Pita – Get Out (1999)

C’est un peu surprenant au début, enfin disons qu’on savait à quoi s’attendre mais ça fait quand même bizarre, mal aux oreilles, c’est plein de hautes fréquences hyper saturées, des crrrrrr shhhhhh crzrzrzrczcrzcr. Ça me fait un peu penser à cette musique faite avec des jouets électroniques modifiés. Comment ça s’appelle ça déjà*? Il y a un film là dessus. Bref. Imaginez un appareil électronique détraqué, bon à mettre à la poubelle. Une poupée qui parle ou une dictée magique, un de ces trucs fabriqués en chine avec des puces électroniques bon marché. 

La suite est plus calme, mais enfin il y a toujours des sifflements agressifs, mais cette fois ils sont moins nombreux, ils n’occupent pas tout l’espace temps, ils partagent la place avec une chose non identifiée, un sample d’orchestre à cordes ou je sais pas, enfin un truc plus calme, un peu saturé mais pas trop, noyé dans la réverbe digitale… 

Hum, ça va très vite, je vois pas le temps passer ou quoi? C’est bon signe je crois. Pourtant c’est pas les beach boys… OH le troisième morceau est remarquable. Le début ressemble à un morceau de pop rock de merde, bien mou et chiant, mais passé à l’envers. Un morceau de Coldplay ou pire. Mais avec la batterie qui fait WOP au lieu de faire POW, tout est aspiré, les verres brisés se réparent tous seuls, les têtes coupées se recollent au tronc de leur propriétaire. Et puis BAM une méga saturation étrange est enclenchée, et Colplay se transforme en harsh noise, mais la mélodie est toujours là, et résultat c’est pas “méchant” comme musique, c’est pas agressif, c’est pas Dominick Fernow, c’est pas un mec qui s’amuse à faire des larsen, accroupi avec un micro devant les hauts parleurs, à donner des coups de boule à l’ampli, à essayer de tout renverser, déchirer tous les cables (là je m’inspire de faits réels, allez voir sur Youtube). Non. Dans le cas de ce morceau de Peter Rehberg, c’est certes très intense, mais assez beau comme un morceau de My Bloody Valentine sur-saturé. C’est vraiment poignant, ça prend aux tripes, la saturation décuple la puissance de la mélodie, la rend encore plus triste, déchirante, c’est extrême c’est clair, mais extrêmement beau et triste (parfois je me demande si ce n’est pas la même chose) et c’est tellement  beau et triste que ça a l’air bien plus réel que le réel, ce sont des émotions pures qui sortent de mes écouteurs, ou presque, c’est des émotions à 90°, pas comme ces émotions de mauviettes à 40 ou 50° auxquelles je suis habitué, sans parler de ces fadeurs à 10 ou 12°, mais qui peuvent avoir leur charme c’est vrai, et bref, Peter Rehberg a fabriqué une chose pure comme le crystal et donc assez dangereuse. C’est un punk, moi je dis que c’est un punk qui utilise un Powerbook G3 à la place d’une guitare ou d’un kazoo. 

Le morceau suivant est très court et ressemble à l’intérieur d’un ordinateur, c’est de la musique assez proche de Ryoji Ikeda, Alva Noto et compagnie, c’est un tableau sonore qui rendrait hommage aux ratés de l’ère numérique, aux machines cassées, déglinguées, aux Wall E et aux R2D2 des années 2000. Bon esprit, j’aime bien les ratés, les outsiders. C’est pour ça aussi que je dis que c’est punk. C’est de la musique qui repose sur le glitch, la petite erreur dans le paquet d’information, le court circuit qui transforme un son utilisé par Phil Collins en truc complètement dingue qsodmigs<dgioh avec des noeuds et des ronds. J’adore les appareils abimés moi. Je vais avoir 27 ans et récemment je me suis rendu compte que depuis tout petit je finissais toujours par abimer un peu mes appareils, pas au point de les rendre inutilisables, mais juste ce qu’il faut pour faire d’eux des objets qui ont vécu. Par exemple, j’ai cassé ma guitare, en haut du manche, et je l’ai recollée à la super glu. Mon ordinateur a un touchpad légèrement défectueux. L’écran de mon téléphone a plein de défauts à force de chutes intempestives, d’expositions prolongées au Soleil etc.. Et la liste est sans fin. Tous mes trucs sont légèrement abimés et je crois que j’ai besoin de ça pour les AIMER, pour me les approprier vraiment. J’ai besoin d’y mettre mon grain de sel. Ce qui peut aussi passer par la customisation, les autocollants, les dessins au blanco, les gravures… C’est marrant que je parle de ça alors que j’écoute Get Out, est-ce que c’est un message qui est effectivement contenu dans la musique, ou est ce que c’est juste un test de Rorschach sonore, on y entend ce qu’on a envie d’entendre? MHH à creuser, en lisant les interview de Monsieur, d’ailleurs en parlant de ça, je crois que je vais essayer de faire des interviews pour ce blog, enfin, peut-être, c’est un projet. 

