Nurse With Wound – Creakiness And Other Misdemeanours (2012)

Attention mesdames messieurs voici l’un des mecs les plus dangereux de toute l’industrie du bruit on raconte même qu’il aurait converti un car entier de nonnes sarkozystes au satanisme d’extrême gauche. Voici qu’il revient avec quelques copains pour cet album qui compile 5 raretés disséminées un peu partout dans l’espace temps des années 90-00. Il y est question d’écho poèmes, d’explications parfaitement naturelles et d’une fille qui s’appelle Mona et qui danse le Twist ou je sais pas quoi.

Mais pour commencer voici une pièce hallucinante faite d’échantillons sonores de chez Hanna et Barbera, Woody Woodpecker, Bip Bip et Vil Coyote, les klaxons des fous du volant et ainsi de suite. C’est de la musique ça? Oui faut croire, en tout cas c’est gravé sur un cd! Pour l’instant je suis trop occupé à me demander si j’aime ou pas pour écouter vraiment la musique mais l’atmosphère est pesante comme souvent chez NWW. Enfin pas vraiment pesante, c’est juste un autre monde, régi par d’autres lois de la physique, d’autres normes morales. C’est un peu comme se retrouver nez à nez avec ET la nuit au fond du jardin, c’est terrifiant même si il n’est pas agressif ni rien, terrifiant simplement parce qu’il est différent. Oui cette musique nous renvoie à ce qu’il y a de pire en nous, notre résistance à l’altérité, notre certitude qu’en dehors de nous il n’y a que l’horreur. C’est faux évidemment, mais il faut faire un sacré effort pour s’en rendre compte et c’est là qu’en général la beu ou les champignons aident pas mal. Je sais pas trop pourquoi. En tout cas vous voyez, pendant que je vous raconte ça la musique change maintenant on est dans la cordillère des Andes ou à la campagne n’importe où ; il y a des violons, de la flûte, du tambourin et une grosse caisse qui résonne, des bruits de portes qui grincent et un chant de hippie hérétique embrasseur d’anus de chats noirs ; de la musique de transe pour portes qui grincent et klaxons de vélo. Ces portes ont l’air maléfiques une porte qui grince c’est inquiétant de toute façon. Mais ici elles grincent pendant tellement longtemps qu’au bout d’un moment on finit par se rendre compte que finalement, c’est pas grand chose, c’est juste un peu moche. Merci M. Stapleton de m’avoir réconcilié avec les portes qui grincent je ne jouerai plus jamais à Resident Evil de la même manière. Voici que la musique change encore, l’ambiance est bien plus orientale désormais avec ces percussions dignes d’Ali Baba et ce voile rappelant le lit à baldaquin de la princesse Shéhérazade ou Jasmine ou autre on se croirait retournés dans le Rahjastan du disque des Starving Weirdos qui était vachement bien d’ailleurs. Oh la musique change encore cette fois c’est disco guimbarde et dans le genre c’est ce que j’ai entendu de mieux ça donne pas vraiment envie de danser ni de se mettre à la guimbarde tout de même. D’ailleurs j’ai jamais compris à quoi servait cet instrument. Je me suis toujours dit que je devrais enregistrer un morceau de guimbarde. Pour le fun, et pour emmerder le monde aussi. Fun, emmerder le monde, les deux mots d’ordre de Steven Stapleton j’imagine. Surtout “emmerder le monde”. Parce que “fun”, c’est pas évident. Pas souvent en tout cas. Bref. Le morceau est terminé. Des tableaux marrants, un dépaysement total. 

