Black Swan – Aeterna (2012)

<a href=“http://blackswan.bandcamp.com/album/aeterna-2012” data-mce-href=“http://blackswan.bandcamp.com/album/aeterna-2012”>AETERNA (2012) by Black Swan</a>

SALUT LES COPAINS! C’est le soir, et le soir, comme vous le savez, c’est l’heure d’écouter de la musique bizarre qui fait dormir. Ce soir, on va se mettre un nouveau disque de Black Swan. J’ai pas fait l’effort de me renseigner, on va donc faire comme si ce disque n’avait pas de géniteur, pas d’histoire, qu’il était apparu comme ça un matin, sans que personne ne sache réellement d’où il vient. 

Ca commence avec un morceau de six minutes qui s’appelle A Lesson in Slow Flight. il y en a 14 et d’ailleurs cet album est assez long, mais c’est tant mieux, moi les disques d’ambiant je les aime très longs, le top étant évidemment les Soliloquy For Lilith de Nurse With Wound. Tandis que les albums de rock, je les préfère quand ils adoptent le format canonique de 40 minutes, 20 minutes par face. Mais passons. Ce morceau est très aérien, on entend littéralement le vent souffler, les notes sont tellement légères qu’on les perçoit à peine, et ce qui ressort le plus c’est cette grosse émulsion de bruit blanc. Ça s’enchaine directement avec le morceau numéro deux, j’ai l’impression qu’il s’agit d’une seule pièce de plus d’une heure coupée en petits morceaux. Le bruit blanc est de plus en plus présent, et me fait de plus en plus penser à une grosse machine volante, un avion, on dirait que le mec a branché un micro sur la carlingue d’un gros Antonov, et quand je dis gros, c’est vraiment gros. C’est massif et léger en même temps. A partir de la troisième piste la scène devient plus complexe, bruits métalliques noyés dans la réverbération, grincements localisés dans les graves, c’est une machinerie aux dimensions colossales, notre avion vient d’atterrir et il est garé dans une sorte de gigantesque hangar.

Solarheart. La brume se dissipe et des rayons de Soleil parviennent jusqu’au sol. Des sortes de choeurs descendent des cieux et même si tout n’est pas clair, on respire vachement mieux. C’est pas facile de parler de ce genre de musique sans évoquer la religion, c’est tellement évident. Bref. Je me sens bombardé d’ondes positives qui viennent d’en haut. Ca fait du bien parce que justement j’étais pas de très bonne humeur ce soir, l’appart est sale et mal rangé, ça me déprime. Demain, je ferai le ménage, et une sieste en écoutant ce disque. Voila. 

Lamentine. C’est de la musique de salon. Un piano qui joue quelques accords vaguement jazzy, recouvrant ce ronron mécanique d’avion en plein vol. Comme une sorte de petit entracte sympa, on s’asseoit cinq minutes pour boire le brandy avant de repartir à l’aventure dans le cosmos à bord de notre avion cargo modifié. Direction la constellation du cygne où, paraît-il, on aurait aperçu Dieu, flottant sans but dans une nébuleuse violette. Vous croyez qu’il s’agit d’une métaphore pour parler de voyage intérieur? Peut-être! Qui sait faire la différence? Qui sait vraiment ce qui est réel et ce qui ne l’est pas? Pas moi en tout cas, et Faye Dunnaway non plus, d’ailleurs, elle vous passe le bonjour. Bref. Voici encore typiquement le genre de musique ambient qui ferait un piètre papier peint pour les oreilles! Ça me plait! Rendez vous compte de ce qu’un esprit humain est capable de produire avec l’aide de quelques instruments électroniques. La puissance qui se dégage des enceintes, l’incroyable réaction chimique provoquée par une simple vibration de l’air qui nous entoure. De quoi nous donner des frissons, nous mettre au tapis, nous transformer en Esprit dénué de corps, nous propulser dans le cosmos. 

Zéro gravité, on passe de la lumière à l’obscurité plusieurs fois pendant cette heure de voyage. Je pense que le mieux c’est d’écouter ça dans le noir, assez fort, le plus fort possible, vous êtes bien gentils avec vos histoires de voisinage, mais il faut savoir quelles sont vos priorités dans la vie, il y a des expériences qui comptent plus qu’une relation apaisée avec vos voisins. Ne pas mourir idiot, vivre sans temps mort, jouir sans entrave, vers l’infini et au delà. C’est d’ailleurs bien bien au delà qu’on se trouve, alors que les hauts parleurs crachent un morceau qui s’appelle Aeterna, comme l’album. Le bruit blanc ne nous a pas quitté c’est le fil conducteur, le liant, et par dessus les vibrations se font plus mélodiques que d’habitude, mais plutôt sombres. Tant pis. Vous savez ce que je pense des affects en apesanteur, ils disparaissent. Dans l’espace, personne ne vous entend pleurer. D’ailleurs///

///la onzième piste et ses cordes/choeurs brouillés me rappellent vaguement 2001 L’Odyssée de l’Espace. Le château de Moulinsart droit devant nous, dans le vide interstellaire! Nestor est à la porte, il accueille les convives, l’orchestre s’échauffe, il va animer le premier bal viennois dans l’espace. Mais ce n’est pas le chateau de Moulinsart, d’ailleurs il ne s’agit pas d’une valse, même pas d’un bal, c’est juste des résidus de comète qui s’entrechoquent et produisant des sons harmonieux. Mais vous savez ce que c’est un déplacement dans le vide, sans frottement on ne s’arrête pas et nous voilà déjà loin, face au vide, face à nous même, le vent cosmique nous raclant le visage, nous arrachant des atomes, poignée par poignée, avant qu’une grosse rafale ne nous emporte totalement, et c’est la FIN.

