Charles Bronson – Discocrappy (625 Trashcore, 1999)

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Salut bon j’ai décidé que le vendredi ça serait le jour des vieux disques c’est à dire des disques qui ont plus d’un an oui en gros c’est à peu près toute la production musicale de l’humanité sauf les trucs des douze derniers mois on peut dire que j’ai l’embarras du choix. Ça sera surtout l’occasion pour moi de vous parler de ces chefs d’oeuvres méconnus, ignorés par les médias et les gens bien pensants. Ou alors de ces grands classiques que j’ai mystérieusement zappés dans ma carrière d’être humain. TOUT UN PROGRAMME. 

Bon je commence avec la discographie de Charles Bronson et là si vous connaissez pas vous vous posez au moins deux questions : quoi Charles Bronson a sorti des disques? Et en plus il a mis sa discographie complète sur un seul disque? Oh mon dieu! 

La vérité c’est qu’il ne s’agit pas du petit moustachu d’extrême droite mais d’un groupe de hardcore de DeKalb dans l’Illinois, en activité de 94 à 97 et composé de petits merdeux, straight edge pour certains, qui se croient drôles et le pire c’est que bien souvent ils le sont vraiment. C’est donc de la musique drôle oui, et hyper violente en plus, et jouée à fond la caisse tellement bien que les morceaux durent rarement plus d’une minute. Je sais Napalm Death l’a déjà fait sauf que chez eux le comique était IN-VO-LON-TAIRE. Les Charles Bronson ils sont plus ouvertement parodiques mais pas complètement non plus. C’est mi-sérieux mi)déconne et c’est ça qui fait tout le charme du truc. 

La musique est complètement dégueulasse au début, c’est mal enregistré et c’est joué avec les pieds. Non attendez, ce que je viens de dire est une insulte aux guitaristes handicapés qui, à l’instar de leurs collègues peintres ou sculpteurs, se servent de leurs pieds pour sublimer la noirceur insondable de leur âme. Non les Charles Bronson ils ont des mains, c’est juste qu’ils s’en foutent. Ils prennent un malin plaisir à jouer les riffs les plus débiles et les plus caricaturaux imaginables, et pas moyen de savoir si ils font ça parce qu’ils ont pas d’idées ou pour se moquer des autres groupes. On est toujours sur le fil du rasoir je vous dit. Bon j’exagère un peu. Parfois c’est juste super cool et pas trop mal joué. Il y a un morceau qui s’appelle Silenced, les paroles sont craignos, du genre “yayayaya yayayaya yayaya yayaya” (vraiment) mais la musique est chouette, ça commence en mid tempo très lourd avec un gros son de guitare, et puis BREAK et déchainement de power violence de 5 secondes et fin. C’est bien fait. 

Le gros plus de Charles Bronson par rapport à Spazz ou les Capitalist Casualties ou je sais pas qui, c’est donc l’humour et c’est marrant même avant d’avoir mis sur lecture. Il suffit de regarder la tracklist pour rigoler un moment. Il y a des titres de chanson qu’on lit une fois et qu’on retient toute sa vie. Du genre “They should legalize drugs so you can hurry up and fucking die” ou “I lied when I said I liked your zine” ou “I can never write too many songs about morons like you” ou “Let’s start a revolution so I can break some shit”.

Parfois on a vraiment l’impression d’entendre Eric Cartman chanter dans un groupe de punk. C’est marrant. Les mots sont souvent à peine articulés, ça fait un peu handicapé mental, mais c’est bien, c’est des jeunes, ils jouent aux handicapés mentaux, ça défoule, c’est normal. C’est vachement plus libéré et plus sain que tous ces pseudo groupes de punks pour ado genre Blink 182 ou Sum 41 ou c’est quoi les autres ah oui Offspring. Des mecs qui font soit disant de la musique punk, du gros bordel qui défoule alors qu’en fait c’est mou et chiant comme la mort, parce que bon il faut pas faire peur à maman et aux bourgeois de manière générale parce que c’est quand même eux au final qui financent les ados, qui contrôlent les chaînes de télé, les stations de radio, les rayons des super marchés. Les super marchés quand t’es ado c’est quasiment les seuls disquaires à ta portée. J’ai beaucoup acheté de disques à Auchan quand j’étais au collège, entre 96 et 99 ou un truc comme ça. Il y avait tout ce dont j’avais besoin à cette époque, à peu près. Bref. Bon on perd le fil là. On résume. Offspring c’est de la merde et Charles Bronson c’est un peu le meilleur groupe de punks pour ados. C’est dommage et même un peu incompréhensible qu’ils n’aient pas eu plus de succès durant leur courte carrière. 

