High On Fire – De Vermis Mysteriis (2012)

Salut. Ce soir on va écouter un disque de High On Fire. C’est un de ces groupes qui m’ont rappelé que le metal ça pouvait être cool, à une époque où je doutais. Un groupe qui a une place à part dans mon coeur, donc, même si honnêtement, j’écoute pas ses disques tous les jours. C’est assez éprouvant, comme musique. Et de plus en plus éprouvant, j’ai l’impression. C’est de la musique de guerrier. De la musique que les Huns auraient certainement écouté sur les champs de bataille si le metal avait existé à leur époque. Je pense d’ailleurs que c’est le concept du groupe. De la musique pour les hordes du Mordor, de la musique d’orque, de la musique de troll. D’ailleurs, je veux pas être mauvaise langue, mais je trouve que Matt Pike, le chanteur, ressemble assez à un orque. Ou à Sméagol. Oui, pardon à ceux qui ont en horreur l’heroic fantasy, pardon à ceux qui associent Tolkien au rock progressif ringard, à Yes, à Jethro Tull, aux cours de philo du génial clip de Sugarcube de Yo La Tengo. Non non non. Vous n’y êtes pas du tout. Moi en tout cas, j’adore le Seigneur des Anneaux, je trouve pas ça ringard du tout, et je crois que j’aimerais bien être un elfe. Pas seulement pour me taper Liv Tyler! 

Alors ce disque… Mh. Bon je vous préviens direct, l’analyse des paroles, c’est même pas la peine d’y penser. Voilà c’est dit. Mais est-ce vraiment nécessaire de toute façon? Et d’abord, c’est vraiment de l’anglais, ou une sorte de bouillie agressive du style aeeeeyaayayerathhehkakekakekaeyeyae? Hum. Bref, on s’en fiche. On n’a qu’à les inventer, les paroles. Ca commence fort en tout cas. Roulement de toms, caisse claire massacrée, superbe intro de scène de bataille et VLAN dans ta gueule, Sméagol se met à hurler en grattant sa guitare. Mais quand je parle de guitare attention, je parle pas de l’instrument subtil et délicat qu’on peut entendre par exemple sur les disques de Bert Jansh ou de Carla Bruni. Il s’agit plutôt d’une arme. Une arme qui terrasserait les méchants en leur crevant les tympans. D’ailleurs les anglais ont un super mot pour ça, AXE. C’est pas une guitare, c’est une hâche pour les tympans. Matt joue de la hâche, et il sait s’en servir. Sous accordée, saturée, jouée sur un ampli géant. La performance physique est appréciable. Et en plus, monsieur se permet quelques solos qu’on devine, de très loin, influencés par Black Sabbath. La chanson s’appelle Serums of Liao. Ca parle d’un espion envoyé derrière les lignes ennemies pour récupérer un remède capable de soigner le général en chef de l’armée chinoise, à un moment crucial, alors que la bataille contre les mongols fait rage et que c’est une vraie boucherie, les pertes sont énormes dans les deux camps, l’herbe est rouge, c’est même plus de l’herbe, c’est de la terre mélangée au sang, et ce qui craque sous tes pas, c’est pas de la molinie ou des ajoncs ou je sais pas quoi, c’est des fragments d’os. Crac crac crac à chacun de tes pas. Toi tu te bats, ton coeur bat à 200 pulsations par minute, une énorme épée dans une main, une fiole de poppers dans l’autre, non plutôt un bouclier. Tes yeux sont injectés de sang, et ta seule obsession, c’est de tuer les méchants, les tuer tous, et de préférence de manière hyper graphique, genre les découper dans le sens de la hauteur, leur arracher les yeux et les manger, en poussant de grands cris qui n’ont plus grand chose d’humain. HÉ, avoue que tu en rêves, quelque part. Un peu comme te battre dans un Fight Club. Sauf que les fight clubs, c’est pour les mauviettes, le vrai truc c’est la guerre, la vraie. 

Bon les morceaux se ressemblent tous un peu, enfin pas tout à fait mais quand même, si l’adjectif monolithique a été inventé, c’est bien pour ce disque. C’est agressif, et épique. Les seuls moments où on respire un peu, c’est pendant les solos, qui sont eux aussi très agressifs, mais un peu plus aérés. Et carrément bienvenus. Mais ils ne durent pas très longtemps, et on reprend sa respiration, et on replonge dans le bain de sang. Mention spéciale à Fertile Green, le troisième morceau. Un hommage aux pelouses de champs de bataille, certainement. Moi aussi j’aime l’herbe. C’est triste mais c’est comme ça. 