Solennelle : la musique est allée au delà du néant, les voiles déchirés les uns après les autres, voici la lumière, les anges, les petits nuages blancs, toute cette merde, on l’a devant les yeux, mais non, pas tout à fait, toujours cette saloperie de brouillard, ce bruit blanc, ces craquements, ce ronron d’avion, on est toujours au point de départ en fait. Tout ça pour ça! Mon dieu que ce disque est frustrant. Il n’avance pas. Il est très sombre en fait. Quoi qu’on fasse, on reste coincé dans cette gadoue électronique, on a beau se débattre, on a beau imaginer qu’on flotte dans l’espace et qu’on rencontre Dieu, ben non. On est toujours sur Terre, oui la Terre, avec ses nappes de brouillard, ses 1013 hectopascals, ses clairs de Lune, ses chapeaux melons, ses bottes de cuir. 

La fin, c’est Dying God. 23 minutes pour replonger en accéléré, refaire le parcours en se disant : ah oui là j’ai merdé, oh là c’était super. Ce disque est très trompeur. On ne sait jamais vraiment où on est, ce qu’on fait, à quoi on pense. Entre la vie et la mort, entre le monde physique, et le monde immatériel, celui qui nous attend après, peut-être, peut-être pas. En tout cas, c’est pas en écoutant cette musique qu’on va avoir la réponse. On finit même par se demander si il ne s’agit pas d’un enregistrement trafiqué de pneus écrasant des gravillons. Pendant une heure. Quelle idée de finir sur une épreuve aussi fatigante. Ah mais voilà enfin un truc intéressant. Des boucles de violons passés à l’endroit, à l’envers, de plus en plus fort, des tas de boucles, ça monte, ça se tend, enfin quelque chose qui laisse imaginer un sens de l’Histoire, cool, la lutte finale, devant vos yeux ébahis, il s’agit d’une agonie, d’une agonie fabuleuse, d’un être surnaturel à l’article de la mort, expulsant dans un dernier râle toutes ce qu’il n’avait jamais fait sortir, des torrents de haine, de violence, de colère, d’amour, de joie, mais aussi tout ce que l’univers a jamais connu depuis ce matin du premier jour où la lumière fût, des milliards d’années condensées en quelques minutes d’énergie pure, la densité des premiers instants après le Big Bang, la matière primitive, informe, les nuages d’énergie pure, c’est le meilleur moment du disque et de loin, enfin quelque chose qui défrise. Et ça ne s’arrête pas, il ne faut pas que ça s’arrête, c’est comme si les quarante minutes qui avaient précédé n’avaient servi qu’à introduire cet ouragan de feu et d’électricité. Dying God (Suite). Bref. Ça me décroche la machoire. Les coquinous ont bien caché leur jeu. C’est un pari risqué, mais après tout, si moi je me suis pas endormi, pourquoi les autres le feraient? C’est beau. Des cris, un ballon grand comme une étoile qui se dégonfle, un réacteur d’avion, le décollage d’une fusée. Dieu est fait de vide. C’est une coquille vide, un ballon qu’on gonfle avec nos propres pensées. Dieu c’est toi et moi, et si tu l’as pas encore compris, il serait temps que tu te mettes à réfléchir un peu. Dieu c’est toi, c’est juste que t’es pas très malin, un peu malade, donc tu t’es inventé un double super puissant, et comme il avait l’air de ressembler à celui de ton prochain, vous avez décidé, d’un commun accord, que c’était le même, et que donc, il avait une existence propre. Et comme t’es un humain, c’est à dire un animal, tu t’en es servi pour justifier tout ce que tu peux faire de merdique, ta domination du faible, ta peur de l’étranger, du futur, de la mort. Et ouai. Et aujourd’hui, c’est la fête. Dieu est mort, les chaines sont brisées, tu es libre. C’est pas la fin de l’histoire, de la domination, de la mort, mais au moins, maintenant c’est ton propre reflet que tu vois dans le miroir, et c’est tant mieux. J’ai envie de pleurer tellement ces choeurs d’Eglise me rappellent à quel point la vie ça peut être génial et merdique, et très souvent les deux à la fois, en même temps. Je veux ce disque à mon enterrement parce que ça permettra à mes proches de faire un bout de chemin avec moi. Je leur présenterai mes nouveaux potes, mon appart au paradis. Vous vous êtes jamais demandé où habitent les gens qui vont au paradis? Ils ont des apparts, ils prennent des douches? Ils dorment? De quoi ils rêvent? Bref. C’est une autre histoire. C’est tout pour ce soir. Je me sens vidé. À plus les nuls.