ; le but c’est de provoquer un état mental proche de ce qu’on ressent quand on prend des drogues. Et par extension, ou par réalisme, c’est aussi maximiser les effets des drogues pour partir le plus loin possible. Sans billet d’avion, sans bagnole, sans vélo, sans aucune consommation calorifique excessive. 

Bam nouveau morceau 12 minutes cette fois et apparemment la moto est en train de tomber dans le ravin du lapin blanc c’est interminable et le pilote n’a pas pensé à relâcher l’accélérateur comme si il voulait accélérer et c’est vrai on l’entend clairement cette musique accélère et ralentit en même temps!! ?? oui c’est possible. Imaginez un son qui deviendrait plus aigu et plus grave en même temps, de quoi griller les circuits de n’importe quel robot un minimum perfectionné. Le son s’éteint lentement et repart vers le haut et vers le bas tandis qu’un mécanisme d’horloge ou un radiateur fait tactactactactac. C’est d’ailleurs ce qui reste lorsqu’on enlève tout le reste, ça et un binaural beat gauche droite qui frotte et fait onduler le paysage j’ai même plus envie de taper sur mon clavier tellement c’est silencieux je suis en train de tout détruire. Je sais pas si certains d’entre vous ont pour habitude de parler ou de faire autre chose en écoutant de la musique mais sérieuseent les gars, oubliez, c’est meme pas la peine, autant continuer à s’envoyer votre coffret live de King Crimson, c’est parfait pour passer la serpillère dans la salle de bain, et laissez les grandes personnes apprécier la musique de grande personne tranquillement, c’est à dire en silence et le néant environnemental absolu ou a peine troublé par un joint ou une cigarette ou un bon vieux cigare de La Havane en train de se consumer. On ne s’asseoit pas à une table nappée de dentelle délicate en bleu de travail ou en combinaison de surf! Non Mais. On s’y installe tout nu, évidemment. Je dis ça parce que cette musique, c’est de la dentelle, de la dentelle électronique très légère mais pas mousseuse du tout. Elle est acérée et tellement tranchante qu’elle parvient presque à déchirer le voile qui la sépare de notre couche de réalité, un peu comme un fantôme japonais qui tente de sortir d’une télévision. Et voila. Les douze minutes sont terminées, la moto pilotée par un lapin en retard finir par toucher le sol en douceur et c’est cool parce que j’aime bien les happy end. 

La fin du disque est également faite d’expérimentations stéréo binaurales qui frottent nos neurones les uns contre les autres. Cette fois on se trouve dans une usine à clochettes microscopiques c’est une usine toute blanche qui tourne grâce à une armée de robots microscopiques pas du tout humanoïdes. Changement de tableau, changement de tableau, changement de tableau, on change de pièce plus précisément, c’est une usine assez vaste horizontalement et verticalement et une fois encore on finit par tomber toooomber mais cette fois tout un tas de petits objets tombent avec nous c’est les pierres de la pochette transformées en clochettes et autres instruments de musique microscopiques qui se liquéfient comme un terminator en goguette avant de retrouver leur état solide initial. C’est un métal rigolo un métal malicieux on dirait qu’il est vivant et qu’il nage en banc comme des poissons en cherchant quoi je sais pas peut-être que ces pierres veulent s’amuser oui nous montrer quelque chose ou nous contaminer en tout cas ce qui est clair c’est que cette musique ne s’adresse pas à ceux qui aiment garder le contrôle parce qu’on arrête pas de tomber, de se faire vriller les neurones et de se faire frôler par des ondes physiques/solides/sonores microscopiques sans qu’il soit possible de s’échapper à moins d’arrêter le disque. Ca me rappelle pas mal un trip sous sauge en fait, dans ces moments là on a toujours l’impression que quelque chose de conscient nous parle dans la musique et sort des hauts parleurs pour s’installer à côté de nous. En général ce quelque chose est bienveillant, avec moi en tout cas il l’est. Ca doit-être parce qu’au fond je m’aime au moins un peu, je ne me déteste pas en tout cas. Les gens qui se détestent, je leur conseille pas les trucs psychédélique de toute façon, ou à petite dose, le problème c’est qu’ils risquent de se rendre compte trop brutalement du fait qu’ils ne s’aiment pas, et du POURQUOI. Oui pourquoi? Parce que je suis un connard égoïste incapable de m’ouvrir à mon prochain, que je considère en général comme un distributeur d’humanité gratos, un écran de console de jeux, un livre géant qui parle, un mur, une table, un trou. MERDE. J’ai envie d’être gentil. J’ai raté ma vie. J’y arriverai pas. Etc etc… Des choses que les gens, souvent, essaient désespérément d’oublier au prix d’efforts psychologiques et physiques intenses. Le refoulement, c’est quelque chose. 

