Mars Red Sky – Mars Red Sky (2011)

Mars Red Sky… Un groupe de Bordeaux ; le chanteur/guitariste c’est Julien Pras, un gars qui se débrouille pas trop mal en général* ; et le nom du groupe est tiré d’un morceau de Sleep (Dragonaut, “Ride the dragon toward the crimson eye/Flap the wings under Mars red sky/The reptile pushes itself out into space/Leaving behind, the human race”). Hier j’ai commencé à écrire une longue intro mais je me perdais dans des digressions sans fin. J’ai pas écrit que l’intro d’ailleurs. Mais j’étais pas satisfait. Je crois que j’ai du mal à parler de ce disque, et d’ailleurs vous verrez, ce billet ne ressemble pas du tout aux 70 précédents.

Ça commence pourtant très bien. Un bon riff de basse, un break de batterie, et c’est parti, big muff enclenchée, guitare solo qui serpente entre les power chords, tempo pachydermique… Le problème, c’est que moi, j’aime bien le stoner. Et je suis assez blasé, et donc difficile. C’est un genre de musique assez spécial. Bon, il y a plusieurs chapelles, mais la règle générale, c’est que le son est hyper important. Ça doit être lourd, gras et groovy. Les mecs qui font ce genre de musique sont parmis les plus gros guitar geek de l’univers. Ils sont en général obsédés par les amplis vintage, orange, sunn, matamp, et par les pédales fuzz. Bref. C’est pas très punk, non, mais c’est pas grave. Et moi, plus c’est lourd, plus ça fait remuer la tête, plus ça me plait. Le problème c’est que ce disque de Mars Red Sky, à ce niveau là il est un peu léger. C’est peut-être superficiel de ma part, mais moi, ça me bloque. Même si je reconnais que les morceaux sont bien faits, forcément, vu le mec qui est aux commandes. Mais les murs de guitares fuzz sous accordées ressemblent plus à des murettes de guitarres fuzz. La batterie est trop timide, la caisse claire se cache trop souvent derrière, ça manque de groove… Hé, faut pas oublier d’où elle vient cette musique. Bill Ward, John Bonham, tout ça… Quand au chant, j’y reviendrai, mais je trouve que ça manque un peu de patate. La voix de Julien est très belle, elle fait des merveilles dans ses autres groupes. Mais ici, je suis un peu sceptique. On sent qu’il s’inspire du chanteur de Dead Meadow, qui lui aussi chante de manière très délicate. Le contraste avec la lourdeur du groupe qui joue derrière est intéressant, c’est cosmique, ça retranscrit bien la sensation d’écrasement face aux éléments, qu’ils soient physiques, ou non. Mais la différence, c’est que chez Dead Meadow, cette voix légère, pas très assurée, qui tremble un peu, c’est la voix d’un mec défoncé qui se prend un mur de 4×12 Orange dans la tronche. Dans Mars Red Sky c’est pas ça, c’est juste la voix d’un petit mec qui vient d’un groupe de pop, et qui veut chanter dans un groupe de stoner. Ça a son charme, mais c’est pas toujours très satisfaisant. En concert en particulier. Ah et pour être complet, signalons que sur un des morceaux c’est Jimmy le bassiste qui est au mic, dans un style beaucoup plus roots/bluesy/John Garcia, avec un bel effet de delay appliqué sur la voix. C’est pas mal, ça manque juste un peu de consistance, de mordant. Faut chanter avec ses tripes, merde. C’est comme en skate, si tu mets pas tout ton poids en avant quand tu te lances sur une rampe, tu te vautres.

On retrouve un peu dans ce disque ce que je disais dans une chronique précédente, le fait que les groupes bordelais ont tendance à ne pas s’enfermer dans une case, à faire des trucs, parce que Bordeaux est à des années lumières de toutes les “scènes”. C’est un peu comme ces pays d’Afrique islamisés sur le tard, et qui pratiquent un culte bâtard et syncrétique, musulman, animiste, vaudou… Mars Red Sky c’est ça. On retrouve les codes du stoner, mais pas seulement. Et si on se limite à l’influence stoner, ce qu’il y a de marrant c’est qu’on retrouve TOUS les codes ; tous les sous genres ou presque sont représentés, du gros stoner doom sudiste de Goatsnake au raffinement psychédélique de Dead Meadow, en passant par le pur hommage au heavy metal 70’s… Bref c’est du stoner déraciné, du stoner langue étrangère… C’est cool. Il faut se ré-approprier tous les genres de musiques, les subvertir, en faire autre chose. J’ai rien contre Unsane ou les Ramones, mais pour moi ce sont plus des prolos du rock que de véritables artistes. Haha. La distinction fondamentale! Bref. Il y a beaucoup d’inventivité ici. C’est sûrement pour ça qu’ils ont autant de succès! Mars Red Sky ne ressemble à aucun autre groupe, tout en restant certes dans un domaine assez limité. Seulement, j’aurais aimé que ça aille plus loin, vous allez voir pourquoi.

