Fire Toolz – Drip Mental (Hausu Mountain Records)

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Intro : des boules de Noël cassées, une petite mélodie joyeuse/neutre, un beat bien lourd, un mec qui crie, ambiance indus Windows 95, cassette VHS un peu fatiguée, vidéo de relaxation, petits oiseaux, mec en costard trop grand qui joue du saxo, bruits de messagerie instantanée, charleys synthétiques, des hurlements, un petit coup de time stretch à la Matrix… et c’est fini.

C’est incroyable ce truc. Maintenant c’est le deuxième morceau, on est dans un club pour jeunes américains en vacances et il y a cette fille sur scène avec du corpse paint qui hurle sa haine à la face de l’auditoire majoritairement torse nu, en train de danser comme des maboules, l’estomac encore plein de drogue à infusion lente, tête qui tourne, euphorie générale mais terribles problèmes de concentration. PAS LE TEMPS DE PENSER c’est un torrent d’idées et d’impressions qui se déverse, l’intégralité du spectre des émotions, lumière BLANCHE.

Drip Mental by Fire-Toolz

Troisième morceau, ambiance chill out, assis dans un transat à côté de la piste de danse, la musique c’est Death Grips vs Burzum, mais pas que, c’est aussi Aphex Twin, et Oneohtrix Point Never, autant dire que le flux d’informations est bien costaud, on ne sait plus sur quoi se focaliser.

Le fil conducteur, c’est cette voix de cadavre hurlant, c’est le coeur du truc, c’est ce qui te rappelle que non, cette musique est pas tout à fait neutre, elle penche plutôt du côté de la souffrance, malgré le côté fun des bidouillages vst/analogiques en tous genres. Je pense que toutes les techniques de production du son ont été utilisées sur ce disque, oui il contient absolument tout, et tout le temps, des milliards de pistes superposées sauf que c’est loin d’être le chaos. C’est très écoutable, ça me rappelle ce que je ressentais quand je me la collais en cachette chez mes parents, devant le 70S SHOW, pendant les grandes vacances. Toute cette énergie, ce potentiel libéré un peu trop rapidement…

Le cinquième morceau s’appelle The Graying of the Crocs [CODENAME_PASSBOOK]

Il est cool il commence comme de la grosse techno un peu sophistiquée, avant que ne rentre une belle nappe soyeuse, des cris, une pluie de petites notes cristallines, et ça vire tube gay arc en ciel musclé décomposé. Je le répète, cette musique est incroyablement dense et riche, rien ne sert de tout décortiquer, tout au plus on peut balancer des impressions telles quelles. Voire même que des mots : fête, massacre, Mylène Farmer, manga, fluo, joie triste, complexité, alcool, drogue drogue drogue, AMERICA….

C’est de la musique post Lopatin. C’est tout. La musique du présent ; synthétique mais avec une âme qui souffre de problèmes d’attention. Désolé faut suivre. Elle est surgonflée, pas vraiment intello, quoique. Pas du tout prise de tête en tout cas, même les trucs les plus tordus sont arrangés de telle sorte qu’ils sont agréables à écouter.

Je peux proposer quelques suggestions de contextes appropriés :

  • Sport
  • Sexe mais uniquement avec un partenaire aux cheveux tye & dye vert fluo ou qui a un piercing à un endroit inhabituel. 
  • Avant de sortir en club à condition que ta tante ne puisse envisager de s’y rendre aussi
  • Dans la voiture, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. 
  • Dans une salle de jeux remplie de mecs et de filles en short qui jouent à DDR et à street fighter V

Il y a un morceau intéressant avec un chat dans un couloir, de la musique de parking, des bruits de modem 56K, un type qui pianotte sur un clavier, probablement qu’on est dans une sorte de labo souterrain à la Half Life. On entend l’orage aussi, et un feu de cheminée.
Ça enchaine avec du gros bruit harshouille dégueu pendant 5 secondes puis de la musique de jeu d’arcade japonais contemporain sur le thème du black metal. Attila a-t-il déjà joué à Street Fighter ? Et Kevin Shields ? Qui sait. J’aimerais trop me mettre sur la gueule avec eux. Surtout avec Kevin Shields, on fumerait de la super bonne weed, mais j’en fumerais quand même moins que lui, donc je le battrais à tous les coups.

Ensuite il y a un kick militaire et hop c’est juste le gros méga tube de l’album, avec pour une fois cette fille qui chante pas comme varg vikkernes, mais ça ne dure pas puisque le cadavre hurlant revient accompagné de son gros chien mais la musique est tellement belle et pleine de rage de vivre c’est fou. Je suis jaloux de toute cette énergie, je sais qu’elle est là en moi aussi sauf que j’arrive pas à la mobiliser comme il faut je suis trop dispersé à part quand je me mets à écrire sur mon ordinateur et encore, vous voyez le résultat. Ah oui sinon quand je suis à mon travail et que je fais des gâteaux ça va à peu près. Oui je suis pâtissier, pour ceux qui ne le sauraient pas. Mais qui lit mon blog de toute façon à part mes 3 potes et ce gars là qui aime bien la musique. Yo. Bref le disque n’est pas terminé. Il y a un petit épisode romantico-80 avec du sexy sax, un piano électrique bien moelleux et cette personne qui fait que hurler encore.

La musique c’est Angel Marcloid. Je l’aime bien, même si pour tout vous dire, j’ai quelques doutes parfois à propos de son look, mais après tout elle fait ce qu’elle veut, si elle se sent bien comme ça c’est cool. Disons que c’est un look non conventionnel, qui exige pas mal de confiance en soi pour être arboré en société. Elle a fait toutes sortes de musiques, du hardcore emo à la new age, j’ai quelques cassettes d’ambiant d’elle, aussi des bidouillages plutôt noise très bien faits, d’ailleurs elle a son label, Rainbow Bridge, c’est toujours d’excellente facture même dans les cas où c’est plus convenu. Là avec Fire Toolz c’est le summum de la grande tambouille stylistique, du gros n’importe quoi, la caverne d’Ali Baba de l’électronique underground, il y a tout, c’est complètement anarchique mais ordonné quand même, sauf que c’est un ordre basé sur l’expérience directe et non pas sur des catégories préconçues, je veux dire par là que les assemblages de sons ne reposent pas sur la nécessité de ressembler à un style déjà existant mais juste sur le fait que ça sonne bien. C’est ça la bonne musique, c’est la musique pragmatique et sans préjugés. Quand on se vide la tête et qu’on se contente d’écouter et d’agir en conséquence, on fait forcément de la bonne musique. Quand on a une idée en tête qu’on essaie désespérément de reproduire, à moins d’être un génie ou d’utiliser ce truc totalement désuet qu’on appelle une partition, ça ne marche pas. Ici on sent les bonnes grosses jams du stoner qui veut juste s’amuser et trouver des séquences marrantes. Bien joué meuf. Bien joué le final avec du sax, aussi, on dirait une musique de générique, j’imagine le texte défiler dans ma tête, de bas en haut bien évidemment.