B/B/S – Palace (Miasmah, 2016)

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Le père noel arrive en territoire hostile. C’est un peu désertique, et sombre, il y a plein de lignes verticales, yeux froncés, beaucoup de lumière noire, des petits rimshots de Andrea Belfi, c’est suspendu, personne ne bouge, le temps s’est arrêté. Le ronron est très agréable, il endort un peu mais c’est bien, ça détend. Il détend un peu mais c’est bien, ça endort. Hypnose par le rythme, boum, tchik tchik – tchik tchik. + guitare dans un gros bidon rouillé. WET. Ça change tellement lentement qu’on s’en rend à peine compte. C’est relaxant. Un peu sur la défensive, mais à la cool. T’es assis dehors à côté de la porte d’entrée, t’attends le chat qui vient piquer tes croquettes toutes les nuits. Tu sniffes un peu d’herbe à chat pour passer le temps, coucher de soleil, poussière abondante.

Je vous préviens quand même, le disque fait une heure vingt.

Le morceau suivant. Commence par des bruits aigus, stridents, désagréables, un peu. C’est leur droit le plus strict. Ça tournoie lentement et OH j’entends encore le père noël. Plus exactement, j’entends les rennes du père noël. J’entends aussi une cymbale, une grosse caisse, des toms. C’est très feutré, subitement ; au loin on peut entendre une sorte d’éboulement dans une caverne. Les sons stridents se sont adouci, les cordes sont pincées, les mailloches sont de sortie. Ces harmoniques ondoyantes me rappellent vaguement la musique indienne. Les sitars résonnent comme ça. Il y a un accord dissonant un peu dramatique. C’est sérieux. C’est de la musique sérieuse quand même. Et légèrement dramatique. Parfait pour des scènes un peu tendues mais pas trop, au cinéma.

Ah le suivant c’est les premières secondes de Whiplash. Allez vas y frappe le plus vite ton charley à fond la caisse méga bpm. Pendant ce temps la grosse caisse prend son temps, de gros coups bien massifs. Ce Belfi il a toujours un gros son de batterie que j’aime bien. Gros et bien agréable. Sinon dans le groupe il y a Aidan Baker, plus connu pour son projet Nadja, c’est en tout cas comme ça que je l’avais connu, dans les pages d’un magazine nommé Versus. Bref. Toujours cette impression de suspension, et de tension feutrée. On peut dire que ces gens avaient une idée derrière la tête. Je pense que ça doit être super d’écouter ça en faisant la vaisselle ou le ménage ou des cartons de déménagement, mais posé dans le canapé comme ça, avec le chat qui fait son intéressant à côté, je sais pas. Remarquez que ça ne m’empêche pas d’écrire. Globalement je suis surtout intéressé par le jeu de batterie, mais il est si dépouillé que je finis par me lasser. C’est classe mais presque chiant.

Ensuite c’est de la musique de flics en filature, la nuit, ils surveillent un hangar, dedans il y a des terroristes, ils fabriquent une arme chimique qui transforme les gens en Teletubbies. Je vois des étoiles, un gyrophare, une moustache, une chouette. La musique a l’air de dire : putain la vie c’est l’enfer, et ce boulot c’est dur mais ça craint quand même un peu moins que le reste. T’es pas totalement confortable, mais t’es quand même content d’être là. Parce que la nuit c’est chouette.

Et puis le morceau suivant qui n’est que la suite du précédent avec guitare folle et batterie parkinsonienne. Il y a tout un tas de guitares en fait, certaines bourdonnent en boucle, d’autres chantent comme de petites grenouilles dépressives, d’autres sont plutôt du type baleine, et pendant ce temps toujours la batterie qui tape n’importe comment, sans respect pour aucune pulsation ni logique enfin si, mais une logique ad hoc et c’est tout. Ça marche par tableau. Le tableau qui passe en ce moment est infernal c’est que des roulements de toms avec de grands coups de caisse claire qui claquent + crash + kick en avant = Jérôme Bosch. C’est sûrement la partie centrale du morceau parce que ça dure un moment. Donc si l’enfer est au milieu, qu’est-ce qui se trouve à sa droite ? Hein. Moi je dis : le Paradis est à gauche, l’Enfer est au milieu. Et la Terre est à droite. Qu’en pensez vous. Changement de tableau. Maintenant c’est ride motorisée, souffle désertique, retour à l’ambiance western pour les chats. Ces coups de cymbale ultra rapides à gauche à droite en méga stéréo me donnent une impression de vent comme si j’étais au bord de la mer. Il y a aussi ce synthé, on dirait la corne de brume d’un gros bateau. Ce passage ressemble à Saint Malo. Un film policier mystique et néanmoins un peu dépressif qui se déroule dans la zone portuaire de saint malo.

