Salut je suis sûr que vous vous êtes tous déjà demandés comment ce serait si Cheveu avait fait la musique de Crash de David Cronenberg. Ce serait un peu ringard, il y aurait des sons de batterie piqués à un clavier casio pas cher des années 90, et il y aurait ce mec qui crie tout le temps avec une voix déformée, qui trépignerait sur place comme un autiste, dans la cabine d’enregistrement. Non, ça ne fait pas trop rêver, en tout cas personnellement j’ai jamais demandé un disque comme ça au Père Noël. D’ailleurs, je crois que j’ai eu un peu mal au coeur quand j’ai vu ce film, et puis la première fois que j’ai vu Cheveu en concert, j’ai presque été mal à l’aise. Enfin voilà quoi. Sacred Bones. Oooh yeah. C’est une énigme ce label, je me demande s’il aurait fait autant parler de lui sans ces pochettes toutes semblables et intrigantes. Avec la liste des morceaux au recto! Comme les Beach Boys dans les sixties. J’aime beaucoup.
Alors la deuxième chanson, c’est un instrumental, un peu moins ringard et avec un son différent, sur le moment je crois que j’ai bien aimé, surtout l’effet oscillo-bullesque du début. Puis cette boite à rythme reverb-saturée, ce synthé acid, ces notes de guitare dissonantes, cette nappe de synthé de science fiction… C’est toujours un film, éventuellement un film de cronenberg, éventuellement crash, et ça s’appelle éventuellement Housefire at Zumi’s et il y a éventuellement des effets spéciaux électroniques du plus bel effet.
La chanson d’après s’appelle Kaiyo Maru, et elle me fait grave penser à Depeche Mode période Music For The Masses ou à la limite Violator. Mais évidemment, en moins bien. Haha. Faut pas rêver, ce disque est pas sorti sur Mute, il est pas avant gardiste, il est même pas tristement de son temps, non il est ringard ce qui signifie cool aussi, parfois. Il y a ce synthé qui imite des choeurs, comme dans Enjoy The Silence. En fait, cette chanson ressemble vaguement à The World In My Eyes, en plus rapide, et en moins bien, surtout le chanteur, mais bon, qui peut oser faire mieux que Dave Gahan?
Ensuite il y a encore un morceau avec des oscillo-bulles, un jet d’oscillo-bulles qui tentent de percer la couche de glace mais elle est trop épaisse, il doit faire dans les moins quarante à la surface. Le chanteur répète plein de fois “on the water” mais comme j’ai pas écouté ce qu’il disait avant, je comprends pas de quoi il parle, sauf que cette chanson s’appelle The Diver et qu’elle a un léger parfum indus/répétitif, une machinerie à bulles recouverte de glace avec un gros kick et des basses bien baveuses.
D’ailleurs le morceau d’après est totalement noise indus encore plus saturé du kick et il y a cette guitare ringarde totalement Crashesque. On dirait une cassette cold noise indus des années 80 enregistré par un obscur groupe slovène ou hongrois ou russe et qui s’appellerait Agonie 89 ou Corridor Sauvage ou MEKANIK HEART et d’ailleurs il y a même ces trompettes synthétiques des groupes goth des glorieuses eighties. Dans un sens, ce disque est pas mal, il rend accessible une certaine esthétique underground d’il y a trente ans à des jeunes gens qui portent des t shirts rigolos, des vans, des wayfarer, et qui lisent pitchfork et vice magazine. Bon, mis à part ce côté “pédagogie”, je dois dire qu’arrivés à la moitié du disque, on a déjà entendu un bon paquet de sons très agréables et de mélodies intéressantes.
Et en parlant de mélodie intéressante et de son coolos etc… le sixième track est pas mal, une sorte de slow, un peu triste, toujours ce gros son froid et martial, mais avec un supplément d’âme, ce qui est largement mieux qu’un supplément Argent du Figaro. Mais je préfère ne pas trop en dire, vous aurez qu’à l’écouter vous mêmes pour vous faire votre propre petit avis.
Le septième morceau s’appelle Arab Tide, il est assez dansant avec son boum boum en 4/4 et sa basse synthé de techno. C’est le morceau techno, avec quand même des choses pas très orthodoxes, comme ces cris, “HEY” (ou “HOY”) et puis la guitare qui tournoie comme un ruban de gymnaste aux Jeux Olympiques. Sans parler des roulements de toms non mais ho n’importe quoi! Oui c’est un instrumental à peu près ; et ses extrémités sont plus convaincantes que son centre : à la fin il y a une tempête électronique qui devrait durer au moins 6 fois plus longtemps mais malheureusement il y a rapidement un fondu —_>>> silence.
Haha la chanson suivante figure certainement sur le cd sampler du mois de juin de D Side, si ce magazine existe encore. C’est exactement le genre de truc electro indus / pop ringard qu’on pouvait y trouver quand je l’achetais et puis le gars chante en anglais de manière tellement rigide qu’on dirait de l’allemand. Divided Parallel. Hein. T’as compris. Il y a une basse avec du chorus, c’est suffisant pour moi, je lui mets la moyenne mais la prochaine fois messieurs, arrêtez de manger des bretzels entre les prises. Essayez les chocolatines.
Bon voilà il reste trois chansons mais en gros vous avez compris, c’est sympa mais ça devient un peu saoulant tout ce manque d’originalité / toute cette originalité. Dans les deux cas, c’est fatigant. Non, c’est largement écoutable, hein, mais pas de quoi en faire des tartines. Le mieux je trouve, ce sont les chansons un peu plus sensibles, les slows… La neuvième piste c’est un peu ça, il y a un refrain de stadium electro pop, oui comme Depeche Mode, un truc carrément épique et vaguement égyptien, qui donne grave envie d’aller voir un concert au stade de France ; hélas, Led Er Est a plus de chances de passer au Saint Ex que dans un stade de foot, à moins de se faire inviter par Depeche Mode (mais est-ce que Depeche Mode joue au stade de France???). Sur un malentendu ça peut passer. La chanson suivante revient à la formule punk crashesque, super dark, super énervé, plein de haine envers le chat qui fout des poils partout sur le canapé et qui vomit sur la moquette après avoir mangé un pigeon. Beaucoup de haine envers un tas de choses en fait, oui le cold punk est vachement moins tolérant que nous à l’égard de toute la pourriture qui ronge les sociétés capitalo parlementaires avancées. En parlant de ça, je me disais un truc l’autre jour. Sans capitalisme, et sans l’ennui profond induit par l’abondance matérielle des trente glorieuses, le rock n’aurait pas connu l’explosion planétaire qu’il a eue ; et puis d’abord, donc est-ce qu’on peut vraiment se dire anti capitaliste et consacrer sa vie à ce qu’il a produit de plus emblématique en matière de culture? Qui sait quelles autres merveilleuses formes artistiques vont naitre de l’infâme tas de boue dans lequel on patauge TOUS? Dans une société sans classes, dans cette sorte de paradis sur terre décrit dans la deuxième partie du Traité de savoir vivre à l’usage des jeunes générations, on aurait pas besoin de la musique pop, et c’est aussi terrifiant que se dire que si on avait pas de bite, on aurait même pas envie de baiser. Hum. Bonne nuit.