Black Dice – Mr. Imposible (2012)

Je crois que le dernier album m’avait laissé de marbre ou presque alors que globalement c’est un de mes groupes préférés, mes chouchous new yorkais punks Dr Sample des années 2000 avec casquette militaire et batteur New Age rapidement évaporé. Le top c’est bien évidemment Beaches & Canyons mais le reste est trop bien aussi je recommande ça aux punks qui envisagent de s’acheter un ordinateur (NE LE FAITES SURTOUT PAS ACHETEZ UN VIEUX SAMPLER SUR EBAY) et aussi à ceux qui se font un disque de Nurse With Wound tous les matins au petit dej. Il y en a. Donc, MR IMPOSSIBLE, sous titré : “The Electronic Mind Monsters’ Reader”. Qui commence avec une chanson nommée Pinball Wizard. Sans blague! Et pourquoi pas Paranoïd, ou Hey Jude tant que tu y es! Non mais c’est cool. Il y a un mec dans le groupe que j’aime bien, c’est celui à casquette, Eric Copeland. Il sort des albums tout seul, ils sont toujours vachement bien. On sent sa patte ici. C’est normal. Mais bon. Non rien. 

Alors mettons les mains dans le cambouis. Avec Terry Riley et Salvador Dali. Beaucoup ont parlé de Dada à propos de Black Dice. Je sais pas. Dada emmerdait le monde, Black Dice le fait remuer du derrière, mine de rien. Embourgeoisement? C’est clair que par rapport aux premiers disques, période noise/punk extrême, Eric au chant, Hicham à la batterie… Ici c’est répétitif et il y a un sample de sax. Des voix qui font sans arrêt wawa! wawa! wawa! wawa! wawa! et qui disent d’autres trucs. Des kits de batterie de Sound Blaster 16, de la transe de magasin d’informatique d’occasion. De magasin d’électronique aussi. Comment fabriquer à moindre coût un générateur d’ondes sonores aléatoires et désagréables? Le plus cher c’est le boitier en métal! Heureusement il y a aussi des sons modernes et des cris. Sur le troisième morceau j’ai l’impression d’entendre des trucs du dernier album d’Eric, Waco Taco Combo. Le recyclage, c’est leur boulot. Ils amassent plein de sons marrants dans leurs samplers, ils les massacrent à coups d’effets que eux seuls possèdent de ce côté-ci du Pacifique. Puis ils les mélangent en les assaisonnant d’un peu de synthèse soustractive analogique et de guitares punks des années 2010 avec modulateur en anneau et écho rigolo. Rigolo, ce disque l’est carrément d’ailleurs. Comme DADA! Tristan Tzara, Alan Ball, voici des samplers, allez y amusez vous, préparez un petit spectacle pour faire danser les gens. Tristan enregistre un repas qu’il a partagé avec quelques prostituées parisiennes des années 20. Les verres qui teintent, les conversations en langage de chien… Alan est parti extraire des catacombes ses crânes de jeunes filles préférés pour les peindre avec des fleurs et des croix renversées, puis s’en sert de percutions primitives. 

Les voix sont incroyables sur cet album. Elles sont incompréhensibles, on dirait des extraterrestres ou pire, des robots. Des robots extra terrestres. Euh. Euh. Eh. Il y a de la basse c’est clair, mais pas tout le temps. L’atmosphère funky par contre, toujours. Et vous serez mort(e) et enterré(e) depuis plusieurs générations que ce disque sonnera toujours aussi funky. Et Bizarre. Spy Vs Spy c’est ce que l’album de David Lynch AURAIT DÜ ËTRE. Je déconne pas. Des canards avec une minerve, des monstres avec les bras dans le plâtre, le crâne dans le plâtre, les jambes dans le plâtre. Et du sang qui tâche les bandelettes. Fuck. Vous vous rappelez de cette pub pour la playstation 2 réalisée par David? C’est sûrement la meilleure pub jamais réalisée. Elle me fait penser à ce disque. Il n’est pourtant pas vraiment lugubre mais définitivement bizarre, ça oui. C’est un langage indéchiffrable que parlent ces trois punks à sampler. Autant demander sa route à une sorcière d’origine roumaine. Mais se perdre c’est bien des fois, c’est ça qu’on cherche chaque fois qu’on sort dans un pub, qu’on commence un livre, qu’on prend sa bagnole pour aller à la plage avec des potes. Avoir enfin une bonne excuse pour ne pas rentrer. Je commence à réaliser que je ne peux pas juger cet album. Il est pas vraiment mauvais, pas vraiment bon non plus. Seul un pigiste à Noise magazine peut oser prétendre mettre une note à ce machin. Ce machin qui me fait penser à Madonna sur le sixième morceau, mais Madonna prise en sandwich dans un ranch par un pequenot de l’Oklahoma et un extraterrestre domestiqué nommé René. 

