The Stranger – Watching Dead Empires In Decay

Hey hey hey. Bonne année. Je sais pas si vous avez remarqué mais j’ai rien posté depuis 50 ans. C’est la vie. Il y a tellement de trucs à faire, la fête par exemple, des gâteaux, s’entrainer à Street Fighter 2 Turbo, aller à l’hôpital, manger des trucs. Bref. Pas le temps de faire un super top 50 de l’année 2013. En même temps c’est pas très intéressant. Par contre un de ces jours je ferai un petit truc spécial pour marquer les deux ans du blog. C’était le 3 janvier il me semble. Oui rappelez vous. Ma chronique débilos de Pop Tatari des Boredoms. A l’époque je postais au moins un billet par jour, ça a duré presque deux mois. Enfin bref. Aujourd’hui on va parler du nouvel album de Leyland Kirby. C’est un mec que j’aime bien, un peu punk, un peu frisé, il habite à Cracovie et en tant qu’artiste, il a une vision. Il a sorti des morceaux sous le nom Notorious P.I.G., d’autres fois c’était Billy Ray Cyrix, mais plus le plus souvent il se fait appeler V/Vm ou The Caretaker. C’est son 3e album sous le pseudo The Stranger. Un très bon disque, sorti chez Modern Love. Mais tout ça vous le savez déjà. 

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Voilà un disque qui donne envie de fuir dès les premières secondes tellement c’est oppressant. Le mec nous balance une grosse nappe de bruit visqueux comme du slime dans les égoûts de new york et rajoute par dessus des instruments démoniaques métaliques agressifs et plein de réverbération style couloir de prison ou bouche d’aération surprise. Premier morceau, deux minutes trente d’inconfort mais en même temps ça va je flippe pas trop, vous aussi ça devrait bien se passer.

Le morceau suivant est légèrement plus aéré, moins opaque en tout cas. C’est gazeux, industriel, et agrémenté d’une sorte de rythme primitif constitué de tintements, certains brillants, d’autres plus mats, certains très brefs, d’autres plus étirés. Mélange de modernité et de primitivisme, exactement comme dans un bidon ville d’une grande capitale, en Amérique du Sud, en Afrique, en Chine, peu importe. On est là en périphérie du monde civilisé en compagnie de tous les laissés pour compte qui n’ont pas eu d’iphone pour noël et à la place un bon gros rat dans leur assiette pour le réveillon – repas de fête ! Pas les mêmes standards question beauté mais bon, on s’y fait.

Le morceau suivant va encore un peu plus loin dans le registre tribal percussif. Il y a toujours énormément de réverbération, comme si tout ça venait d’un monde sous terrain, les niveaux inférieurs réservés aux mutants, dans les ruines de l’ancien monde. Il y a un tout petit peu de Cut Hands dans cette démarche, mais avec un arrière plan. Je crois que le moment est venu de balancer le mot que tout le monde attend : dystopie. Ok c’est fait. Est-ce qu’il s’agit de vrais instruments ou de samples? Je sais pas vous, mais moi j’aime bien savoir comment est faite la musique que j’entends. C’est toujours très frustrant de ne pas savoir. Au moins quand tu vas voir une symphonie de mahler, tu vois l’orchestre jouer, pas d’arnaque. Bref. A méditer les loulous.

Le morceau suivant ne bouleverse pas l’esthétique générale, ambiance industrielle de cave abandonnée, rituels primitifs pratiqués à l’aide d’un matériel moderne mais délabré. De la rouille, des champignons, de la boue, des pustules. Zéro pour cent bonne humeur. C’est pas triste non plus, ni vraiment inquiétant. On est au delà des émotions humaines, et c’est certes un peu dérangeant parce que ça laisse deviner des forces qui nous dépassent, mais c’est fascinant également, parce que c’est une petite fenêtre ouverte sur l’infini.

