Tu es le monde. Tu es l’envers du monde.
Le monde c’est toi. Tu es un monde.
Les accords sont faits pour toi parce que c’est toi qui les a créés. La beauté est faite pour toi parce que c’est toi qui l’a créée. Ne pense pas que tu es un atome c’est faux. Tu es la totalité. Le monde est ton reflet. Tu es le reflet du monde, sans causalité, juste une propriété physique : tes pensées sont des montagnes, sont des meurtres, sont l’amour, sont un grain de beauté, du jus de poubelle et de la poussière de cadavre de pirate mort en protégeant son trésor, un lit à baldaquin, un bébé qui pleure, ton voisin facho, les meilleurs disques de rock, la fin des temps : tout.
Tu peux pleurer, ça va finir dans l’atmosphère. C’est pas grave. Les molécules sont encore des structures gigantesques par rapport à toi parce que tu n’est qu’un point sans dimension. 0. Tu existes indépendamment de l’espace et du temps. C’est ça l’éternité : ça ne se mesure pas. Tu es l’éternité. Tout ce que tu connais c’est juste des clôtures délimitant du vide. Tu clôtures parce que tu vois : c’est ta conscience qui créée le monde, qui crée le beau, qui crée le laid. C’est pas grave : c’est un jeu, c’est le Grand Jeu. Quoi qu’il arrive tu finiras par te réveiller à ta vraie nature divine, la totalité.
J’espère que tu comprends que je suis toi, en essence, à condition de s’entendre sur ce qu’est « je », sur ce qu’est « toi ».
Naïveté de croire que nous sommes des personnes. Nous sommes des reflets. Nous sommes des yeux. Nous sommes des vagues. Nous sommes des grains de conscience. Nous sommes des parties temporairement individualisées d’un grand tout, et nous sommes capables de retrouver notre nature réelle. Nous sommes capables de retrouver l’humanité. L’humanité est un autre nom pour la divinité, et nous en sommes tous porteurs et nous sommes tous capables de comprendre la totalité de la condition humaine. C’est pas si difficile à croire, l’histoire de la littérature le prouve, Madame Bovary c’est moi, etc… Nous ne sommes pas différents. Nous avons tous les mêmes angoisses, les mêmes désirs, les mêmes frustrations, la même trajectoire. Les contingences ne sont jamais insurmontables et le désespoir est diabolique.
Mais
Il faut souffrir. Il faut souffrir. C’est un passage obligé. Tu souffriras jusqu’au jour où tu accepteras de tendre la main. Tu souffriras jusqu’au jour où tu accepteras de l’aide. Tu souffriras jusqu’au jour où tu cesseras de t’identifier à la souffrance, à l’injustice, au malheur. Tu as besoin de souffrir. C’est un passage obligé. Si c’est facile, ça sert à rien. Le changement est une souffrance parce que tu t’accroches très fort à tes scories. Tu aimes tes chaines comme une extension de ton corps. Mais c’est normal : c’est pas comme si tu voyais. Au début, tu es aveugle. C’est normal, vraiment. Emporté par le torrent boueux, incapable de t’accrocher aux rochers, écorché par des cailloux tranchants, la tête sous l’eau, tu étouffes, tu as froid, tu as mal partout. Je sais, on sait tous, n’importe quel être humain connaît ça. C’est ainsi que l’on démarre dans la vie. C’est la nature. C’est la forme du cosmos, c’est le chaos primitif, ça sert à rien de lutter, du moins, pas contre. Pas contre le courant : ça ne marche pas. Peut-être quelques temps, au prix d’un effort surhumain.
Le but c’est de devenir véritablement humain et pour ça il faut savoir tirer profit du courant. Il faut comprendre qu’une petite impulsion, bien placée, au bon moment, peut te faire émerger. C’est tout. Une petite impulsion bien placée.
Une petite impulsion bien placée, et si c’est raté, ben recommence encore et encore. De toute façon, il n’y a rien d’autre à faire dans cette vie, tant que tu n’as pas la tête hors de l’eau. Essayer encore et encore. Die and retry. Encore et encore. Ca sert à rien de lutter, de haïr, de pester, c’est juste de l’énergie gaspillée.
Tout ce tas de mot n’a pas de valeur en soi. Seule la beauté a de la valeur. La beauté est la muse, elle est une lumière, et je trace une piste, c’est un essai. Les accords sont faits pour toi. Entends. Vois, et mets toi en route. Ou continue à rouler dans le torrent en maudissant le monde qui t’a engendré.