Salut ce soir on va faire un truc marrant : écouter un album de métal. Oui de vrai métal, pas du doom pachydermique de chochotte, pas du black metal de hipster frustré, non non. Un truc qui tache et qui a du poil. Bon ok c’est quand même un peu intello Meshuggah. Mais de toute façon sur un blog au papier peint à carreaux et sponsorisé par la communauté des hippopoticornes garous, c’est le mieux que je puisse faire. Quoi j’ai déjà fait plus débile? Ah oui. Bon ok. On s’en fout de toute façon les introductions ça sert à rien.
Donc, KOLOSS. Un disque qui évidemment commence sur les chapeaux de roue. Riff préhisto-cubiste, sorte de ligne brisée abstraite mais qui rappelle vaguement ce qu’a été le metal à une époque. Distortion de la réalité assez stimulante, de quoi headbanger en réfléchissant au sens de la vie, ce que nos amis aux cheveux longs ne font pas assez souvent. C’est quoi d’ailleurs le sens de la vie pour un métalleux? Dans mon entourage je connais surtout des métalleux ingénieurs. Mais c’est pas forcément représentatif. Mais bon. Des gens qui ont un style ouai. Une autre forme de cool, un cool de monde parallèle. Une jeunesse alternative, qui suit d’autres standards. Ouai c’est de la sociologie de bas étage mais par contre il me semble qu’un mec a fait ça de manière très sérieuse tu peux aller voir par toi même.
Le second morceau est beaucoup plus épileptique. J’aime beaucoup. C’est démoniaque. Ça blaste, à fond. Ca envoie du steak. Le viking qui s’occupe des vokills a une technique parfaitement rodée. Un cri vraiment parfait, les paroles se détachent nettement, c’est agressif, mais pas moche, pas vulgaire, pas beauf comme ces guignols de Lamb Of God. Gros Gros intérêt du morceau, une sorte de solo de guitare à trois minutes environ qui me fait penser à du math rock. Ouai en quelque sorte Meshuggah c’est du math metal mais d’une part ce terme ne veut rien dire et en plus il est utilisé à propos de groupes qui n’ont rien à voir avec ça donc bon. Ca aussi on oublie. Ouh je suis pas en forme ce soir j’ai l’impression de dire plus de bêtises que d’habitude. Je sais pas pourquoi. J’ai bu de la bière, j’ai pas écrit depuis longtemps ici, je regarde Police Academy en même temps.
Do Not Look Down ensuite, ralentit le tempo. Le gars qui hurle remplit son job de manière admirable comme toujours. La basse très en avant, très sèche, avec une belle disto et un chorus qui s’étale en arc en ciel. Très beau travail de production. Ca se voit qu’on a affaire à des vieux loups de mer. Qui en ont vu d’autres. J’aimerais bien les interviewer un jour. J’imagine qu’ils sont sympas. Un peu perchés, délire mystique, mais dark tu vois, comme ce bonze en tailleurs recouvert de sang sur une de leurs pochettes. Des moines bouddistes qui se mettraient au métal! Hé oui! Voilà la description parfaite, même si c’est dur à concevoir. Il y a bien évidemment des bouddistes métalleux, mais des vrais tibétains chauves et gentils qui s’immolent entre deux cours de kung fu, ça je pense pas, c’est plutôt contradictoire. Un vrai boudhiste n’est pas agressif. Mais faire de la musique agressive, est-ce que c’est réellement être agressif? Après tout, c’est juste une forme d’expression, c’est de l’art, hé. Ce disque c’est de l’art oui. Et pour moi, c’est plutôt beau en plus. Ils ont atteint leur but, quel qu’il soit. J’en sais rien.
