Yoshimi – Atavism (Dream Catalogue, 2017)

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Le téléphone sonne. Allô oui c’est Yoshimi. J’ai fait un disque écoute, il y a plein de bruits marrants.

En effet il y a des bruits claquants marrants, comme dans une caverne, une caverne avec un secrétariat. Sur le bureau, un téléphone et une sorte de vibraphone. Plus loin, un gros tambour ; dans l’ombre, une trompette infernale, mais plutôt discrète. Un gamelan timide. C’est tout. C’est pas grand chose hein ? Beaucoup de vide comblé par la réverbération. Le vide, c’est bien.

Ensuite, une nappe de synthé triturée. Elle est là, elle n’est plus là, elle est là, etc. Une sirène digitale chante pour les marins des cavernes. Une grosse porte se ferme, s’ouvre, se ferme ; on est dans un monde mécanique, obscur, humide, désertique, un réseau de tunnels éclairés par intermittence, on y circule à pied, ou en barque, difficilement, surtout qu’il n’y a pas de panneaux, il est facile de s’y perdre.

De grandes cavernes, sur le chemin : elles ne sont pas beaucoup mieux éclairées que les tunnels qui les relient. L’atmosphère est brumeuse. Derrière le voile, des loupiotes s’allument, s’éteignent. On comprend pas très bien, c’est une sorte de langage : on essaie de nous dire quelque chose. J’aurais juste envie de trouver une ouverture, histoire d’aérer un bon coup, qu’on y voie plus clair. Parce que c’est vraiment la purée de pois. Le but du jeu n’est pas de rester planté là, il faut avancer, trouver la sortie.

La sortie arrive toute seule. Silence deux secondes et c’est reparti. Cette fois on entre dans un espace encore plus grand, le son rebondit encore au loin, mais l’écho est plus discret. Au centre, des statues gigantesques, mobiles, et lumineuses. Elles dansent lentement, s’éclairant en rythme, et chantent. Elles protègent quelque chose, mais quoi ? Une grosse source lumineuse, qui fait briller les yeux et réveille toutes les passions. Le mystère est là : j’aime le mystère, le mystère me stimule, je veux pas tout savoir.  Bref.

Là c’est la merde : ça devient hostile. Saturation, grosses perçus, synthés musclés, pourquoi ? Ça m’allait bien, le mystère, les voix synthétiques, les draps, les fils, les lumières chaudes… Maintenant c’est tout le contraire : c’est des couteaux, de l’acier qui se cogne, du groove de mutant casqué. On est sûrement allés trop loin et voilà comment on se fait rembarrer : à coup de boites à rythmes, de gros break, de juno reactor : non merci j’était mieux avant.

Heureusement, ça ne dure pas trop longtemps : on arrive au cimetière et justement, une cérémonie est en cours. On enterre un jeune mutant, sa famille et ses amis sont là, ils portent tous des sortes de capuchon en velours noir côtelé. Personne ne pleure : c’est pas l’objectif. C’est normal de mourir, on est juste là pour marquer le coup. On chante, mais c’est pas triste, c’est pas gai non plus, c’est juste du chant.

Une silhouette se dégage pour faire une sorte de solo, elle a une voix féminine, elle est accompagnée par une sorte d’orchestre de techno, des plaques en métal, des baguettes, des outils. Le kick est un peu trop aigu, et puis, ça groove pas trop, c’est du boum boum plat. Mais c’est pas grave.

Ensuite, c’est le soir : bon ok, aucune différence étant donné que depuis le début on est sous terre, avec un éclairage artificiel. Mais je vous le dis, on est le soir. Les insectes vivent leur vie, ils volent, clignotent, changent de couleur. Devant nous un gros serpent ondule avec majesté, pas très gros, mais assez long, et il semble indiquer la direction à suivre à tous les êtres “vivants” autour de lui. C’est le roi, le roi visqueux et rampant. Il n’inspire pas trop confiance, je préfèrerais être ailleurs, et si tu es encore là, à écouter ce disque, c’est que tu aimes un peu souffrir, sinon, tu aurais arrêté depuis longtemps. Mais tant mieux pour toi: il faut souffrir un peu, pour accéder à ce genre de beauté hostile. Il faut donner de sa personne.

On arrive dans une zone de pâturages. Oui, ce sont des mammifères herbivores que tu peux entendre là, ils sont noirs, parce que l’herbe est noire, mais elle est bonne : ils sont noirs, et beaux. Qui est leur berger ? Je ne sais point. On peut entendre du tam tam en tout cas : ça apaise les chèvres. C’est bien, si elles sont stressées elles vont faire du mauvais lait noir, et donc, du mauvais fromage noir.

Voici le dernier morceau. Il est un peu triste, un peu nostalgique. C’est une ballade de cristal. Il n’y a que ça, du cristal. Et un petit synthé pourri. Tout simple, une petite ritournelle de cristal bleu, violet, noir. Sombre. C’est fini, t’es mort, et puis c’est tout.