Gnod – Chapel Perilous (Rocket Recordings, 2018)

image

Oui il faut parler de GNOD. C’est une obligation morale. Si je parle pas de GNOD, je vois pas à quoi sert ce blog.

Pourtant, à première vue, c’est juste une resucée des Swans old school. Oui mais non.

Le premier morceau est basé sur cet accord genre triton satanique, dissonance max, batterie groovy, c’est du CAN mélangé à du SWANS, et il y a ce mec qui raconte des trucs, je comprends pas grand chose mais ça ressemble à un programme politique. C’est un groupe politique, oui, comme MC5. C’est CAN VS SWANS VS MC5. Les guitares ne caressent pas les oreilles dans le sens des cils c’est clair, elles ont l’air de chercher quelque chose d’autre, comme un sursaut, comme une manifestation de volonté, elles ont un programme qui pourrait peut être ce résumer à ces quelques lignes tirées de La Zone Du Dehors : 1) liberté inconditionnelle des forces de vie ; 2) volonté de créer ; 3) exaltation de la multiplicité des pensées, des perceptions et des sentiments donc du non-conforme, du hors-norme et du subversif qui en sont la condition ; 4) Vitalité.

Le chanteur hurle “there’s no space for me” c’est une des rares choses que j’arrive à comprendre au milieu de cette éruption volcanique. Pas d’espace, c’est malheureusement la condition de l’homme moderne aliéné, il n’a plus de place ni autour de lui ni dans sa tête. Ouvrir l’espace c’est un beau programme je trouve. Donc GNOD se propose de faire péter quelques barrières physiques et mentales à coups d’éruptions électriques. Un bon gros flux ultra haute température qui vise à dissoudre tout ce qui gène, bloque, encombre. Autrement dit, c’est de la musique bélier, on en a besoin de nos jours c’est vrai, à vrai dire on en a toujours eu besoin. Cette violence là est légitime, utile et conforme au Dharma. Elle ne fait de mal à personne, c’est du même ordre que se moucher, faire des pompes ou fendre du bois : haute concentration d’énergie et expulsion.

Bon ça c’était le premier morceau qui dure un quart d’heure.

Ensuite il y a Europa. Visiblement, le premier son est synthétique, c’est une basse sous marine qui se répète en écho. Petites percussions métalliques, une voix féminine qui sort d’un haut parleur, guitare spatiale laiteuse, bref c’est une toute autre ambiance, c’est plus trop les swans, c’est plutôt future sound of london, nurse with wound et les films ABYSS et BLADE RUNNER. Pourquoi, je ne sais pas. En tout cas, ça parle d’Europe. Nique les frontières, nique le brexit ?

Ah le troisième morceau débute avec des tintements de cloches en LOFI, un grésillement de plus en plus fort, percussions, c’est la Chine, c’est le Japon, c’est la Mongolie, c’est surtout la guerre, on est pas très contents là. On se prépare à la bataille, petits soldats disciplinés en rang d’oignons, qui battent du pied au son des tambours, qui ne forment qu’une seule entité, une communauté soudée et focalisée sur un objectif, pas forcément tuer des gens d’ailleurs. Heureusement qu’il y a ces bols tibétains en contrepoint, ça permet d’avoir un peu de recul, je suis l’observateur de la scène, perché sur une petite colline, j’observe les phalanges, les canons qui se déploient, cette belle chorégraphie militaire de GI Joe chinois, ces uniformes aux couleurs chatoyantes, ces casques en os, et puis et puis, aussi en négatif, cette musique suggère autre chose, un truc qu’on ne voit pas, ce qu’il y a en face, l’ennemi qui justifie une telle démonstration de force et de discipline. QUI EST CE. Un monstre ? Un monstre tout noir, énorme, protoplasmique comme chtulu, prêt à tout détruire à grande échelle. Attention c’est une image évidemment.

Chapel Perilous by Gnod

Morceau suivant : du vent. Des courants d’air et potentiellement des courants magnétiques dans l’espace. Des aurores boréales. Le son est toujours aussi dégueu mais c’est tant mieux, ça me dérange pas du tout. Le monsieur parle, il parle de lui, c’est de l’introspection spatiale. Lui et son corps. 2001 l’odyssée de l’espace. Les sons illustrent son propos. Ils ne sont que la traductions d’idées en ondes. Convertibilité des universaux : le petit bout de riff de guitare qui se répète, c’est quoi ? Ceci est une psychanalyse ambient indus. Bien joué.

Ouille le morceau suivant démarre par un larsen qui fait mal aux oreilles (à condition de jouer ce disque à un volume correct c’est à dire le plus fort possible). Et puis le groupe s’y met : c’est lourd, répétitif et planant comme du 5ive (le groupe cool que tout le monde a oublié). Cette musique est efficace mais archi déjà entendue et pourtant ça marche vous savez pourquoi ? Parce c’est joué avec conviction. Gnod c’est un groupe important parce qu’ils ne mentent pas, ils font pas semblant, ils se forcent pas, ils jouent une musique qui leur ressemble, et elle est chouette parce que eux sont chouettes. Intégrité, jusqu’au boutisme, amour du prochain, curiosité, vitalité, volcanisme, c’est des vrais punks, des punks qui jouent ce magma heavy électronique indus psychédélique à la fois politique et spirituel, et ils le jouent bien, c’est normal parce que c’est VRAI, ça vient de leurs tripes, je le sais parce que je les ai vus en concert, j’ai pu les observer, et j’ai compris ce qu’ils étaient. Ils sont comme sortis de la matrice, débarrassés de toute la bêtise, de l’ignorance, de l’hypocrisie, de la mollesse, qui touche leurs contemporains qu’ils soient musiciens ou non.

Il faut plus de groupes comme GNOD, en tant qu’ensemble et en tant qu’addition d’individualités.

Amen.