The Knife – Shaking The Habitual (Rabid Records, 2013)

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Un truc à écouter ICI

Salut j’ai peur de rien vous savez et par exemple ce soir je vais écouter ce fameux nouvel album de The Knife qui dure 50 ans avec notamment une chanson de 19 minutes. 

La première chanson s’appelle A Tooth for an Eye, ce qui rappelle vaguement l’ancien testament n’est-ce pas, et en plus la musique sonne carrément antique avec ces instruments bizarres. Il y a tout un tas de percutions dont certaines jouent des notes, des synthés assez minimalistes, la chanteuse qui fait des trucs, elle dit des mots de manière rythmée et musicale. Tout ça sonne bien frais, très ancien et très futuriste en même temps et en plus il y a quelque chose dans le chant, dans la mélodie, qui soulève un peu les corps j’irais pas jusqu’à dire que c’est épique on n’est pas chez Depeche Mode mais il y a quelque chose comme ça quand même. 

Ouch la chanson suivante qui s’appelle Full Of Fire sonne beaucoup moins antique. C’est une boite à rythme ringarde faite de sinusoïdes et de bruit blanc filtré avec des petits trucs qui s’ajoutent petit à petit ambiance plus dark voix chuchotée à moitié et haha haha it’s my opinion un peu de basse on est dans un jeu vidéo des sons ringards des années 90 un peu de vulgarité mais pas trop ça donne trop envie de danser. Les mots sont prononcés très clairement mais on peut pas être concentré sur tous les détails en même temps donc je vois pas trop où elle veut en venir elle raconte une sorte d’histoire. Voix déformée toujours des sons ringards. Ok c’est de la musique carrément bizarre. Très peu de basse, beaucoup d’air, beaucoup d’évolution on ne s’ennuie pas. Il y a une sorte de chihuahua qui fait hua hua hua hua. Ou un cousin de Flat Eric qui imite des bruits de scraths avec sa bouche. La tension monte et je commence à me dire que malgré tout malgré la boite à rythme ringarde la violence et tout on reste dans l’antiquité. Eh ouai vous savez quoi ce disque c’est un peu comme la techno de l’Atlantide. Pourquoi pas d’ailleurs. Je me demande qui écouterait ce genre de musique pour son plaisir ailleurs qu’au bootleg ou au café pompier avec 100 à 150 mg de mdma dans les neurones. En plus c’est vachement long ce morceau fait plus de 9 minutes et la suivante c’est pareil non mais c’est dingue. Ils ont dû pas mal fumer. 

Ouf on souffle un peu après avec des boucles de voix passées à l’envers eu peu étouffées saturées aux extrémités. Des choses se passent, des portes qui s’ouvrent, des ectoplasmes qui lévittent en robe de chambre au dessus de la table et une grosse basse indescriptible. C’est vraiment bien ça. Chouetos. On n’est plus au café pompier là on est dans la maison de The Changeling et attention à ne pas se faire emporter trop loin l’atterrissage risque d’être difficile. Hop rideau changement de scène toujours le même morceau un truc à cordes qui se désaccorde toujours film d’horreur et grosse basse qui laboure les oreilles en les aspergeant de bave et Oh Mon Dieu ça chante c’est pas de la techno c’est Diamanda Galas ou en tout cas l’idée que je me fais de Diamanda Galas (pas tout à fait pareil). Ce morceau s’appelle A Cherry On Top. C’est incroyablement bizarre et pourtant ça coule tout seul ça fait pas mal du tout on a envie de savoir la suite on tend l’oreille et c’est bon voilà respect je suis hypnotisé je vais écouter ce truc jusqu’au bout. La musique de fantôme n’est pas finie chaque instant recèle des surprises et c’est complètement de la musique psychédélique. YEAH. 

La chanson suivante revient à ce truc antique avec percus marrantes, flutes, très peu de basses. C’est plutôt une chanteuse à la mode de l’Atlantide qu’on entend cette fois, la Rihana ou la Beyoncé de l’antiquité qui danse en toge et spartiates sur la place publique avec une bande d’esclaves pour jouer les instruments et plein de couronnes de lauriers dans les cheveux et toute la ville qui danse en sandales d’avant Jésus Christ et une sorte de sorcier qui donne de la drogue antique à tout le monde de la mandragore ou des champis et ils font la fête c’est urbain mais très rural en même temps c’est frais aérien on n’étouffe pas on ne se sent pas agressé c’est bizarre mais bizarre exotique ça inspire confiance. Il y a un autre disque qui a pour thème l’antiquité (mais c’est assumé pour celui là) et qui me fait un peu le même effet c’est celui de Sun Arraw qui est sorti pendant que j’écrivais mon mémoire il y a deux ans. Il était trop trop bien. 