Bon revenons à la musique si vous voulez bien. Le cinquième morceau est très calme au début, c’est reposant mais on se doute bien que ça ne va pas durer. Ça ressemble à un étang, la nuit, en été, avec les grillons qui chantent, les grenouille qui croassent, des insectes qui volent au dessus de l’eau, puis le changement est brutal, une micro sonnerie de téléphone des année 90 et des plans subliminaux de Walt Disney puis quoi, mon dieu qu’est-ce que c’est, un tambour electronique qui rebondit de l’écouteur gauche à l’écouteur droit en prenant son temps, et un autre bruit bizarre, indescriptible, qui se balade pareil, voilà ça je trouve ça super, tu entends un son et tu es absolument incapable de le décrire, tu ne vois que vaguement comment il a été fait, et encore, tu as 50% de chances de te tromper, c’est le dépaysement total, la perte de repères. Vraiment cool. AH puis encore une grosse baffe noise puis changement de tableau, cette fois on dirait des parasites de radio merde Peter change de station mais il trouve rien il est perdu dans la dimension X celle qui se situe entre les stations FM et qui héberge aussi le Technodrome de Krang et Shredder. Bon ok c’est plus complexe que ça, il y a de la reverb, et le son est plus coloré que la radio qui fait shrshtshsrhsh. On entend des milliards de notes qui s’entremêlent, comme des petites bestioles qui nageraient dans un liquide quelconque, comme ces bassins de pisciculture où la concentration en poisson est telle qu’on peut dire sans se tromper qu’il y a plus de poisson que d’eau. 

Mais voici que nous en sommes à l’avant dernier morceau, sans titre, comme tous les autres (c’est un truc de mec sérieux ça, c’est moitié un punk, moitié un mec sérieux ce Peter Rehberg, il faut bien être un minimum sérieux pour gérer un label aussi cool et respecté et intéressant que les éditions Mego). Que dire sur ce morceau? Il y a un fil sonore très ténu, à peine audible, par dessus des sons percussifs saturés, mais une saturation dont les paramètres changeraient constament. C’est un peu enfantin, espiègle, rigolo. Oui il ne faut pas croire, c’est pas de la musique trop sérieuse, je vous dis, c’est un peu punk. Du punk sérieux ou plutôt du sérieux punk.

Mais voici qu’arrive le dernier morceau. A volume égal, je dirais qu’il est deux fois plus insupportable que les autres, la faute à une nappe de son surgonflée dans les hauts medium. Et derrière des clics. Oui là je dois dire que c’est de la musique sado maso, mhh ça fait mal mais ça fait du bien, fouette-moi mords-moi étrangle-moi écris-moi des choses sur le ventre avec un cutter. Youpi. Bon je rigole, mais c’est vrai que c’est désagréable, au moins au début. Au bout d’un moment, on finit par s’y habituer, et on commence à s’intéresser vraiment à ce qui se passe. C’est le morceau le plus statique du disque, ce genre de trucs qui arrête le temps. Il faut être réceptif, et moi je le suis à fond, et je me sens un peu bizarre ça y est, un léger vertige, mon corps est de moins en moins lourd, la musique sort du casque et commence à se ballader autour de moi, à gicler sur les murs, à envelopper toute la pièce, et puis finalement la pièce est avalée, il n’y a plus de pièce, je suis où là je suis dans la dimension Y, qui n’est absolument pas comparable à la dimension X malgré leur proximité alphabétique, la dimension Y n’est pas macro, elle est micro, que des microscopes, des microcastles, des micro pénis, des microphones, des microbes, des micro musiques, et le voisin passe sa micro tondeuse, c’est une tondeuse avec un moteur thermique mais dans la dimension Y il est largemement plus facile de distinguer chaque explosion du moteur tactactactactac et le ciel est d’une couleur inhabituelle avec un mélange de tons jaune, violet, surtout jaune et violet oui peut-être un peu de vert de manière éparse et les couleurs c’est une chose mais la manière dont elles se mélangent c’est dingue c’est entre Jackson Pollock et les démos des années 90. Les gens ont des animaux à poil long à la place de la tête oh vous vous rappellez la fin de Half Life quand Gordon saute dans la machine et se retrouve transporté dans une dimension parallèle? Et ben ça ressemble pas du tout à ça désolé huhuhu. Si j’étais cinéaste j’essaierais de faire un film comme ça CRRRRRac voilà la fin du disque. 

Ouf.

Conclusion : cette fois j’ai l’impression d’avoir raconté pas mal de conneries, encore plus que d’habitude. Que dois-je en conclure? D’une part que je suis trop fatigué mais ça c’est parce que je me suis couché à 7h30 ce matin après avoir passé la nuit à fumer des joints en jouant au blind test débile de Sébastien V. mais la fatigue n’explique pas tout je dirais quand même que cette musique n’accroche que difficilement l’attention elle y est assez perméable ou non c’est plutôt comme si elle tournoyait tellement vite qu’on était éjecté par la force centrifuge au bout de dix secondes à chaque fois. Ça vaut surtout pour les passages les plus dynamiques, ceux qui ressemblent à des chants d’ordinateur détraqués c’est peut-être pas la majorité du disque finalement. Il est plutôt varié dans l’ensemble et au moins même si on pense parfois à autre chose, on ne s’ennuie pas, on ne perd pas son temps. Voilà : Get out de Peter Rehberg, un disque de sériux électronique punk qui n’est pas une perte de temps. C’est tout à plus. 

* Le circuit bending