Windhand – Soma

Windhand c’est une bande de doomsters de Virginie, emmenés par une chanteuse tatouée nommée Dorthia Cottrell. Ils jouent de la musique de rituel, à écouter de préférence dans un pick up ou dans une église. Les fans d’Electric Wizzard ne devraient pas être trop dépaysés. Ils viennent de sortir un deuxième album, SOMA, sur Relapse.

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Alors ce disque ressemble beaucoup à Electric Wizard, mais avec une fille, et un son un poil plus musclé. Enfin c’est surtout qu’il y a plus de basses. Sinon, mêmes riffs solides comme des parpaings, un chant hyper trainant de THC druide et des solos de guitare que ton petit frère pourrait jouer. Rien de bien neuf, mais évidemment on s’en fout, comme on se fout que le petit salé aux lentilles de notre maman ait toujours le même goût. C’est normal, c’est rassurant et heureusement que dans ce monde il y a des choses qui ne changent pas. Attention, ça serait évidemment horrible si tout restait figé pour l’éternité, d’autant qu’on vit quand même une époque à chier.

Eu je vais pas passer les morceaux en revue c’est pas la peine. Imaginez juste du rock lent, très lourd, des morceaux en forme d’incantations, des rituels venus du fond des âges, des images en technicolor avec des éclaboussures rouge écarlate et des tons verdâtres dégueulasses. Un puissant sentiment d’exaltation se dégage, exactement comme chez Electric Wizard. Si je devais associer une drogue à cette musique, ça serait l’alcool plus que la weed. C’est limite de la musique de club de foot, des hymnes de pubs, avec des refrains hyper simples que pourraient reprendre les poivrots les soirs de match. Il y a vraiment un truc qui donne envie de se foutre torse nu et de hurler devant un feu de joie. C’est bien joué.

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Bon c’est pas la copie conforme d’Electric Wizard quand même. Le style n’est pas aussi minimalise. Je trouve que les musiciens jouent de leur instrument avec plus d’assurance. C’est plus carré, plus net. Enchainements d’accords un peu plus audacieux. Et ce chant de sorcière s’intègre très bien à l’ensemble. Bref c’est du bon travail et c’est efficace.

Le problème avec ce genre de musique c’est qu’elle ne prend sa véritable ampleur que dans certaines circonstances bien précises. D’abord en concert, c’est vrai, mais aussi en voiture, de préférence en pick up mais toute sorte de véhicule motorisé à quatre roues peut faire l’affaire. Pas forcément une Smart, trop petit. Mais une Twingo, ça passe, au moins pour celui qui est au volant, et qui peut s’imaginer qu’il est aux commandes d’un bon gros truck General Motors. En dehors du concert et de la bagnole, où écouter Windhand? Chez soi? Moi chez moi j’ai une orchidée posée sur la cheminée et des murs peints en jaune. Vous croyez vraiment que c’est un endroit pour écouter Windhand? Je ne pense pas, enfin j’ai pas le choix, mais c’est pas idéal. Et au bureau, c’est pas mieux. Non clairement le pick up est de très loin le cadre idéal mais malheureusement c’est pas à la mode chez nous et les arbres de nos forêts ne sont pas assez gros. C’est le même problème avec ces films 3d qu’il faut voir dans une salle Imax sauf qu’il y en a genre zéro à Bordeaux.

Bref tout ça pour dire que si vous connaissez quelqu’un qui a un pick up profitez en pour vous faire une petite compile et partez vous ballader sur les routes de montagne. Je pourrais la faire aussi la compile. Oui bonne idée. Une mixtape de bûcheron. Avec Sleep, Electric Wizard, Acid King… Que des classiques. Ca viendra bientôt.

Alors ouai, le problème aussi avec ce disque de Windhand, c’est qu’en 5 minutes on a déjà tout entendu ou presque. Il y a bien un morceau acoustique au milieu et des changements de tempo (toujours en plus lent, évidemment), mais punaise, j’ai juste l’impression d’écouter encore et encore le même morceau. Oui je suis langue de pute. Ca devrait beaucoup mieux passer avec de l’alcool. C’est pas du tout un encouragement à boire, je dis juste que si par hasard vous posiez ce disque sur la platine un soir où vous avez invité des amis chez vous et que vous avez bu un peu trop de Ricard, ça devrait bien se passer. Pensez-y.

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Oh le morceau de fin dure 30 minutes? Youpi. Il s’appelle Boleskine, comme le carnet, mais avec un B. Il y a une guitare folk, un bruit de vent que l’on imagine glacial et qui s’infiltre dans une cabane en bois mal isolée. Il y a des crépitements, on s’imagine assis sur une chaise à bascule avec un plaid sur les genoux… Voilà une intro toute mimi, et puis ça recommence à jouer brutal, énorme riff, batterie ultra lente, une deuxième guitare qui joue deux notes par dessus, un break et bam le méga couplet épique, un chant noyé et tourné vers le ciel comme un rayon de lumière qui pointe vers une trouée dans les nuages.

C’est tellement évident que c’est de la musique religieuse, il faudrait jouer ça dans une cathédrale. Le concert, le pick up, la cathédrale. Tiercé gagnant. Des musiciens en aube dans une grande église décorée avec de gros bouquets de fleurs blanches. Qui est-ce qu’ils appellent, en jouant cette musique, je sais pas. Cet album s’appelle SOMA. C’était une sorte de substance divine préparée et bue par les brahmanes dans l’Inde antique, qui était censée provoquer l’extase et la communion avec les dieux. On a pensé pendant longtemps qu’il s’agissait d’une préparation à base d’amanite tue mouches (amanita muscaria) mais il semble que ce ne soit pas ça. Bref. Encore un groupe de musique sacrée. Qu’ils aient des convictions ou pas, peu importe. C’est la musique qui est sacrée, pas les musiciens.

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Le dernier morceau dure 30 minutes. C’est assez long et surtout je me demande comment ils ont casé ça sur un disque vinyle. Soit il est coupé en deux soit il est juste raccourci soit il n’y est pas soit c’est pas sorti en vinyle. Faudra que je me renseigne. En tout cas ouai. 30 minutes. C’est vers la 20e minute que les gens vont commencer à râler, si vous passez ce morceau au mariage de votre cousin. A la moitié il y a une cassure, à nouveau quelques notes de guitare folk, et ça repart, le même riff joué en boucle, ad nauseam, jusqu’au fade out tellement lent qu’au départ on est pas vraiment sur que le volume diminue. Il ne reste plus que le vent glacial du début, le vent qui traverse cette petite cabane en bois qu’on voit sur la pochette, au milieu d’une clairière. Une petite cabane qu’on imagine très confortable, avec un tapis, une cheminée, un petit lit, un tabouret, et c’est tout. Dans la nature, avec les ours, avec les lapins, avec les loups, et des milliards d’étoiles dans le ciel. Ce disque est vraiment pas mal. C’est tout à plus.