Chanson suivante. Des tambours. Ambiance religieuse. Cérémonie à la gloire de la déesse Athéna avec des grâces qui dansent en cercle autour d’un feu de joie, en haut d’une estrade. La prêtresse tient dans ses bras un écureuil qui est promis à un très bel avenir puisqu’il va mourir pour calmer la colère des dieux et tout se passera bien et il restera dans l’histoire et les gens l’aimeront et des siècles plus tard cet écureuil sera devenu le fils de dieu qui a souffert sous ponce pilate a été crucifié est mort etc etc… Et pendant ce temps TOUT LE MONDE DANSE au ralenti. 

Houla ensuite on revient à l’ambiance film d’horreur mais c’est pas tellement film d’horreur en fait c’est plutôt péplum. Dans les péplums aussi il se passe des choses surnaturelles et un peu inquiétantes. Parfois. Il y a ces squelettes qui marchent et qui ont un bouclier et une épée et qui se battent contre Jason. Par exemple. Quelque part chez les barbares. 

Du silence ensuite. Un mince filet de son, une vibration toute maigre qui parvient tout juste à se faufiler dans une fente, qui sort de la montagne en laissant deviner tout un monde souterrain. Juste en dessous. Des chocs métalliques qui résonnent, transportés par le vent jusqu’à nos oreilles. Des roues musicales. Une légère brise, toujours. Du blanc, de la brume. Ah mais oui, le fameux morceau de 20 minutes. Oui bon en fait c’est pas de la dance music. C’est un truc atmosphérique un peu mystérieux, qui titille l’imagination avec ces sons bizarres impossibles à identifier mais qui ont l’air réels mais quand même un peu tripatouillés avec un ordinateur et parfois c’est dingue on entend un truc on se dit que c’est une vraie personne qui tape sur quelque chose et dix secondes plus tard on se rend compte que c’est un truc électronique, un oscillateur qui fait ce qu’on lui demande de faire c’est à dire générer un signal dont les propriétés sont modulées ouin ouin ouin à vitesse variable. Bref. On sent une sorte de présence malgré tout. Musique électronique mais très humaine même quand l’ambiance n’est pas à la fête. On progresse dans les conduits souterrains creusés par les mineurs de l’antiquité qui avaient eux aussi besoin de métaux précieux et de terres rares pour fabriquer des bijoux et des ordinateurs de l’antiquité. On se sent comme Indiana Jones quand on écoute ce disque. Je vous assure. Ou alors Emett Brown. Vous vous êtes jamais demandé pourquoi il n’a pas choisi direct d’aller voir les dinosaures? C’est ce que j’aurais fait. Ou donc des trucs de l’Antiquité. Si j’avais une machine à remonter le temps j’irais voir Rome au premier siècle avant Jésus Christ et aussi sûrement les dinosaures et la Commune de Paris. haha. Don’t ask. J’irais dire bonjour à Guy Debord aussi. Je trouverais rien d’intéressant à lui dire, j’aurais trop honte. Ce serait trop cool. Mais ne parlons pas de Guy Debord je trouve le battage médiatique autour de sa personne, ces derniers jours, un peu dégoutant. Il ne faut pas en rajouter. Revenons plutôt à nos conduits souterrains de l’antiquité. Figurez vous donc que le kick ne vient jamais, que dis-je, le RYTHME ne vient jamais. C’est bien. Vraiment, chapeau les Krisprolls. En plus, ça raconte une histoire, oui on sent qu’on se rapproche de quelque chose d’encore plus ancien là, dans ces tunnels. Un truc sphérique en métal inconnu de l’homme et qui semble coincé entre deux couches de sédiments depuis des millénaires. Et qui fait très mal à la tête lorsqu’on tente de s’en approcher, comme si un système de défense télépathique se mettait en route. Indiana Jones à fond. Le climax des Aventuriers de l’Arche Perdue, question musique. Et donc on saura pas ce qui se cache à l’intérieur, on saura même pas ce que c’est. Pas d’explosion, silence en pleine montée. Frustrant. A moins que…

