Aaron Dilloway & Jason Lescalleet – Grapes and Snakes (Pan, 2012)

(mon passage préféré, à la fin de la face b)

Lescalleet et Dilloway. Un programme intéressant mais les collaborations c’est pas toujours top d’autant que là, c’est ce qu’on appelle une collaboration “à distance”. 

Le disque démarre lentement il y a une sorte de synthé mouillé qui bourdonne avec tout un tas d’excroissances filtrées qui oscillent et un autre synthé qui émerge lentement, comme si c’était le réveil, le lever du soleil, un truc comme ça, et pour l’instant je dois dire que c’est assez plaisant, connaissant les deux lascars je m’étonne qu’il n’y ait pas déjà eu d’horribles sons qui te font saigner les oreilles mais après tout tant mieux, tout le monde n’aime pas se faire mal. Ah tiens, le second synthé vient de disparaitre, carrément, et le premier fait le malin, il gonfle le torse, montre son plumage de paon multicolore mouillé. C’est hyper minimaliste comme musique attention j’espère que vous avez prévu le pop corn en format familial ooh mais le synthé numéro un disparait à son tour et hop deuxième ambiance c’est dingue pourquoi mais pourquoi?? Cette fois le bourdon est situé dans les infra basses, le volume est très faible, il y a toujours ces jeux de filtres, et une sorte de crépitement revient à intervalle régulier, le tout forme un cycle qui se répète encore et encore, inspiration expiration. Un être gigantesque qui respire, ou un truc comme ça. De quoi faire tourner l’imagination à plein régime, genre quelle gueule il a ce monstre, d’où il vient… C’est toujours pareil avec ce genre de musique, ça évoque beaucoup de choses, c’est pour ça que j’aime. Il ne faut pas écouter ça comme on écoute un album de Kiss ou de Dorothée ou même des Beach Boys. C’est une écoute beaucoup plus active, créative, l’auditeur joue un rôle presque aussi important que l’auteur dans la création. C’est pas de la musique tant que ça n’est pas rentré dans les oreilles de quelqu’un. Enfin bon. Voilà le monstre a disparu, troisième tableau, encore plus minimaliste, il s’agit d’une seule note de synthé aérée et étouffée en même temps, légère et fragile… Des sons sous échantillonnés viennent se superposer puis remplacer ce voile transparent on dirait des cloches plus un petit ruisseau je sais pas et là encore on dirait que c’est en train de disparaitre, cette musique est un peu frustrante on a toujours l’impression qu’elle nous échappe qu’elle s’en va sans nous avoir laissé le temps de l’explorer dans tous ses recoins. Hop et voilà fin scène suivante une putain d’alarme hyper chiante voilà un truc qui fait légèrement mal aux oreilles c’est bien j’avais peur qu’il n’y en ait pas après tout c’est pour ça que j’écoute ce disque. Donc imaginez un réveille matin qui sonne comme un marteau piqueur pour lilliputiens. Eh oui pas très agréable. Ou un insecte. Et vlan, de plus en plus de bruit, de plus en plus aigu, et ça fait mal mais c’est beau, tous ces plocplocploc tictictictictic qui évoluent harmonieusement comme des petites fées fluorescentes mais bon, oui, ça dure pas longtemps. Frustration. Et je me dis que quand même, c’est pas une oeuvre majeure. De toute façon je me mets à leur place. Comment veux tu t’investir à 100% dans un projet que tu ne contrôles pas totalement. Enfin, peut-être que certains en sont capables, il faut un leader qui arrive à motiver et à canaliser son équipe. Moi j’ai un peu de mal avec ça. Mais chut. 

Bon la face b maintenant. La face b qui fait pshhhh pshhhh pshhhhh. Oui, des salves de bruit blanc filtré. Ou des pistons qui marchent à la vapeur. Marty! Elle marche à la vapeur! Ambiance industrielle vous aurez compris. J’écoute pas mal de trucs comme ça en ce moment. Et derrière le brouhaha des machines on entend une note continue qui aide à tenir l’ensemble. Mh. C’est chouette, mais j’ai déjà entendu ça cinquante fois. Enfin pas tout à fait. Sur un disque de Troum par exemple, il y a ces ambiances d’usines de robots de l’espace, mais avec un son beaucoup plus massif, plein de bonnes grosses babasses qui font vibrer les testicules. C’est pas nul ce que j’entends là, mais peut-être que je suis pas dans le mood ce matin. Vous savez, la musique, à un moment ça peut être sans intérêt, puis complètement génial quelques jours plus tard. Tout dépend de la manière d’écouter, de l’endroit, des gens avec qui on écoute, de ce qui s’est passé dans la journée… C’est pour ça que les critiques me font rigoler avec leurs avis définitifs et leur assurance sans faille. Moi je doute tout le temps, et j’ai beaucoup de mal à me faire un avis sur ce que j’écoute. C’est pour ça que sur ce blog je préfère décrire la musique plutôt que la juger même si ça m’arrive assez souvent de donner mon avis (et de le regretter après). C’est très tentant, de dire qu’un truc est génial. C’est comme dire je t’aime à la fille qui est en train de te tailler une pipe. Mais faut pas se faire avoir. Il faut savoir faire la part des choses. Hein. Toujours se dire que ce qui parait génial aujourd’hui, ça pourra sembler moyen dans dix ans, voire sans intérêt. Même si avec le temps, avec l’expérience, on croit être plus à même de détecter les chefs d’oeuvre intemporels, on peut toujours se tromper. Oui parce qu’évidemment, écouter de la musique, c’est comme boire du vin, ou profiter des autres plaisirs de la vie. Ça s’apprend. Et l’apprentissage peut être plus ou moins long, peut-être même qu’on apprend toute sa vie. Je pense que les drogues aident pas mal à comprendre certaines choses, à apprivoiser les textures sonores, les rythmes, le dialogue entre les instruments, etc… Mais c’est pas forcément nécessaire. Bref, ce qui te semble nul aujourd’hui, cher lecteur, ne l’est pas forcément, et qui sait, peut-être que dans dix ans tu en seras totalement fan et tu ne comprendras pas comment tu as pu être assez con pour détester… Tu n’avais juste pas compris. Parce que chaque musique c’est un nouveau langage, et tu ne connaissais pas encore celui là. Bon. Le disque est presque terminé. La fin est super, par contre, beaucoup plus saturée, avec des cris d’animaux non identifiés, une tempête distordue dans laquelle volent des archéoptérix fantômes jusqu’au moment où d’autres oiseaux font leur apparition, ce sont des oiseaux plus modernes, plus joyeux, qui dansent, il y a une sorte de rythme saturé, beaucoup de choses dans le canal gauche, le canal droit, mais bon, deux minutes quoi… Le problème de ce disque, c’est qu’il manque un peu de cohérence, il y a de bons passages, pas toujours très originaux certes mais intéressants quand même, mais ça manque d’un fil conducteur comme sur le dernier album de Lescalleet qui nous racontait vraiment une histoire. 

Bon c’est tout à plus.