Le morceau suivant hé ressemble presque à une intro de Sleep, oui l’ancien groupe de Matt, à l’époque où il aimait encore un peu plus l’herbe. Enfin pas n’importe laquelle. Mais c’est juste le temps de l’intro, d’ailleurs voila la batterie se lance et c’est pachydermique, oui voilà les oliphants, de gros pachydermes cuirassés de 10 mètres de haut qui font trembler le sol, c’est l’artillerie lourde, tiens mais on reconnait un plan presque bluesy à la guitare, mon dieu, mais c’est du stoner pour oliphants, du stoner de champ de bataille! Quelle belle invention. Ce morceau est décidément top. On entend la basse un peu mieux par moments et c’est un vrai régal. Sous accordée et saturée, comme les guitares, mais quand même la basse c’est autre choses. Ça fait vibrer les couilles, les tripes, c’est plus gras que la cuisine des mousquetaires, c’est que du bonheur. La basse, c’est un très bel instrument. Les groupes de metal ne la mettent pas assez en valeur, en général. Ah et voici le moment du solo, guitare wawah, delay reverb, on s’élève un peu, on chevauche l’oliphant, on domine le massacre, on est Dieu. BIEN. 

La chanson suivante s’écarte un peu du modèle. Batterie cool, on sent la réverbération naturelle de la pièce, la basse est claire, ronde, c’est plus aéré, une guitare rentre, elle joue quelques notes en boucles, un solo par dessus, assez technique mais pas moche, enfin si peut-être un peu ringard mais ça passe. C’est le morceau psychédélique de l’album. On s’élève encore! Cette fois on est largement au dessus de Dieu, quelque part dans le Cosmos, et cette histoire de bataille, pfff, on s’en fout, on est largement au dessus de tout ça. Qu’ils s’entretuent ces humains débiles, si ils pouvaient nous foutre la paix, ça serait une bonne chose. Nous on est bien ici, à contempler les galaxies qui tournent, tournent, tournent, tournent, tournent, et STOP. 

Hop retour dans les plaines gelées d’Asie centrale. La nuit a été courte mais réparatrice grâce à ces drogues incroyables qui propulsent dans l’espace intersidéral. Maintenant place à la barbaque. Pas de quartier. Il y a des intestins qui volent, il faut sans arrêt s’essuyer les yeux à cause des giclées de sang et de bile, des lunettes avec essuie glace ça serait pas mal. Les cadavres s’amoncèlent impossible de les éviter à partir de maintenant, ils forment un tapis continu sur des hectares et des hectares et d’ailleurs ça commence à sentir comme dans l’appart d’une vieille dix jours après son décès. Miam. Le secret c’est les chewing gum à la menthe extra forte les mecs. Le septième morceau s’appelle King Of Days et il parle de cet instant magique et crucial où le Roi se mêle à la bataille. Un mec super, dont la noblesse irradie littéralement l’espace. Une lueur qui se jette dans la mêlée et rentre dedans comme dans du beurre. Les ennemis n’ont aucune chance, quand ils voient débouler le monarque sur son blanc destrier, au ralenti, les cheveux au vent, ses fidèles sujets entonnant quelques tubes de Styx, une percée dans les nuages venant illuminer la scène. À ce moment là, la victoire ne fait aucun doute et nos braves guerriers redoublent de sauvagerie tandis qu’ils voient la terreur pure se refléter dans les yeux des méchants. Le morceau se termine sur le son des tambours, des toms par milliers qui signalent l’arrivée des renforts venant d’un royaume allié. 

Bon voilà il reste un quart d’heure et c’est toujours de la sauvagerie pure. Ce disque est complètement dingue. BLOODLUST. Comment c’est possible de faire de la musique aussi brutale aujourd’hui? C’est fou. Mais ça fait du bien, ça fait vraiment beaucoup de bien. Il y a un truc que j’aimerais dire aussi, c’est que oui, depuis tout à l’heure je vends ça comme un disque de metal, mais finalement, ça ne va pas de soi. C’est de la musique lourde, violente, rapide, martiale, mais on ne reconnait pas trop les codes, le vocabulaire qui se sont constitués avec le temps, et auxquels il est si difficile d’échapper. C’est comme si ces mecs avaient décidé un jour de monter un groupe de metal sans rien y connaitre à ce genre de musique à part peut-être Black Sabbath et quelques autres proto. C’est comme un monde parallèle. Ou ces fossiles vivants qu’on trouve dans les océans ou ailleurs. Et moi, je trouve ça passionant, parce que j’adore entendre des choses originales. La vie est courte, alors si c’est pour écouter 50 groupes qui sonnent de la même manière, hein, ho, non. C’est pour ça que High On Fire c’est un groupe spécial pour moi. Assez mystérieux, en même temps. Un tel phénomène est assez inexplicable. Mais c’est un peu pareil pour Om, le frère de High On Fire, lui aussi né des cendres de Sleep. Je sais pas peut-être qu’à l’époque ils ont eu une révélation. 

Et voilà c’est le dernier morceau. Une tuerie, peut-être encore plus que les autres, parce que sur celui là, les mecs jouent davantage sur le contraste calme/énervé, ce qui décuple l’impact des refrains martelés/beuglés. Sans parler de ces petites trilles de guitare qui se baladent de gauche à droite et inversement. WARHORN ça s’appelle. Les trompettes de l’apocalypse. Alors la grande question, High On Fire, ils sont du côté des méchants ou des gentils? A chacun de se faire son avis. A vous d’y réfléchir. Interro écrite la semaine prochaine. D’ici là dormez bien et mangez des légumes. Bisous. A plus.