Une autre chanson qui est pas mal c’est “Obligatory Jock Slaughter Song”. Je sais pas où c’est Jock ni ce qui s’y est vraiment passé, à moins que ce ne soit un mec qui s’appelle Jock Slaughter, un nom assez cool j’avoue. Vous connaissez le Jock? C’est une sorte de crème à la vanille ou au chocolat à base de céréales, ils fabriquent ça près de chez nous à BOrdeaux, c’est assez bon et ça cale bien au goûter, et en plus ça fait plaisir aux petits et aux grands. Chez nous on était des gros consommateurs de Jock à une époque. Donc cette chanson sur “Jock Slaugter commence, comme bien souvent chez Charlie, par un extrait de film. Le mec hurle "GOD IS DEAAAD” et le rouleau compresseur se met en route et écrase tout sur son passage et ça fait du bien c’est fun. Personnellement j’écoutais beaucoup ce disque en période de révisions à la fac, plus exactement la veille des examens, quand je me rendais compte que j’avais une dernière nuit pour découvrir et apprendre la moitié du cours de droit des affaires ou de sociologie de la paix. Cette musique me maintenait éveillé bien plus efficacement que le café, et en plus elle m’aidait à me focaliser sur le cours, alors qu’intuitivement on aurait tendance à penser que ce genre de raffut empêche de se concentrer. Haha grave erreur. Moi ce sont les musiques violentes qui m’aident à me concentrer et plus ça envoie du steak plus je suis concentré. 

Je parlais à l’instant de ces introductions de chansons à base de dialogues de film. C’est très fréquent, et c’est un peu la marque de fabrique du groupe. C’est toujours des trucs un peu déglingo / polémique, avec des gros mots. Je sais pas trop si il y a une démarche intello derrière, si ces introductions fonctionnent comme une sorte de commentaire préalable. Ah la 43e chanson du disque s’appelle The Kids Are Gonna Stick Together, apparemment c’est la dernière d’un de leurs EP. Elle TUE, tout simplement. Pas besoin d’en rajouter. On passe ensuite à un autre EP, avec un son un peu moins cool et plus hargneux. On constate en écoutant tout ça d’une traite que bon, même si ils jouaient comme des singes trisomiques, ils ont progressé un peu. Plus carré, et plus complexe dans la construction des morceaux, par contre les riffs sont toujours aussi débiles mais tant mieux. C’est quand même assez dur d’écouter ce cd comme n’importe quel autre cd parce que les morceaux sont très courts, il y en a à peu près une centaine, au bout d’un moment on a tendance à décrocher. C’est plus une musique d’ambiance qu’autre chose. 

Il y a une autre chanson super, qui s’appelle “Tony Victory Knows How To Party”, suivie de “Down For The Count”. C’est ce que j’ai entendu de mieux jusqu’à maintenant, principalement parce que c’est ce que j’ai entendu de plus violent. Le chanteur a une voix de ninja engagé dans une lutte à mort contre un serpent géant. Comme si sa vie en dépendait, comme on lit souvent dans les colonnes de Rock & Folk. Oui donc je parlais de progression dans l’histoire de Charles Bronson et c’est clair à partir de la moitié du disque à peu près. C’est plus pro mais bon du coup c’est peut-être un poil moins marrant. N’empêche que ça défoule et ça reste quand même très irrévérencieux et mal élevé, tout ce qu’on attend d’un album de ce genre quoi. C’est de plus en plus violent et avec “Batting A Thousand And Still Striking Out” et les autres chansons du même EP on atteint un nouveau sommet et c’est génial.

Bon le problème c’est qu’on comprend rien aux paroles. Mais de nos jours on trouve tout sur internet. donc par exemple la chanson dont je viens de parler à l’instant : 

All the years growing up

I anticipated the day.

Now, the excitement has just become making the rounds

The score and the win. With all the bases covered

Sex has become as worthless as

the relationship that it isn’t based on

This is what it’s built up to

so now what the fuck is left?

