Jodis – Black Curtain (2012)

<a href=“http://jodisband.bandcamp.com/album/black-curtain” data-mce-href=“http://jodisband.bandcamp.com/album/black-curtain”>Black Curtain by Jodis</a>

Salut on va parler d’un disque intéressant, parce qu’il y a des stars dedans (Aaron Turner d’Isis au chant, James Plotkin et Tim Wyskida de Khanate à la guitare et à la batterie). En plus, c’est une des dernières références du label d’Aaron, Hydrahead, qui va disparaitre avant que ne soit commis l’irréparable (sortir un album de chant polyphonique corse par exemple).

Donc qu’avons nous là? Pour l’instant, de la musique lente, une descente de quatre notes de guitare plotkienne, des couches de fumée, une voix évoquant vaguement Brendan Perry en moins technique, et des coups de batterie balancés avec parcimonie. Comme ils le disent eux même, rien n’est laissé au hasard, chaque note a été murement réfléchie. C’est donc de la musique réfléchie voire intelligente! Et très lente. Lente comme moi quand j’étais ado. Lente et assez cool. Cool comme une reprise de Dead Can Dance par Khanate. J’y aurais pas pensé. Les dernières paroles sont encore plus désincarnées et tendues vers le ciel que le reste : “Breathe in I am the unchained son Breathe in New golden sun Breathing in I am the unchained son”. C’est vraiment très beau et ça me rappelle définitivement l’âge d’or de 4AD, mais avec une guitare noise lourde et baveuse. Il y a un côté cérémonie païenne là dedans, le genre de truc avec un druide, dans une clairière délimitée par un cercle de menhirs, il aurait une longue barbe blanche, serait habillé tout en blanc, et brillerait comme une luciole ou l’écran de l’Iphone 5.

Deuxième chanson, on reprend un peu la même formule, mais quelques innovations. Par exemple, la guitare résonne de manière continue, elle bourdonne encore et encore et encore, s’ornant d’arpèges minimalistes et répétitives. Un poil de batterie, et toujours cette réverbération prolongeant le chant tout en jetant sur lui un voile satiné et léger comme l’air. Tout au fond, un chant de moine tibétain qui vient du ventre. Très beau. 

Le troisième morceau est un peu long il dure 11 minutes et comporte donc une intro plus élaborée, quelques gouttes de guitare, ploc ploc ploc avant l’entrée majestueuse de la batterie et de ce qui semble être une seconde guitare tellement engloutie dans la réverb que ça ne ressemble plus à une guitare, ça ressemble à une reine baleine qui chante avec ses enfants. Une reine baleine hyper classe habillée en Yamamoto. Les paroles sont plutôt raccord avec la musique : “It’s not so bad I’d say (it could be worse) What once was our splendor faded grey Like ghosts now, in empty halls Rotting blood sticks fast in veins Let me now return to womb of earth The ceaseless worm devours all”. Oui c’est cohérent. On pense sans arrêt à de vieux temples, très anciens et désertés depuis des siècles, recouverts par la végétation conquérante des pays tropicaux, mais une fois qu’on trouve l’entrée, on découvre que l’intérieur est intact comme si la dernière messe avait eu lieu hier. C’est un disque blanc, c’est un disque lumière, et d’ailleurs dans le temple dans la jungle que j’imagine, un immense puits de jour laisse le Soleil inonder la nef et frapper l’autel tous les jours à midi. Il n’y a rien de moderne dans les paroles, les choses évoquées sont intemporelles. Je sais pas si vous avez joué à Zelda, mais parfois dans ces jeux on arrive dans des temples comme ça. Vous devriez jouer à Zelda, c’est un des meilleurs trucs qu’on ait inventé sur une console de jeux. Il y a Zelda 3 sur super nintendo, Ocarina Of Time sur nintendo 64, The Windwaker sur Gamecube. Le tiercé gagnant. Ceux de la wii sont pas mal, mais pas au même niveau je trouve, malgré quelques très beaux passages. Le dernier est quand même un peu raté. Enfin bref.

Bon encore un nouveau morceau de musique de temple hors du temps. Cet album est très cohérent c’est le moins qu’on puisse dire. Ces mecs ont défini une esthétique et une méthode, et ils s’y tiennent. Comme c’est surprenant, et très agréable, je ne m’ennuie pas, pas encore en tout cas. Et tous les morceaux ne durent pas cinquante ans. Il faut savoir faire bref quand c’est nécessaire. Ce nouveau morceau s’appelle Awful Feast. Les paroles sont en forme d’avertissement, “Feast not on this, Drink not from this cup, out into the light, look back not in wrath”… Elles sont fredonnées par un fantôme un vrai, le genre qui peut dire un truc et le répéter à l’envers. Drink NOT FROM THIS DRINK NOT FROM THIS la fin est bizarre ils répètent ça comme un slogan on se croirait dans une manif de fantômes. Petite faute de goût j’enlèverai un demi point à la note finale oh mais j’oubliais je ne donne pas de note.

Voilà on arrive à la sixième et dernière chanson. L’intro est prometteuse. Grosse guitare, voix à la Brendan Perry, quelques coups de toms et de cymbales, allez on enlève ses vêtements, on enfile sa robe en soie blanche et on part prier en cercle dans la forêt. “Say a prayer to future winds Say a prayer I cast threads Space expands Heart expands”. Les paroles sont plutôt religieuses mais assez négatives en même temps, je trouve ça dommage. La musique est glaciale mais pas forcément hostile, les paroles auraient mérité d’être plus réconfortantes. Je sais pas trop pourquoi ils arrêtent pas parler de sang, d’os, de cicatrices. Il est beaucoup question de souffrance et de renaissance. Après tout la religion, c’est pas toujours la joie, il suffit d’ouvrir l’ancien testament à n’importe quelle page, hein tavu. Mais la violence qui est évoquée dans ces chansons appartient au passé, et ouai finalement on s’en fout. Aucun risque de bad trip en cas de prise de drogue simultanée.

Alors voilà, c’est la fin et j’ai envie de tout réécouter, en boucle. Je suis assez impressionné, je ne pensais pas qu’un disque Hydrahead me plairait autant en 2012. Il est beau et original. Mais ça ne m’étonne qu’à moitié, parce que les disques de James Plotkin m’ont toujours beaucoup plu, même cette chose étrange qu’il a un jour enregistrée avec la chanteuse de Thorr’s Hammer. Voila c’est tout à plus.