Alors ce disque, il sert à quoi? Il peut-être vu comme une tentative de plus de sculpture sonore et après tout pourquoi pas. Une sculpture un peu monolithique, mais comme ça dure pas hyper longtemps, ça passe. Et oui, c’est beau. Il peut aussi être vu comme une histoire. A imaginer soi même. Dans ce cas c’est un peu plus intéressant, mais pas tant que ça. Ca va pas très loin. C’est un drame microscopique. C’est aussi passionnant que Microcosmos ou autres documentaires animaliers sans paroles. D’ailleurs, je défie Jacques Perrin ou je sais pas qui de refaire un truc comme ça, mais dans le monde merveilleux des bactéries et autre organismes unicellulaires. Là ce serait vachement fun, à condition de soigner un peu la présentation. Franchement, les fourmis et les bousiers j’en ai rien à foutre, j’en vois tout le temps dans mon jardin et comme tout être humain pas trop bousillé par la société de consommation, il m’est arrivé de passer du temps à les regarder vivre. Par contre les bestioles microscopiques qui vivent partout autour de moi, je les connais pas, et c’est trop dommage. C’est frustrant de se dire qu’on ne connait pas tous les êtres vivants qui nous entourent. Bon il y a pire, mais maintenant qu’on a la technologie pour, il faudrait peut-être s’y mettre hein. Bref. Ben Vida, le Jacques Perrin de la musique électronique, carrément. Le peuple de l’herbe hein. héhé. Enfin, troisième possibilité, il est possible de se servir de ce disque comme un simple outil, un vaisseau, une capsule pour voyage interdimensionel de chambre. C’est une porte et ce qui nous attend derrière, c’est à peu près tout ce qu’on veut. Soi même ou Dieu ou les autres ou des extraterrestres ou des anges ou des esprits en tout genre ou des oiseaux etc… Tout ce qu’on ne voit pas en temps normal, tout ce à quoi on ne pense pas. C’est pour ça qu’on peut dire que ce disque rend moins con et moins borné, encore faut-il accepter. Je le répète encore et je ne le répèterai jamais assez : il faut savoir lâcher prise et se laisser faire pour apprécier ce disque à sa juste valeur. C’est un peu prétentieux de dire ça, je sous entends que moi j’y arrive et que je suis trop fort et… Ben oui un peu, mais bon, je pourrais aller encore plus loin et je dis pas que c’est compliqué, avec un peu d’entrainement et un saladier de beu n’importe qui peut y arriver, à part ma mère peut-être. Et Adolf Hitler et Nicolas Sarkozy. Et le secrétaire général du Syndicat des Sylviculteurs du Sud Ouest. Et Marine Le Pen. Et la plupart des journalistes, des éditorialistes et des fonctionnaires. Et une grosse partie du public de M83. Et les hommes politiques en général. Et les gens qui s’investissent dans une cause ou un groupe en renonçant au moins en partie à leur pensée propre et leur liberté individuelle. Mais bon, il reste quand même pas mal de monde! Vous voyez j’ai aucun mérite. Allez bon courage, c’est tout à plus.