Le quatrième morceau s’appelle Behind The Sun et jusque là c’est mon préféré. Pour une raison simple, non en fait deux : l’intro guitare solo en son clair, et le riff de guitare/basse qui est à la fois le plus complexe et le plus beau, pour l’instant. C’est un serpent de métal qui cherche son chemin, hésite, rebrousse chemin, tente un autre itinéraire, se perd, retrouve ses petits cailloux, mais il n’a pas la moindre idée de sa destination, alors ils se contente de gigoter, en vain, juste pour la beauté du geste, juste pour onduler avec grâce dans ce marécage à la française, taillé au cordeau, sans vie, sans émotion, le rêve de tous les André Le Nôtre metalheads du XXIe siècle quoi. Tiens pour le coup ça me fait beaucoup penser à OM, dans l’esprit. La saturation plus près de toi mon Dieu, plus près du Nirvana, très très haut, dans la Lumière au bout du tunnel. Le chemin est juste un peu plus mouvementé, ça secoue, mais c’est normal, il ne s’agit pas de stoners américains à bonnets, mais de Vikings. Les Vikings avaient quoi comme paradis? Valhalla ou un truc comme ça, un truc plus compliqué à atteindre, il faut se battre avant!
The hurt that finds you first ensuite. Tempo rapide poum tchak de lapin Duracel, pour changer. C’est un peu plus débilos, à première vue au moins. Je suis sûr que derrière cette simplicité se cache un éventail infini de micro variations poly rythmiques, des trucs où il faut compter jusqu’à 72 avant de revenir au départ tandis qu’à la main gauche il faut compter jusqu’à 56 en décalé. De la musique de robot viking quoi! Mais c’est ça qui est bon, sinon ça serait pas Meshuggah, ça serait le métal pour les nuls avec un son tranchant cool. Le batteur nous sort là un sacré morceau de bravoure. Stop. La musique se calme. Guitare+ pédale de délai maritime, fade out qui fait du bien. Maitrise exceptionnelle de la tension, ça monte quand il faut, ça anticipe nos envies, ce trip est géré de manière optimale! Ce qui leur permet d’aller très très loin dans la violence!
D’ailleurs le morceau suivant tabasse pas mal. C’est toujours la même chose au fond, variation sur un thème, comme les autres tiens! Mais on ne s’emmerde pas, on peut faire un chef d’oeuvre avec un stylo bic de toute façon, la contrainte libère, hein. C’est toujours cette basse sèche et lourde et tranchante, la guitare qui se cache généralement derrière et fait des embardées à découvert de temps en temps. Le rythme général du morceau ressemble à un hoquet, c’est fait de sursauts, qui arrivent à des moments pas tout à fait prévisibles. Un bonze métal qui aurait le hoquet. Et puis vient le solo qui une fois de plus est techniquement assez valable mais tellement bizarre ; j’ai jamais entendu un truc comme ça. C’est pas dans le dictionnaire métal ça! De grands inventeurs, qui mériteraient largement le prix Nobel je le répète, ou au moins le concours Lépine pour leur bonze de métal hoquetant en mitraillant des notes de guitare à dispersion aléatoire.
La piste suivante s’appelle Break Those Bones Whose Sinews Gave It Motion. Je comprends pas trop la signification du truc. C’est pas grave. On reprend là où le morceau suivant s’était arrête sauf que cette fois le mitraillage n’est pas aléatoire, le bonze a toujours le hoquet mais il n’en met pas partout, il concentre son tir sur une fréquence précise, c’est plus simple, plus efficace, plus martial encore, c’est une chevauchée de tanks menée par un squelette en armure de métal debout dans sa jeep, brandissant une grande épée qu’il pointe en direction du monde civilisé qu’il faudra bien détruire parce qu’il ne sert plus à rien, il est empêtré dans tellement de cercles vicieux qu’on ferait mieux d’appeler ça des cercles boueux. Il faut tout démembrer, et tout raser, à commencer par l’antenne de Bouliac qui émet de mauvaises vibration TNT dans toute la région bordelaise et même au delà. Et puis la Tour Eiffel aussi pour la même raison, puis Disneyland, puis le Lycée Gustave Eiffel de Bordeaux.
