Jason Crumer – Ottoman Black (2008)

Catastrophe naturelle, glissement de terrain dans la Lande, le berger sonne la cloche, les moutons avancent en silence, ils s’engouffrent dans un abri atomique dernier cri, parois en acier inox, les cloches résonnent dans des couloirs froids et longs comme l’éternité. La Terre gronde, on se demande bien quels sont ces bruits étranges qui nous parviennent de la surface ; à part les cloches, rien ne semble familier. Bref. Voilà à quoi ça fait penser, au début. Beaucoup de saturation ensuite, saturation dégueu et perçante, pas un brouillard noise, non, un chalumeau, une source de chaleur extrême concentrée juste en un point entre nos deux oreilles, et qui dévaste tout, comme le lance flamme de Lord Humongous. Ce passage noise extrême ne dure pas longtemps, retour au calme ensuite, retour à l’infiniment petit, détails microscopique, craquements, mais gaffe, personne ne sait vraiment ce qui peut surgir d’une boite de Pétri lorsque son contenu rentre en contact avec un fil de fer chauffé à blanc. Des monstres, des bestioles bizarres, des mutants, des tentacules, des visages déformés par la peur, c’est clinique, c’est froid, mais c’est terrifiant comme une chambre d’hôtel inoccupée un dimanche soir.

On oscille entre sons concrets et torrents d’électricité distordue. Une chaise à bascule, des pas, des cris, une barque qui tangue, des coups, des respirations suspectes. Scène de bagarre post apocalyptique, survivant contre zombie, pellicule surexposée, chevauchement d’images, retours en arrière, flashback superposés. La castagne du futur, gorges étouffées, meurtre sauvage, c’est moche, bienvenue dans le monde réel. Et puis la TERRE. La scène d’action se termine par un fondu au bruit blanc, les space marine débarquent et viennent mettre en oeuvre leur politique de la terre brûlée, c’est le Viet Nam 200 ans plus tard, ou Starship Troopers sur Terre, quelque chose de désespérément inhumain, scénario vierge de toute compassion à l’égard de l’ennemi, jésus christ peut se retourner dans sa tombe, ce disque c’est l’apologie de la loi du Talion, et de la destruction comme principe moral. C’est fou, c’est vraiment fou et après tout, c’est pas si moche, il y a dans les passages les plus violents, dans les passages napalm chalumeau, quelque chose de très beau, beau comme les flammes de l’enfer, beau comme un champignon atomique. C’est gênant, mais il faut accepter notre part d’ombre, oui on aime bien détruire des choses, bruler des fourmis avec une loupe, shooter dans les pâtés de sable, renverser les poubelles, c’est pas bien méchant mais pourquoi pas plus, pourquoi pas des fers à béton sur des caténaires, saviez vous que pour André Breton le geste surréaliste par excellence c’était de descendre dans la rue avec un flingue / descendre quelqu’un au hasard? La violence, ça peut être beau. C’est tout. 

Mais qui est ce Jason Crumer qui ose mêler musique concrète, ambient, harsh noise, trucs qui n’existent même pas? J’ai envie de lui faire un bisou, tandis que les moutons reviennent à la charge, ils sortent de leur caverne du IIIe millénaire pour prendre part au chaos total qui règne à présent sur Terre, entre scènes de baston, jeu de tir et peinture de Jackson Pollock grandeur nature. Par dessus ce bordel, un synthé bourdonne, point d’ancrage, sanctuaire, havre de paix, promontoire d’où on peut assister au carnage en sirotant un bon coca zéro. Dommage que ce petit nuage se dissipe si vite, les flammes finissent par lui chatouiller les fondations avant de le vaporiser totalement et l’Enfer, après avoir colonisé le plancher des vaches, part à l’assaut de la stratosphère. C’est la destruction totale de la Terre qui est décrite dans ce disque, c’est tout. Et c’est bien parce qu’en sourdine, alors que j’écris ça, la télé diffuse un film des années 80 avec un Thierry Lhermitte en queue de pie noeud pap qui a des problèmes de couple, ça me donnerait presque envie d’appuyer sur le bouton et réduire à néant tout ce que la vie a engendré ces derniers milliards d’année. Hum. C’est important de se défouler un peu de tems en temps. C’est une sorte de relaxation procyclique, j’aurais juste aimé entendre ça avec autre chose que des écouteurs d’ipod. 

Nothing could have stopped this, le nom du morceau. En annexe je donnerai le tracklisting complet qui en lui même raconte une sacrée histoire. Une histoire qui se termine dans l’espace, CERTIFIED BLUE, la terre vue d’en haut. C’est le spectacle qui s’offre aux SURVIVANTS, qui ont eu le temps de fuir, les chanceux qui n’ont pas trouvé de traitres pour leur barrer la route. Ce dernier morceau est beau comme ces moments où on se sent en sécurité après avoir vu la mort de très près. Non ça ne m’est jamais arrivé. Peut-être qu’à vous, si. Mais grâce à la magie de la littérature et du cinéma et en particulier des films d’horreur, je crois savoir à peu près ce qu’on ressent. En tout cas ça correspond bien à l’idée que je m’en fais. Bref. La Terre, grose boule bleue un peu applatie aux pôles, vue à travers un hublot. Plus de vert, plus d’ocre, plus de blanc, juste de l’eau, de l’azote, de l’oxygène, un peu d’hélium, d’autres gaz rare. Une boule d’eau vierge de toute forme de vie. La fin déraille un peu, l’histoire est pas terminée, c’est pas dit que l’extérieur soit plus sûr que la surface. Mais c’est une autre histoire. En ce qui concerne la destruction de la terre et la fuite de quelques rescapés, c’est fini, ça faisait du bruit, j’ai eu un peu peur, c’était bien. C’est tout à plus. 

Tracklist :

I. Town Crier
A. News Rips Through The Community
II. Self Deceiver
B. Where Were You?
III. Betrayal After Betrayal
A. After Betrayal
B. After Betrayal
1. Nothing Could Have Stopped This
IV. Pissed Off Responses
V. Certified Blue