Tiens on va parler d’un truc des Editions Mego pour changer. Ouai, j’aime bien. Aujourd’hui, Mark Van Hoen. Un mec né en 1966 qui a fait plein de trucs et notamment Seefeel. Il est connu pour utiliser de vieux synthés modulaires, il vient de Londres, il vit à Brooklyn, il est cool, et voila. Ce disque est né suite à la découverte de vieilles bandes qu’il avait enregistrées au début des années 80. Ca lui a donné envie de faire d’autres trucs du même style. C’est fait à l’ancienne, et ça s’entend. Comme ils disent chez Mego, c’est l’équivalent sonore d’une galerie de vieux portraits en Polaroïd qu’on vient de redécouvrir au fond d’un carton. D’où l’illustration de pochette, créée par Stephen O’Malley. Tout le disque est contenu dans cette illustration. C’est fort.
Ca commence avec des violons hyper dramatiques kitch comme dans Braindead et puis c’est poisseux et mystérieux il y a une batterie samplée on dirait un truc de Tricky bien crados ou cet autre groupe de jeunes protégés de Tricky ou pas jeunes je ne suis pas sûr en fait vous savez ça s’appelait Baby Namboos ou un truc du genre du trip hop à l’ancienne mais bien marécageux qui sortait tout droit des marais zambiens où les marabouts font des potions avec des estomacs de crocodiles et des yeux de serpents il y a des maladies et on se fait ensorceler en moins de deux bref c’est pas la joie mais c’est entrainant on aurait envie de danser comme un marabout en tournant en fermant les yeux en hurlant des trucs alors que tout autour les gens deviendraient complètement fous ils arracheraient leurs vêtements se mangeraient tous entre eux copuleraient tout ça. Bon voilà c’est mon interprétation je sais pas ce que vous en penserez.
Le morceau suivant a un nom à la con, et ça tombe bien parce que la musique est bizarre elle aussi. Tiens d’ailleurs c’est normal, c’est les Editions Mego. On a encore ces violons dramatiques ici, et puis des sortes de percussions déconstruites à l’extrême, qui ressemblent plus d’ailleurs à des craquements et des toussotements de câbles par moment et puis ça fait des vagues de son il y a une basse synthétique qui rentre et finalement ça se calme. C’est assez agréable à écouter bon bien sûr selon mes standards à moi qui ne seront pas forcément les vôtres de toute façon on sera jamais des standards des gens bien comme il faut. Ouh c’est déjà fini. C’est court.
La suite ressemble assez à un vieux truc d’Autechre avec ces sons de synthé FM et ça reste assez sage comme musique la boite à rythme hoquette à peine de temps en temps et puis toujours ces violons synthés un peu dramatiques et oh cette fois il y a une fille qui chante enfin sa voix est samplée elle répète en boucle “don’t look back” d’accord on va se laisser convaincre de ne pas regarder en arrière ça veut pas dire qu’il faut tout oublier non plus ce morceau a un côté dub hypnotique c’est le dub de chez Mego quoi j’aime bien c’est pas exceptionnel non plus pas traumatisant je pense que je ne me porterais pas plus mal si je n’avais jamais écouté ce disque mais peut-être que la suite nous réserve des surprises. C’est quand même plaisant, assez classe, futuriste, ça me fait penser un peu à cette maison sur la pochette de 10 000Hz Legend de Air ce qui est dingue quand on sait que le disque a commencé avec du trip hop de marabout des marais zambiens. Et d’ailleurs…
Le quatrième morceau repart dans ces marais poisseux des années 90. Ca fait longtemps que j’avais pas entendu un morceau faisant un usage aussi basique des breakbeats celui là je sais pas lequel c’est mais il tourne en boucle tranquillement comme une nuit sur la rocade bordelaise il est à peine soutenu par des coups de kick synthétique histoire de le muscler un peu. C’est très répétitif, et très rétro donc, très années 90 encore une fois non mais c’est pas la première fois qu’un disque récent me fait beaucoup penser aux années 90 mais c’est normal et oui il y a 20 ans on était en 92 la mode c’est cyclique depuis le temps qu’on prédit le retour du fluo et des baggy hop allez on va squatter des hangars abandonnés et danser toute la nuit sur un set hardcore de Aphex twin ou de Speedy J ah non j’avais oublié il n’y a plus de hangars abandonnés ils ont été démolis ou transformés en loft de toute façon les bobos ont tout racheté et si par miracle il existe encore des endroits intéressants c’est TROP DANGEREUX et beaucoup moins marrant que passer la soirée sur Facebook ou au pub pour acheter et boire de la bière.
