Chrystabell & David Lynch -Cellophane Memories (2024)

Des souvenirs, un paquet de souvenirs dans une boite, entourée de cellophane, un petit tuperware, t’as perdu le couvercle alors tu dois le fermer avec du film étirable, plus personne ne disant « cellophane »‘ en France de nos jours, il convient de traduire, ok.

Cela étant dit : c’est quoi ces souvenirs ? C’est les regrets, un peu, la vie qui passe, les occasions manquées, les amours ratées de peu, juste c’était pas le bon jour, c’ »est tout, j’aime parce que tout le monde a connu ça. Les plus lucides d’entre vous en ont conscience, d’autres ne le savent pas mais oui, t’as probablement été à deux doigts de vivre une histoire d’amour extraordinaire, c’est tout, t’as juste pas eu les couilles, ou alors c’est pas de chance, ou alors on s’en fout.

C’est fou cette incomplétude, c’est tellement injuste. En même temps c’est beau l’amour, le véritable amour. Pas l’amour obligé, mais l’amour libre comme l’air, l’amour qui te tombe dessus comme la foudre, plus souvent quand c’est pas du tout le bon moment d’ailleurs, quand c’est interdit, quand tout conspire pour que rien ne se passe, que de l’électricité dans l’air, et rien de tactile, rien de tangible, certains disent que c’est pas ça l’amour, moi je dis que c’est ça, le véritable amour, l’amour pur, celui qui n’est pas consommé, celui qui est fantasmé, je sais, c’est pas très politiquement correct mais merde. C’est à dire que ça, c’est une source d’énergie puissante. Ensuite, quand il y a échange de fluide, on retourne à l’état de repos, il n’y a plus de potentiel. C’est l’énergie qui est belle. L’amour est une source d’énergie qui permet à n’importe qui de briser la longue chaine causale qui l’enserre. La liberté c’est l’amour vrai, mais ça fait mal, c’est un manque, c’est un grand vide dans la poitrine. C’est la beauté. Nous ne sommes pas faits pour jouir. La jouissance ne fait que perpétuer la matière, la matière vide. C’est le manque, qui permet d’insuffler l’âme dans la matière.

La beauté est triste : car elle a la nostalgie de l’unité, l’unité perdue. La beauté est une qualité si délicate : si tu la manipules avec tes gros doigts grossiers de vieux mec, ELLE S’EFFRITE. Tu dois rester délicat, fragile, tu dois donc maîtriser les déplacements dans l’espace à la perfection, tu dois être léger, léviter, pour espérer saisir et faire tourner la beauté, joyeusement. La joie et la tristesse ne sont pas contradictoires dans le petit monde de David Lynch et sa pote chanteuse.

On ne vit pas tous dans le même monde. Parfois, nos réalités se recoupent temporairement : c’es bien. Mais rien n’est éternel et sûrement pas une configuration spatio temporelle, parce que tout bouge, tout coule, Shiva danse, Kali coupe des têtes. Il faut accepter, ne pas demander trop c’est à dire, ne pas vivre dans une boucle temporelle. La plupart des gens agissent comme si ils désiraient ardemment vivre le jour de la marmotte, alors que quoi, c’est l’enfer, c’est bien ce que montre le film. C’est la fin de l’expérience, la fin de l’évolution, du cheminement, l’âme se change en pierre, elle est figée, c’est pas ça que tu veux je t’assure. A moins que tu ne souhaites te changer en statue parce que tu te trouves trop beau : misérable.

Bon. C’est pas comme si on avait quelque chose se rapprochant de près ou de loin du libre arbitre. Tu ne te figeras jamais en statue grecque parce que tu manges trop de gateaux. Tu vas tourbillonner jusqu’à ce que ta petite machine soit cassée. Ton coeur cessera de battre. Le coeur de David Lynch a cessé de battre. Il a bien tourbillonné : ça va laisser des traces. Tant mieux. Le devoir de tout bon citoyen désormais, est de plonger dans ce corpus en tentant de démêler les fils. Les films ne sont que la partie émergée. Et pas la plus limpide. Il voulait dire quoi ce gonze ? T’as remarqué qu’il parlait presque tout le temps d’amour ?

L’amour comme une dance de lumière, deux petites loupiottes tournoyantes, deux étoiles jumelles, une danse sans contact, un jeu. C’est la puissance infinie de l’amour : platonique. Tu comprends. On est pas faits pour jouir. Relis les tantras. DAvid Lynch tantrique : c’est une évidence. DAvid lynch, Dante, tantriques. Forces du bien. Phares de l’humanité. Phares. DAvid avait peut-être envie de s’exprimer clairement une dernière fois avant de partir : merci. Merci merci merci. Putain merci. C’est la plus belle chose entendue depuis longtemps. Tu vas me manquer David Lynch, né un 20 janvier comme moi. Tu ne verras pas l’investiture de Trump 2, tu n’étais pas destiné à vivre ce nouveau chapitre de l’humanité. Merci encore. A un de ces jours.