La suite… Carrément tribal. C’est l’Afrique cette fois. C’est plus du tout de la musique de l’antiquité avec un balais dans le cul. Cette fois on est chez les sauvages qui ont le rythme dans la peau et peut-être que c’est un passage interdimentionnel qui se cachait dans la montagne, on était même pas sur terre mais sur une autre planète. C’est même pas des humains qu’on entend sur ce disque, oui ce sont des atlantes qui viennent d’une autre planète et sont arrivés là grâce à un passage qui les a conduits sur les plaines d’Afrique de l’ouest. Il y a un petit moment. Le choc des civilisations, d’un côté des êtres gracieux, froids et réfléchis, de l’autre des humains, primitifs, sensuels, et mon dieu des couples ont dû se former à ce moment là sinon je vois pas comment ça se fait que l’espèce humaine du XXIe siècle soit aussi complexe, bizarre et imprévisible. On descend autant des Atlantes que des singes ! Alors maintenant on va aller au Primavera pour fêter cette découverte en dansant sur un set HYPER TRIBAL de THE KNIFE on prendra plein de drogues (mais pas trop non plus) on sera fringués n’importe comment on n’aura strictement rien à branler de rien à part danser et éventuellement trouver d’autres drogues. Oui oui. Ce disque me fait penser à tout ça et là où il y de quoi devenir fou c’est qu’il reste encore 5 morceaux ! C’est diabolique. Pourquoi avoir fait un album aussi long. Bon c’est vrai quand on y pense, pourquoi se cantonner à 40 minutes, à une heure, à une heure dix? C’est complètement arbitraire. Pourquoi pas une heure trente ou plus, comme un film? Mais non parce qu’on n’écoute pas la musique comme on regarde un film, me diraient les gens qui n’ont rien compris. Et oui, me diraient-ils, on fait d’autres trucs en écoutant de la musique. Mais alors dans ce cas, pourquoi se limiter à une heure? Si c’est pour faire autre chose en même temps, pourquoi ne pas sortir des disques qui s’étalent sur deux, trois, quatre heures, le temps de faire le ménage ou de baiser plusieurs fois? Hein? Tellement de choses pourraient être dites. Mais non, on s’accroche à nos petits standards, quarante minutes, quatre vingt minutes… Et moi le premier, j’ai tendance à préférer les formats courts. Pet Sounds dure moins de quarante minutes non? C’est bien la preuve qu’on peut faire rentrer dans un 33 tours la totalité de l’univers connu. 

Ah bon ensuite il y a un morceau de Techno. OKÉ pourquoi pas. Mais quand même sacrément zarbi. TR 808 et synthés malades, chanteuse dance des 90’s qui a l’air de fondre comme un gremlin. Stay Out Of Here. C’est de la house Fukushima. Ne venez pas ici c’est radioactif ! Regardez on est malades difformes on peut même plus jouer de la musique normale nos synthés déconnent la seule chose qui marche encore à peu près bien c’est cette boite à rythme japonaise mais ça c’est normal. N’est-ce pas la chanteuse de 2 Unlimited? Si c’est pas un groupe de mutants ça aussi. Etonnant quand même ce disque qui mélange techno zarbi, musique tribale zarbi, ambient zarbi, non finalement il y a un fil directeur, c’est un disque d’une inquiétante étrangeté, c’est tellement exotique, que forcément, ça fait un peu peur. C’est un disque pour Indiana Jones, pour aventurier, pour ceux qui savent que c’est dans les régions les plus reculées, inhospitalières, qu’on trouve les plus beaux trésors. Il faut certes décoller le nez de son Ipad et se lever de son canapé. Pas facile hein. Surtout que le soir il y a toujours des choses bien à la télé, maintenant qu’ils ont inventé la télé de rattrapage. 

Fracking Fluid Injection, l’avant dernier morceau. Est-ce qu’on dit “Frack” ailleurs que dans Battlestar Galactica? Une série empreinte de mythologie antique d’ailleurs. Et même dans son esthétique, il y a un truc. Oui je pose la question, parce que je ne le sais pas. C’est un mot qui est employé dans la vie de tous les jours? ?? ??? ???? La musique en question ne ressemble franchement à rien. Et c’est sublime. Pulsation lente, frottements, échos et râles de prêtresse crêtoise. Frottements qui pourraient éventuellement donner des frissons. Pourquoi, comment? Il s’agit d’un passage aussi énigmatique que la fin de 2001 l’Odyssée de l’espace. J’en reviens pas que The Knife ait enregistré un disque comme ça. Ça me rend assez heureux. Non mais écoutez ces dophins mécaniques qui tentent de communiquer avec nos ancêtres les atlantes sur la plage de Mikonos. C’est quand même fou non? Comment un groupe aussi réputé et aimé dans le monde entier a pu décider un matin d’enregistrer ce genre de choses? De quoi retrouver foi en l’humanité vraiment. Ou alors certains diront qu’ils ont pété un cable comme Lou Reed à l’époque de Metal Machine Music. Ma mère par exemple pourrait dire ça. 

Et donc la dernière chanson, Ready To Lose. Bonne grosse basse, percutions mélodiques, shaker, claps, chaque chose à sa place, une place pour chaque chose.  Chant, paroles. Voix un peu pataude. Peur de souffrir, peur perdre… quelque chose. Tout ça. Bon arrivé à ce stade, j’ai pas grand chose à rajouter. Grand disque? C’est pas à moi de vous le dire. A chacun de se faire son avis. Bon courage. A plus.