Ensuite : de la batterie avec un delay, des ciseaux et du scotch. Tout ça pour jouer avec le temps : les événements ne surviennent pas au moment attendu. Pour l’instant c’est du Belfi solo j’ai l’impression. Ok. Il joue de la batterie : il est assis sur son tabouret, il a ses baguettes dans les mains ou je sais pas quoi, il tape, ça fait du bruit, voilà. Merci.

On est déjà à la septième piste et il y a encore presque une demi heure de musique wow ! Ce qui me suggère que peut-être, ce disque n’est peut-être pas fait pour être écouté attentivement tout du long, affalé sur son canapé. Ou alors, avec des champis. Le temps n’existe plus quand on mange des champignons. Alors là, on a de la musique d’église, enfin leur version de la musique d’église. C’est donc une église un peu vide, un peu sombre, avec quand même des gens chelous dedans, un qui n’a pas de visage par exemple, ou une femme qui donne le sein à ses deux enfants qui ont l’air d’être bien trop grand pour têter leur mère. Bref. Cette musique porte un costard, elle te respecte, et pourtant elle te laisse imaginer des choses affreuses et ça, c’est cool.

La suite : cette fois c’est toujours feutré et tendu, mais on s’approche un peu de la résolution : le rythme est plus assuré, les choses bougent plus vite, ça commence à frétiller un peu. Ou, pour en venir à mon idée de scénario, dans ce hangar à St Malo, les flics commencent à baliser un peu parce que des mecs s’engueulent devant la porte, ils sentent qu’il se passe quelque chose mais quoi ? ils entendent du bruit, le coeur accélère, maxi concentration… Ça pourrait aussi être la musique de chargement d’un jeu vidéo qui tient sur plusieurs cd.

Petite remarque : cette grosse caisse me fait penser à la lune, quand elle est pleine. Elle est grosse, et ronde.

Le morceau se termine sans que la tension n’ait été relâchée et c’est quand même assez frustrant. J’aurais aimé du blast beat des hurlements et des oiseaux décapités.

Le prochain morceau introduit des sinusoïdes synthétiques à la limite des ultrasons qui copulent joyeusement. C’est ce qui attire mon attention mais autour il y a un peu de tout, même un prout. Par exemple on entend une grosse caisse plongée dans une grosse caverne. Ah encore un prout. On est probablement dans la caverne qui se situe précisément sous le hangar des terroristes. Pour l’instant c’est le morceau que je préfère. C’est de loin le plus étrange, dommage qu’il soit relativement court.

Et puis donc, voilà le final. C’est encore la BO de whiplash bordel. Juste des roulements à la concon. + une sorte de scie circulaire mais pas trop violente, cachée derrière un rideau bien épais. Le spectre s’ouvre dans les aigus petit à petit, assez lentement, le jeu de batterie est de plus en plus épuré, malgré quelques coups de folie. Surtout, il y a des voix. Mais on ne les entend pas assez. L’ambiance est poisseuse, La grosse caisse prend énormément de place, mais bon, si ils ont sorti le disque c’est qu’ils devaient tous être ok sur ce point. En tout cas on revient au point de départ : désert, fantômes, ambiance feutrée. Et aussi : professionnalisme. Ça sonne bien, c’est bien fait, c’est la classe. C’est Barak Obama classe. La question c’est : qu’est-ce que t’attend d’un disque, qu’il soit classe, ou autre chose. Je ne sais pas trop quoi répondre. Il me manque un truc. C’est frustrant. Ça donne envie d’enchainer sur Capitalist Casualties en fait. Ou Phantomsmasher.