Damian Valles – Exposure

Yo. Il y a un label français qui s’appelle VoxxoV, basé à Marseille, tout nouveau tout chaud enfin pas tout à fait mais presque. Déjà deux compilations et trois albums à leur actif, à mi chemin entre de l’électroacoustique tout ce qu’il y a de plus sérieuse, et des bidouillages marrants à la squarepusher et cie. En janvier, ils ont donc sorti ce disque de Damian Valles, un canadien multi-instrumentiste qui n’en est pas à son premier coup d’essai. Cet album est d’ailleurs décrit par le label comme la suite directe de Badlands, sorti l’année dernière. 

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Démarrage en douceur, simple synthé qui ronronne dans les graves, harmoniques saturées, puis apparition de petits bruits… C’est sombre, glitchy… En plus des synthés il y a un tas de sons d’ambiance. C’est froid, métallique, industriel. On a du mal à identifier ces field recordings, ça pourrait être la cuisine d’un restaurant scolaire, avec les piaillements de la cour de récré en fond. Ça pourrait être une petite usine, je sais pas. Le calme revient, juste ce drone puissant et mouvant, comme ces énormes vaisseaux spatiaux du film rencontres du troisième type. C’est saturé à la marge, un tout petit peu, c’est dérangeant. Oh, un des sons de tout à l’heure revient, c’est bête de revenir en arrière. Le drone rétrécit, jusqu’à ne plus être qu’une simple sinusoïde. On est alors au milieu d’une vallée désolée, sèche, rocheuse, la réverbération froide soulignant l’absence de vie. Ce morceau s’appelait Lost Equilibrium.

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Morceau suivant… Même formule, des sons enregistrés, triturés, bitcrushés, filtrés, et des drones vrombissant de vaisseaux-mères extraterrestres. Oui c’est objectivement plutôt sombre, inhumain, blah… mais c’est dur de rentrer dedans, parce que d’une part le son n’est pas très agréable. Certaines fréquences sont encombrées, d’autres sont absentes. Pas super équilibré. D’autre part, la narration, puisqu’il semble y en avoir une, est un peu bancale. Il y a sans arrêt des nouveaux trucs, mais ça s’enchaine de manière un peu forcée, tirée par les cheveux, et puis tout n’est pas brillant. Par exemple, ces sons de percussions comme des cloches que l’on entend à un moment, c’est trop basique, évident, pas assez travaillé. On imagine le mec dans sa cuisine, il a sorti tous ses saladiers et ses carafes en plastique et il les fait sonner avec ses couverts à salade en bois.

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Le morceau suivant s’appelle Vacuum. Encore des cloches, qui pourraient tout à fait être d’autres saladiers pitchés. Mais peut-être pas. Du vent, un gong, un souffle électrique de synthé qui tournoie. Ce souffle est intéressant, il commence hyper étouffé dans les graves et puis remonte par vagues jusqu’aux aigus crénelés. J’aurais aimé qu’il aille plus bas dans les graves, qu’il investisse plus sérieusement le spectre sonore. C’est pas une obligation mais là ça me manque. Ce morceau est beaucoup plus aérien, les choses semblent flotter, lentement, au ralenti. C’est le vide oui, le vide de l’espace, et donc l’apesanteur. Je suis bien plus convaincu par ce morceau que par les deux premiers. C’est un morceau beaucoup moins sombre, beaucoup moins “train fantôme”. C’est pas la joie, mais c’est pas non plus le grand guignol. La volonté de faire un truc qui fait peur n’est pas aussi flagrante. Moi la musique qui tente de faire peur, ça m’endort. C’est bon pour les rôlistes, c’est tout. Bref. Bien joué M. Valles, vous avez réussi à capter mon intérêt. J’aimerais savoir ce que vous aviez en tête en composant ce morceau. Moi j’imagine l’espace, des nuages de particules en suspension dans le vide, une étoile qui projette des tentacules de plasma…

Morceau suivant, on dirait un moteur de camion filtré, que les graves, mais des graves pas si graves, des graves pénibles, qui ondulent à basse fréquence, des harmoniques qui vont et qui viennent. Quelque part dans le cycle, on se retrouve avec une sinusoïde presque pure et fatigante. Je crois que chaque fréquence a un effet différent sur le corps et l’esprit. Quelque part à la frontière entre les graves et les bas médiums, il y a une zone de non confort qui est un peu trop mise en avant sur ce disque. Bref. La basse commence à former une sorte de rythme, le cycle se fait plus percussif. Le tableau s’enrichit progressivement de sons réels ou synthétiques, plus ou moins spatialisés, de textures et de couleurs différentes. C’est une sorte de collage de science fiction, on se croirait dans un couloir inter-dimentionel, on flotte d’un monde à l’autre, le réel se dissout, mais il subsiste des grumeaux de réalité qui viennent tournoyer autour de nous (le titre du morceau est “apparitions”). Et puis le voyage touche à sa fin… Ou en tout cas cette partie du voyage.

Il reste deux morceaux. Le suivant s’appelle Weathered 2. La répartition des sons sur le spectre est beaucoup plus satisfaisante. Il y a ce tapis moelleux dans les graves, et un tas de trucs divers et variés au dessus. On distingue des cordes de guitare qui frottent. Le reste, c’est un peu plus dur, mais bon. En tout cas, tout ça est coupé en petits morceaux et mélangé comme une julienne acoustique. Ce morceau est vraiment différent des autres. On distingue plus clairement les instruments, je reconnais également une ou plusieurs cymbales de batterie. Ce sont deux morceaux qui évoluent en parallèle en fait, puisque ce tapis de graves évolue également. C’est chouette, mais je n’arrive pas à comprendre la relation entre les deux, il doit y avoir un lien entre les deux histoires. J’aime bien être stimulé comme ça quand j’écoute de la musique. M. Valles a tout bon ici, dommage que le reste de l’album ne soit pas de cette teneur. Bon c’est pas génial non plus. On n’est pas vraiment surpris, les techniques employées ici sont connues. Mais je sais très bien me contenter d’un truc bien fait à défaut d’être révolutionnaire.

Dernier morceau. Dans un nuage de saturation, ça tape sur des bambous, ça fait voler les sons dans tous les sens… On retrouve le côté industriel et inquiétant du début du disque, mais c’est pas mal. C’est pas trop le bordel, ce qui nous laisse la possibilité d’isoler un élément, de suivre son évolution, de l’écouter dialoguer avec les autres parties, et avec le tout. On est dans une salle des machines un peu encrassée. Il y a le ronron du moteur, et les grains de sable qui viennent se prendre dedans. Mais ça avance quand même, à aucun moment la machine ne semble s’arrêter. Machine surpuissante. Il s’agit certainement du vaisseau mère extraterrestre du début. Bref. Il ne reste que deux minutes et je suis quand même content que ça se termine. C’était très inégal. Des passages très chouettes, d’autres un peu pénibles, surtout au début. Les techniques employées ne sont pas hyper originales. C’est monotone, finalement. Un disque inégal, quoi. C’est tout bisous.