Oh mon dieu la suite est totalement folle. Des cloches des ouiouiuouoiouoouoiuoiu électriques une fille qui chuchotte “je crois que t’es en train de le dire sur l’autre…. enregistrement qu’on a fait… Ouai”… je suis en train de fondre totalement c’est hallucinant ce qui m’arrive aux oreilles en ce moment. J’ai rarement entendu de la musique aussi puissante. Très destabilisante et radicalement originale. p<osghpohsg je suis perdu ; si j’étais un robot tordeur mon unité de calcul serait en train de griller. Heureusement je suis humain, tout ce que j’ai à perdre c’est quelques neurones, une part d’innocence et de tranquilité d’esprit, pas grand chose quoi. C’est le prix à payer pour sauter dans l’inconnu et voyager au coeur de contrées inexplorées. Depuis que l’homme est homme (formule à éviter dans vos dissertations de droit civil) il n’a qu’une envie : aller voir ce qu’il y a derrière. Ben ouai. Voilà, je viens de trouver. Il y a un album de Nurse With Wound. Une terre vierge à investir, à défricher, c’est vaste et complètement désert. A quand des groupes de pop influencés par Nurse WIth Wound! Je CROIS QUE T’ES EN TRAIN DE LE DIRE SUR L’AUTRE EUUHHH ENREGISTREMENT QU’ON A FAIT mais t’es qui toi putain c’est qui cette fille qui répète ce truc en boucle depuis 6 minutes elle a une voix superbe je me demande à quoi elle ressemble. Le bourdon derrière c’est ce qui fait tenir l’ensemble et c’est très bien vu sinon ça s’écroulerait comme un chateau de cartes sinusoïdales et c’est ce qui permet au reste, aux cloches synthétiques ou naturelles de voler dans tous les sens sans rien renverser. 

La deuxième partie reprend le même concept sauf que c’est une autre fille et qu’elle parle en allemand ne comptez pas sur moi pour jouer le traducteur! Ca a l’air vachement moins élaboré comme phrase. Toujours cette basse qui bourdonne elle est très riche elle ondule de manière irrégulière aléatoire c’est beau et ces cloches tout autour mais surtout devant droit devant me font penser à un moine tibétain qui ferait la vaisselle. Pensée incongrue qui devrait logiquement en amener d’autres mais vous imaginez un moine tibétain faire la vaisselle? Vous imaginez un moine tibétain acheter du liquide vaisselle? Vous imaginez un moine tibétain faire les courses? Et un moine tibétain tout court… Oui on l’imagine facilement, il a les yeux bridés, une combinaison de teuffeur roots orange et il fait du kung fu en équilibre sur des troncs d’arbre. Mais à part ça… Ils va aux toilettes aussi. Des moines tibétains aux toilettes? Et Madonna aux toilettes vous imaginez? Pourtant, il faut bien qu’elle y aille de temps en temps? Quel papier toilette utilise Madonna? Et est-ce qu’elle l’achète elle même, ou bien est-ce que quelqu’un le fait pour elle? Toutes ces questions qui s’enchainent… C’est Nurse With Wound. Voilà le genre de truc typique qui arrive quand on écoute ce genre de disque. 