Ah bien. Ensuite il y a Swarm qui est un morceau totalement épileptique métal, et envoie l’ordre subliminal de monter le son pour headbanger sur sa chaise orange sixties. J’essaie de me maitriser mais c’est pas évident. Très efficace comme morceau, je ne connais aucun client régulier de OCD qui pourrait y résister. C’est pour le coup pas très intellectuel, à part évidemment ce “solo” de guitare à la fin qui est encore plus bizarre que tous les autres, et qui survient à un moment où la batterie s’emballe et la caisse claire se prend des grosses baffes comme si elle venait d’insulter la mère du batteur. Battre sa femme/ses enfants/son copain bizut ou jouer de la batterie. Telle est la question. Y a-t-il moins de violence conjugale chez les batteurs, autant, ou plus, pourquoi, comment? Encore une question à laquelle ma télévision n’a jamais répondu et pourtant c’est pour ça que je paie ma redevance merde! Et que je me tape des pubs pour Tampax, Tena, Cillit Bang, l’Or Postal, Calgon, CK One, Schweppes, Kiri, des bagnoles, et même des spots de prévention contre la drogue!!! Non vraiment la télé ça ne sert quasiment à rien et pourtant j’y reviens toujours.
L’avant dernière chanson s’appelle Demiurge, c’est un peu comme ce qui s’est passé précédemment, bonze qui hoquette, squelette qui lance l’assaut des tanks contre la civilisation, solo bizarre, tout ça. Un solo une fois de plus complètement dingue, mais qui d’ailleurs n’est pas un solo, c’est un motif régulier que l’on retrouve à plusieurs moments durant ces 6 minutes et 16 secondes d’agression frontale essentiellement dirigée contre le capitalo-parlementarisme contemporain et ses mamelles que sont la télévision, le coca cola et les arts créatifs tels que la confection de bracelets brésiliens, la peinture sur porcelaine, le scrapbooking. Sur ce morceau, le hoquet se fait tellement violent qu’on penserait presque à des claques auto-infligées, ou des claques données à tout ce qui est à portée de main. C’est dangereux, mais j’avoue que ça me ferait assez plaisir de voir un concert de Meshuggah, voir ces metalheads se donnant mutuellement des coups, inspirés par la musique, s’entretuant finalement, pour laisser la place libre à des gens qui se fringuent un peu mieux!!! Haha oui je sais je suis méchant.
Et voilà, c’est la fin du disque, nos petits vikings nous disent au revoir avec une petite berceuse jouée à la guitare, en son clair, avec beaucoup de chorus et de réverbération dans le son, ça tangue sur une mer peu agitée, comme un Drakar qui rentrerait fièrement au bercail après une bataille épique, où beaucoup de frères et de soeurs seraient tombés, mais pas en vain, puisque cette fois c’est bon, la civilisation est anéantie, elle est tombée comme une verrue arrachée avec un couteau de cuisine émoussé. Il n’y a plus que de la beauté et du silence et ça fait du bien, Ragnar va pouvoir retourner à sa forge, et manger du saumon cru fraichement pêché avec ses enfants et sa femme, se battre avec des loups et des ours, boire de la bière dans une corne de boeuf, voir son amant en cachète (Ragnar est secrètement gay). J’aime bien. Un bien beau morceau, aussi beau qu’un générique de fin de RPG japonais. Ces jeux qui parlent tous de cataclysme et de renaissance.
Bref. Pour faire bien, il faudrait parler aussi des paroles. Je comprends pas grand chose alors j’ai cherché sur internet. Et donc en fait, c’est très politique. Critique du pouvoir qui vient d’en haut, de l’autorité, de la déshumanisation du monde moderne, il y a des paroles comme “Great viable citizen, are you happy now? Then praise your god and bow” Ca sent bon la Société du Spectacle, la Société de Consommation, Surveiller et Punir et compagnie, bref, je suis en terrain connu. Ces paroles manquent un peu de subtilité, elles intéresseront plus les ados qui ont une conscience politique à construire que les vieux blasés de 27 ans comme moi. Mais cacher de la propagande anarchiste dans un disque de métal, c’est toujours sympa!! Il y a aussi un discours mystique, assez sombre, en gros pour eux la vie est faite de souffrance et c’est comme ça ; et nous ne sommes que des larves dans un étang, tandis qu’au dessus de nous se déploie un niveau de réalité supérieur où les concepts de bien et de mal n’existent pas mais qui est bien trop dangereux pour nous. Mysticisme SM quoi, ce qui est un peu triste je trouve. Ca me rappelle cet éprouvant film d’horreur qui s’appelle Martyrs. Et je ne vois pas quoi dire de plus. C’est tout. A plus.