Kon Tiki Gemini – Night Nights (2011)

<a href=“http://kontikigemini.bandcamp.com/album/night-nights” data-mce-href=“http://kontikigemini.bandcamp.com/album/night-nights”>Night Nights by Kon Tiki Gemini</a>

(Oui je commence par la face b)

C’est de la musique d’extra-terrestres. Des cétacés de l’espace, de très gros animaux qui dérivent lentement, portés par le vent solaire. Ils se déplacent en troupeaux, et se nourrissent des ondes positives émises par les autres formes de vies. Ils vont de planète en planète, de système en système. Ils sont perdus, et ils ont faim ; alors qu’ils traversent le système solaire, ils ne trouvent rien à se mettre sous la dent. Ils dérivent, ils ont perdu espoir, ils ne peuvent plus bouger, ils se laissent flotter en espérant atteindre une région de l’univers un peu plus cool. 

C’est de la musique triste. Arpèges de synthés, guitares aquatiques, ça flotte, ça ondule… Le son est dégueu, comme une vieille démo de black metal. Sauf que là, il s’agit de musique new age ou quelque chose comme ça. Ça fait un peu mal aux oreilles en tout cas. Les aigus bavent un peu. Il faut apprivoiser le son, pour qu’il vous apprivoise à son tour. Des fréquences inconnues jouent au lasso avec les tympans. Il y a de quoi se laisser hypnotiser. Point de vue fixe, spectateur passif, on se contente de regarder la vie froide de l’espace ou des fonds marins. Les bébés baleines s’amusent dans le sillage de leur mère. C’est la récré. 

Il y a des coupures très nettes. Le tout sonne terriblement amateur. Punk. C’est la démonstration qu’avec un synthé, une guitare, quelques effets et un magnéto 4 pistes, on peut faire de la musique terriblement évocatrice, qui hypnotise, qui ramollit le cerveau, qui dit des choses. Avec un matériel de merde et pas beaucoup de compétences techniques. N’importe qui serait techniquement capable de jouer ça très rapidement. J’ai toujours été sensible à cette idée. La virtuosité ne me dérange pas, du moment qu’elle est utilisée comme un moyen. Le but, c’est de faire ressentir des trucs à l’auditeur, de raconter une histoire, de dessiner un paysage, de retourner le cerveau. Pour atteindre l’objectif, c’est comme à la guerre, il y a la méthode Clausewitz, et la méthode Sun Tzu. Moi je suis plutôt Sun Tzu. 

La face A s’appelle Melting Glacier. Je savais pas qu’on disait “Glacier” aussi en anglais. En tout cas, il fond. Il y a une boucle, encore ce synthé très simple, une forme d’onde basique, attaque très rapide, le son ne traine pas, de petites impulsions répétitives. L’ambiance est beaucoup plus mystérieuse, mélodie de science fiction, percutions discrètes noyées dans la reverbération, il y a même des claps! mais ils sont répétés, filtrés, leur utilisation est absurde, de même que cette voix qui se contente de former des syllabes tac tac tey tam tay tac tac tey ou peut-être autre chose je sais pas. Pendant ce temps, le glacier fond et les oiseaux chantent. La boucle de synthé dure moins de deux secondes et elle est répétée plus ou moins depuis dix minutes. J’entends des voix d’enfants, mais ça sert à quoi, pas à faire entendre des enfants qui crient. Non c’est un souvenir. C’est quelqu’un qui se souvient. Non, je sais. C’est le glacier qui, en se retirant, dévoile un village figé. Comme Pompéi, mais sous un glacier, et il y avait des enfants, des oiseaux et un mec qui ne parlait que par monosyllabes. Deux minutes plus tard la tension dramatique monte d’un cran (et la saturation aussi). Une soucoupe volante dans le village. Les habitants avaient ramené une soucoupe qui s’était écrasée plus haut dans la montagne. Il y avait un cadavre d’extraterrestre à l’intérieur. Cet engin était tellement beau, ils en ont fait un monument, érigé sur la place de la mairie, un vaisseau spatial aux formes abstraites montrant que la civilisation qui l’avait construit plaçait l’esthétique au dessus de toute autre considération. Un vaisseau oeuvre d’art. Recouverte par la neige avant d’avoir révélé tous ses mystères. Hum. Ouai c’est tout. Bon. 

Décidément aujourd’hui la musique la plus étrange est à chercher du côté des micro labels à cassette, Hobo Cult en ce qui concerne celle-ci. La bande magnétique, ça a un petit côté surnaturel je trouve. Et on n’a plus beaucoup l’habitude aujourd’hui des déformations sonores qu’elle entraine, ces effets de délavage, ces légères variations de la vitesse de défilement… Ça serait dommage de laisser tomber ça, parce que pour évoquer le rêve, le souvenir, pour poser des ambiances mystérieuses, un peu inquiétantes, c’est vraiment génial. Voilà. C’est tout à plus. Et regardez cette vidéo elle est pas mal.