Le quatrième morceau reprend la même formule sauf que cette fois la fille chante “L’aigle noir” de Barbara sauf que je comprends QUE DALLE aux paroles comme si la chanson était traduite dans un dialecte extraterrestre et même extra solaire extra galactique. Toujours cette basse qui bourdonne enfin une basse qui bourdonne ; ce n’est plus exactement la même. Des percutions qui ma foi ressemblent à des bols enregistrés avec plein d’écho. Un chien qui aboie, je dirais que c’est un labrador. Non je rigole j’en sais rien. La fille bloque sur “l’oiseau”. Le disque est rayé quoi et l’oiseau et l’oiseau et l’oiseau et l’oiseau et l’oiseau. La voix se dédouble et la deuxième partie dit des choses sexy en allemand. Ca pourrait tout aussi bien être des passages de Mein Kampf ou un extrait du scénario de Nekromantik 2 mais pour un français de base ça sonne sexy, et avec un je ne sais quoi de Brigitte Fontaine, bien perché quoi et time streché à ce qu’on dirait. Ca va, j’ai pas de problème avec le traitement numérique des voix. J’aime bien l’autotune aussi. Bon je sais pas vous mais ici le temps s’est arrêté. Je sais pas trop depuis combien de temps cette femme me susurre des choses coquines en allemand. Elle a pas compris que les terriens n’écoutaient pas avec le nez ni avec les yeux. C’est pas grave c’est mignon. J’espère quand même que vous aurez compris qu’en écoutant ce disque vous n’entendrez pas un simple album de musique expérimentale de plus. Ni Lady Gaga remixée par Pol Pot ou Timothy Leary. Il s’agit d’un truc radicalement différent de ce que vous avez jamais donné à vos oreilles et de ce que vous entendrez jamais. C’est un miracle et c’est certainement dû au fait que l’auteur de cette bizarerie a un cerveau carrément différent du notre. Ou alors qu’il a un cerveau comme le notre, mais qu’il a vu des choses qu’aucun d’entre nous n’a jamais vues. Ca me semble plus crédible. Le gars a vécu une expérience qui l’a transformé à tout jamais, certainement durant son enfance ou son adolescence. C’est admirable et je suis un peu jaloux. Comment il fait? J’aimerais bien savoir faire ça, mais ce serait comme vouloir apprendre à un singe à parler. C’est pas possible. On veux de la blancheur, de la franchise, du coton, des trucs qui craquent, je peux plus respirer, mes petits doigts de pied, mais fuck quoi, où j’en suis, la machine vole au dessus de moi mais je ne serai jamais dedans, je suis condamné à l’observer d’en bas, je suis un de ces gros nul qui savent qu’il y a quelque chose mais qui n’en auront jamais la preuve, je suis Fox Mulder, je suis Fox Mulder et Steven Stapleton est un putain d’extraterrestre qui pilote une soucoupe volante au dessus de sa campagne anglaise juste pour s’amuser. C’est l’eau qui coule, brûlante. Des grillons, des paniers en osier, des incantations rituelles japonaises, la beauté horrible d’un milion de papillons qui volent en banc comme des petits poissons, la chanson de Barbara, du sucre d’orge, et le pire c’est qu’il reste encore quatre minutes et j’en peux plus je suis sur les rotules mon cerveau va exploser ; et pourtant c’est à peine le temps qu’il faut aux White Stripes pour jouer Seven Nation Army, ou à ma mère pour faire un oeuf à la coque, ou à Michel Denisot pour interviewer un homme politique. Heureusement quelqu’un a pitié de moi et voici que tout s’écroule nous sommes projetés dans le temps en 1944 à Pearl Harbor dans un avion kamikaze sous tremolo sauf que tout s’efface avant le crash et on se réveille au Paradis allemand. Une femme nous parle de la nuit mais je comprends rien c’est nul je devrais apprendre l’allemand. Une autre femme chante une berceuse derrière. RAH c’est “À la claire fontaine”. Il y a longtemps que je t’aime jamais je ne t’oublierai. OUAF. Fin des 19 minutes de musique les plus incroyables jamais entendues depuis Mirrorworld de Angel. (dont je parlerai ici un jour parce que c’est un des trucs que je préfère tout genre confondu)

Fin du disque, une petite pièce de deux minutes qui repose encore sur une voix féminine triturée mise en boucle qui se ballade dans un champ lunaire extraterrestre de fréquences inédites et de combinaisons sonores inimaginables ici c’est double programme simultané on est dans un film de science fiction à la droite de la mère et dans une soupe primitive lofi comme je les aime à gauche la meuf répète “a perfectly natural expectation” encore et encore blablablablabla c’est assez schizophrène cette séparation radicale des canaux gauche et droite mais pas trop le temp de réfléchir c’est trop court et ça se termine sur ces mots qui sont très beaux, très purs et radicaux comme du Guy Debord : “… and they shall be consumed”. Voilà c’est tout à plus.