Je ne peux que tirer mon chapeau. Quand on est blasé comme moi, la nouveauté saute aux yeux instantanément, et je peux vous dire que là, les gars, les Black Dice ne se répètent pas du tout. C’est frais. C’est funky fresh et ça fait du bon bruit. Les effets sont connus, les samples et autres sources sonores ne défriseraient pas la queue d’un Bantha, mais des esprits malades comme eux ne pouvaient pas faire un truc normal. Pas classique. C’est fou comme ça secoue. Toujours ce rythme et ces batteries et ces faux moines tibétains fluos qui balancent leurs harmoniques dans la boutique d’ordinateur des années 90/2000. En attendant, message à tous les Champolions en herbe qui me lisent : à vos traducteurs version papier. 

Je deviens complètement dingue. Il est 5 heures du mat et je capte que dalle à ce qui se passe. Je continuerai demain.

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Pompompompompompompompompompompompompompompompompo

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Le lendemain.

Oui donc l’avant dernier morceau. Composé de batteries des années 80, de sons de synthé rigolos, de roulements de toms, de chants de cyber-sorciers. C’est grotesque, comme la pochette. Ce disque est funky est grotesque et hypnotique. Trois adjectifs, trois qualités qui sont aussi des défauts. Le bien est toujours dans le mal et inversement. Grande leçon de mes cours de pensée chinoise. J’imagine un enfant des années 80 assis à genoux devant sa télévision. Il insère une cassette dans le magnétoscope. C’est les Goonies. On rembobine. Il remet la cassette dans le magnétoscope. On rembobine. Il remet la cassette dans le magnétoscope. On rembobine. Il remet la cassette dans le magnétoscope mais cette fois sa casquette a changé de couleur. Il remet la cassette dans le magnétoscope mais cette fois ses mains ont pris une teinte fluo. Il remet la cassette mais cette fois la pièce entière a pris des couleurs étranges. Il remet la cassette mais cette fois c’est plus un petit garçon c’est un extraterrestre répugnant. Il remet la cassette mais cette fois il n’y a pas de télévision mais une fraiseuse. Il remet la cassette mais cette fois il est entouré de pénis géants baveux. Il remet la cassette mais cette fois le magnétoscope respire et ouvre la bouche. Il remet la cassette mais cette fois il se la met dans le cul. Il remet la cassette mais cette fois il flotte dans le vide inter sidéral. Il remet la cassette mais cette fois il est dans sa cuisine avec une carabine à plomb dans l’autre main. La seule constante, c’est ce putain de saxophone baryton tout droit échappé d’une chanson de Ace Of Base. Jusqu’au moment où VLAN la cassette se rebiffe, les piles de la télécommande sont vidées, le méta-magnéto est bloqué sur avance lente, et la musique tourne au ralenti. C’est psychédélique. Stop. 

Encore des samples de batterie des années 80 dans le dernier morceau. C’est presque “Walk This Way” version rap. Un synthé joue une ritournelle débile, de la musique pour enfants, Eric ou un autre parle dans le micro, c’est incompréhensible comme toujours, mais ça évoque un chant extraterrestre. Ce groupe a une identité propre, très marquée. Aucun groupe ne sonne comme Black Dice. C’est une qualité en soi, indépendamment du fait que c’est hyper fun, que ça coule de source, bref que c’est expérimental mais marrant et facile d’accès. Je suis sûr que ma soeur aimerait ce disque. Peut-être qu’elle est un peu trop vieille maintenant. Oui c’est un disque pour enfants. Mais des enfants de tous les âges. Des enfants de dix ans, des enfants de 27 ans comme moi, des enfants de 40, 50, 60 ans, voire plus. Etre un enfant c’est un état d’esprit et c’est pas vraiment incompatible avec le fait d’être adulte, ou responsable. Et j’emmerde ceux qui sont pas d’accord. Ils se mettent le doigt dans l’oeil jusqu’au cerveau reptilien! Hélas, les enfants de moins de douze ans, qui représentent le plus gros des effectifs, ont peu de chances de tomber sur ce super disque. Je vous en supplie, ne ratez pas une occasion de faire écouter Mr Impossible aux enfants que vous connaissez, vos propres lardons, vos neveux et nièces, cousins, voisins. Si vous pouvez, achetez une dizaine d’exemplaires que vous distribuerez en cachette à la sortie des écoles, mais ne vous faites pas choper, de la musique aussi libre, c’est forcément mal vu par les grands ; et de toute façon, donner un truc sans rien attendre en retour, c’est suspect. Mais vous aurez fait quelque chose de très utile, pas autant que neutraliser des caténaires de ligne à grande vitesse avec des crochets en béton, ou que faire exploser l’émetteur radio de la tour Eiffel, ou que pirater Facebook pour re-décorer sa page d’accueil avec des photos de cadavres et de porno gay scato. Utile quand même. 

Bref. Voici un disque fait de choses simples, cohérent, efficace, drogué jusqu’à l’os, punk, une collaboration rêvée entre Mister Oizo et Nurse With Wound, de quoi pervertir nos chères têtes blondes définitivement. Vivement la suite. Animal Collective peut exploser en plein vol, je sais que je pourrai toujours compter sur Black Dice.

POST SCRIPTUM

Je viens de découvrir que Mr. Impossible est aussi le nom d’un horrible fauteuil en plastoque dessiné par l’horrible Philippe Starck pour les magasins Kartell.