La deuxième chose que j’aurais à reprocher à ce disque, après son côté un peu mou, ce sont les paroles. C’est dommage de se cantonner à des trucs du style : “Dead stars are burning in the sky/Their light reflecting in your eyes/And here the ravens they don’t show/Where I’ve been, you don’t want to know” ou “As we’re set to die/In the heart of the sun/In the burning skies/We had the greatest fun/It’s the brightest light/And the loudest gun”. Bon, en soi c’est super cool, j’avoue. Sauf que j’ai déjà entendu ça des millions de fois. Autant la musique témoigne d’un regard distancié sur la grammaire heavy psyché, autant les lyrics se vautrent dans les clichés, et au final ils ne disent pas grand chose d’autre que “hé regardez, on joue du stoner et on adore Sleep! – mais on est des mecs sensibles”. C’est un choix. C’est humble. Mais depuis quand les musiciens doivent se montrer humbles? Merde, un musicien, c’est mégalo, point. Un bon musicien ne rend pas hommage, il vole. Il se ré-approprie des trucs inventés par d’autres, et en fait quelque chose de nouveau et personnel. Il aurait mieux valu trouver d’autres thèmes que le ciel qui brule et la fumée qui vole autour de toi baby. N’importe quoi sauf ce qu’on s’attend à trouver. Bon. Oui, je sais, certains puristes ne seront pas d’accord, mais je sais que j’ai raison! 🙂 🙂 bisous bisous.

C’est un disque qui a aussi des qualités. Certains riffs sont tout simplement monstrueux, comme celui qui ouvre le disque. Les solos sont cool, ni trop techniques, ni trop débiles, ils ne tombent jamais dans la branlette pentatonique facile. De manière générale, les morceaux sont construits de manière intelligente, le groupe montre qu’il maitrise le sujet, mais on n’en attendait pas moins d’eux. Comparé aux autres groupes de la scène stoner européenne, ils ont de solides arguments, je dirais même qu’ils se dégagent nettement de la masse. Et même si c’est un peu mou, ça reste vachement plus intéressant que l’autre groupe stoner de Bordeaux, Oyabun, sorte d’ersatz bordelais des groupes de John Garcia (Kyuss, Slo Burn, Unida…) et assimilés… Bref. J’ai beaucoup de mal à me faire une opinion. Parfois, je trouve ça pas mal, parfois, j’ai l’impression que c’est une cour de récré pour Julien Pras, un truc pas très sérieux à la base, mais qui l’est devenu par la force des choses, parce qu’il y a eu de bons retours. La plupart du temps, ce disque me donne surtout envie d’écouter Sleep, Goatsnake, et Dead Meadow. Ce que je fais, en général, mais une fois que le disque de Mars Red Sky est terminé.

Je voudrais prendre à part le dernier morceau de l’édition vinyle. C’est un morceau bonus, qui a l’air d’avoir été enregistré séparément. Il sonne vraiment différemment. C’est une sorte de complainte désespérée qui s’appelle The Ravens Are Back. Elle est beaucoup plus sombre que le reste de l’album. On n’est plus du tout dans le registre heavy 70’s. Il s’agit d’un empilement de guitares noise pleines de reverb. Le morceau est construit sur quatre accords qui tournent en boucle, avec une sorte de thème en double escalier par dessus. Le chant est ici beaucoup plus convaincant, la voix de Julien semble faite pour ce genre de chose. Noirceur minimaliste, déprime noise. On est presque plus proche de Calc que de Mars Red Sky! Haha. C’est peut-être pour ça que c’est mon morceau préféré du disque, et de très loin. Il sonne bien, il est chargé à bloc en émotion. C’est un morceau sédatif, il procure une sensation proche de celle qu’on ressent quand on est triste et que nos dernières défenses tombent. Pleurer, ça fait du bien, même quand la situation est intolérable par ailleurs. Moi j’aime bien pleurer. Ça détend, ça soulage. Ben voilà. The Ravens Are Back. De la déprime en comprimés. Qui n’en a jamais rêvé?? En arrière plan, il y a un magma de sons non identifiés, des sortes de râles, des synthés peut-être, à un moment on croirait même entendre un accordéon ou un mélodica, le tout hyper saturé, brûlant et glacial en même temps, comme une ballade dans l’espace. Des hurlements de loups passés à l’envers. Une foule de trentenaires dépressifs. Un concert donné pour un enterrement. J’aime la musique qui fait travailler l’imagination. Bien joué les mecs. Maintenant, arrêtez le stoner et pondez moi un album de cold noise dépressive. Et que ça saute.

* C’est un euphémisme