Ambiance plus martiale ensuite, des tambours de guerre qui résonnent, et contre pied brutal avec une sorte de nappe de synthé en train de se dissoudre dans l’acide. Ce sont des accords qui parlent à tes tripes et à ton cerveau reptilien. Oui pour la première fois on baisse la tête et on découvre les gens derrière les tambours et ça craint mais ils sont beaux tout en étant laids et surtout c’est rassurant de les savoir là. Ce cinquième morceau est une petite oasis d’humanité au milieu du disque. Complètement inattendue. Les effets en sont démultipliés. Ce disque est à écouter d’une traite c’est clair. Ok, un peu comme tous les disques. Chapeau l’artiste. Je fonds je fonds.

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Wow une TR 808 sur le morceau suivant. Mais plein d’autres choses aussi. Le sound design est intéressant il y a encore un tapis de bruit bizaroïde avec un effet style lofi, et par dessus des sons hyper simples de synthés des années 80. C’est une très bonne idée et quand on prend ce morceau dans la continuité du disque cela suggère que nos pauvres polysix, juno et compagnie ne sont pas beaucoup plus élaborés que les instruments de nos ancêtres. Ce qui n’est pas totalement stupide comme idée. Dans 2000 ans, si il y a encore des hommes sur terre, que pensera-t-on de ces bons vieux synthétiseurs analogiques, gros tas de composants électroniques de base qui tombent en panne, se désaccordent, perdent leurs potards, jaunissent, prennent la poussière… Que pensera-t-on de ces gros débiles des années 2010 qui se remettent à jouer sur des engins d’il y a 30 ou 40 ans et font exploser les côtes argus ? Est-ce qu’on les comprendra? Y a-t-il ne serait-ce qu’une personne capable d’expliquer cette mode aujourd’hui ?

Mystère mystère. En tout cas le morceau suivant passe à autre chose : les beats de hip hop de mpc2000 des années 90. Toujours noyés dans un océan de réverbération industrielle plutôt chantante. Et des sortes de pièces de bois qui s’entrechoquent. Un enfant qui joue avec des kapla. C’est agréable. La structure de ce morceau est étrange. Il y a un break par moment, je comprends pas trop la logique. Le truc qui bourdonne derrière me fait penser à une chasse de WC qui se remplit. Ou une cymbale qui vibre sans s’arrêter.

Wow c’est vraiment la guerre ensuite. Et c’est beau. Rupture de l’écorce terrestre, grosse basses, encore ces petits morceaux de bois, des crépitements, il se passe un milliard de trucs. La mélodie jouée par cette grosse basse est difficile à comprendre, c’est pas très musical, mais c’est ok. On dirait qu’il se produit un éboulement dans la caverne. Ou qu’un extraterrestre de retour après une mission sur terre essaie de chanter une chanson de Burial avec ses 45 cordes vocales et percussions sur sa carapace. Mouai. C’est pas tout à fait ça.

Bon voila. Il y a des trucs qui tombent dans le morceau suivant. Mais cette fois c’est juste de la pluie, ou une cascade dans la grotte. Des centaines de ploc ploc ploc qui résonnent à chaque seconde. Par dessus, on entend une boite à musique jouée au ralenti, et un synthé qui bourdonne. Drôle de mélange. Difficile de se situer dans tout ce bordel. Ce qui est sûr, c’est que jamais dans l’histoire de la Terre une telle combinaison de sons ne s’est produite de manière naturelle. C’est chouette. C’est le cerveau de l’homme. Il fait des trucs qui n’existent pas, et ça lui plait. Franchement, si il y a bien une chose dont on peut être fier, c’est ça : notre faculté à produire et à apprécier des choses abstraites, à les faire sortir de nous, à les fixer pour l’éternité, comme des petites usines à n’importe quoi qui viendraient rajouter du bordel au monde. C’est pas génial? Moi je trouve ça génial.

Bon voilà c’est tout à plus.