Hum ouai. C’est un peu plus subtil que ce qu’on pourrait imaginer de prime abord. Mais comme je le disais ce groupe joue une musique beaucoup trop débile et outrée pour ne pas être un peu intello sur les bords. Donc voilà. Les lyrics, c’est la partie immergée de l’iceberg et on y découvre des choses surprenantes. Toutes ces chansons débiles avec des titres à rallonge complètement stupides et qui font bien marrer, contiennent parfois des réflexions très sérieuses d’ordre politique, sociologique ou philosophique. 

The way you think results in your outcome

So when you’re taught to expect to never amount to anything

More than a fuckup your whole life and stereotyped

As jobless on welfare and with five kids in diapers

Is no surprise that you blame your failures on your lack of ability

A so-called blessing that you’ll never have

And your acceptance of this shit is only the half

Cuz the fuckin’ problem also lies in you

To stop settling for what you’ve been told to do

Over and over by some rich white men from generation on down

And nodding your head to the forefathers that fucked you so good

And for so long and kept you from seeing, feeling, thinking, and questioning

Why we commonly vote for a white president

ou bien, un chanson plus ancienne : 

You get so mad and tell me I’m a bore cuz I don’t wanna hang around your stupid crowd no more. I think I’d rather stare at my fucking wall all night then go out with a bunch of jerks that act so fucking loud. I don’t wanna be like you cuz I don’t wanna die. I decided long ago that’s some shit I’ll never try. I got better things to do than to blow my cash on that. I don’t want to waste my mind, wreck my body, and turn my back. I know I’m a dying breed so do I need to ask why all the fucking straight edgers are now a bunch of drunks? Just last year they markered up their hands but now all they say is, “Oh I don’t give a fuck.” So what if I’m a straight, is that so hard to accept? At least I’m not like you and have nothing left. I’m going someplace in this world and it’s not a fucking grave and you just laugh at me. At least I’m not a drugged up slave.

Oui bon vous l’aurez compris en fait c’est des paroles assez tristes qui contrastent avec la violente débilité de la musique et une fois qu’on a ça a l’esprit on est même tenté de se demander si la musique est si bête que ça… Mh. Oui, quand même. Mais bon, ces paroles quoi… Ce qui est formidable, c’est que les chansons ont beau être hyper courtes, il y a des centaines et des centaines de lignes de texte parce que le chanteur a un débit ultra rapide. On a donc une centaine de petits textes à la profondeur insoupçonnée, même si au final on peut résumer tout ça a “la société c’est de la merde les puissants veulent nous contrôler, les gens sont des moutons SURTOUT LES FANS DE HARDCORE ils réfléchissent pas ils sont trop bêtes et j’aimerais qu’ils crèvent et moi je m’en fous je suis libre et je rentre à ma maison mais bon du coup la vie c’est un peu chiant il y a rien à faire j’ai envie de tout casser pour m’amuser”. 

Un groupe assez individualiste donc, mais pas forcément par choix, juste par la force des choses, parce que les gens sont des cons. Ce qui est une constante universelle, force est de le reconnaitre. Et nous on écoute cette musique en se disant ouai les gars vous avez grave raison alors qu’en fait ils nous mettent dans le même lot. Tout le monde devrait détester Charles Bronson parce que CHarles Bronson n’aime personne. Mais au fond c’est logique. Ce groupe est un trou noir, il accumule l’énergie négative pour la recracher sous forme d’explosions de violence et de haine. ALors bon c’est souvent très drôle comme ce live à la fin du premier disque, un live en Belgique avec des bruits de foule rajoutés au mixage alors qu’en fait ils devaient jouer devant 10 personnes dans une cave. D’ailleurs je suis même pas sûr que ça soit du live. Quoi qu’il en soit, même si ils nous font bien rire, il faut garder à l’esprit qu’avant tout, ils nous chient à la gueule. A nous de nous interroger : pourquoi on aime ça, pourquoi on en redemande? Est-ce à cause d’un sentiment de culpabilité, un besoin de pénitence? Oui bien sûr, on est tous coupables, autant que nous sommes, coupables du simple fait qu’on arrive à dormir malgré toutes les horreurs qui secouent le monde. Charles Bronson, c’est le fouet dont on a besoin pour expier. C’est la soupape de sécurité de l’ado occidental, et c’est une fonction dont ils s’acquittent très bien. Un très bon groupe quoi, mais dont l’existence même est la preuve de l’échec de notre civilisation. 

Voila. Vendredi prochain on essaiera de s’extraire de notre condition d’êtres de chair et de sang pour voyager à travers les étendues infinies du Cosmos avec sonic boom et son Experimental Audio Research. Stay tuned. A plus.