On en est au cinquième morceau la fin de la première moitié c’est en gros une boucle électronique hypnotique avec encore ces violons dramatiques et un kick tellement léger que je suis même pas sûr d’en avoir entendu un maintenant que c’est fini parce que oui c’est déjà fini c’était très court mais ça va aucun regret parce que la suite est très intéressante je trouve que plus on avance et plus c’est intéressant et indescriptible parce que ce que j’entends là c’est pas évident à décrire des voix de fantômes à l’envers et un rythme un peu cassé et ces violons Braindead filtrés qui respirent c’est vraiment bien ça et en plus pour une fois c’est assez long ça laisse le temps de bien s’imprégner du truc et se laisser transporter ces voix me rappellent un peu Liz Fraser je sais pas si c’est à cause de Braindead que je pense à ça oui vous vous demandez c’est quoi le lien entre Braindead et les Cocteau Twins, c’est très simple, c’est Peter Jackson, il adore les musiques très éthérées avec des filles qui chantent et justement dans Lovely Bones il a utilisé Song To The Siren chantée par Liz Fraser* et c’était bien c’est un film que j’ai adoré un film psychédélique, qui fait pleurer et qui est complètement kitch, et je sais qu’il s’est fait massacrer par la critique je m’en fous je l’ai tellement adoré ce film vous pouvez pas vous imaginer ces séquences surréalistes avec des effets spéciaux géniaux ces couleurs surnaturelles bref. Peter Jackson a toute la collec de 4AD chez lui c’est clair. Bon peut-être pas les derniers trucs genre The Big Pink ou Ariel Pink (tout ce rose!!!!!) mais la période classique où les sorties du label avaient une certaine cohérence et où les pochettes étaient toutes plus belles les unes que les autres oui faudrait que quelqu’un lui parle de musique en interview un jour je suis sûr qu’il aurait des choses intéressantes à dire et puis il me semble qu’il est musicien lui même c’est lui je crois qui a fait la musique de Braindead j’en suis pas sûr il faudrait vérifier.
Le morceau suivant, la fille répète encore un truc en boucle cette fois c’est Where were you, c’est un peu triste, comme les autres, c’est marrant comme en trois mots where were you il arrive à capturer l’essence de sa musique parce que la musique dit exactement la même chose que les paroles, where were you ça c’est vraiment fort. C’est de la poésie minimaliste, c’est plus succinct qu’un haïku, where were you, mais c’est beau, c’est nostalgique, c’est vaporeux, ça va tellement bien avec ces synthés Braindead dramatiques. La musique de chez Mego a toujours un côté dramatique, je sais pas si vous avez remarqué. C’est jamais rigolo, à de rares exceptions près, du style Fenn O’Berg, autrement c’est le même ton, c’est sérieux et dramatique, c’est vraiment un grand label c’est clair, comme 4AD à une époque, Warp un peu plus tard, ou Kranky aujourd’hui malgré quelques ratés inquiétants. C’est bien aussi que certains labels n’aient pas une identité aussi marquée, ça permet de laisser une chance à tout le monde, et j’adore Drag City par exemple, ils sortent chaque année un nombre colossal de très bons disques. Mais qui peut dire qu’il pense à Drag City avant d’aller se coucher? Qui peut dire qu’il a été amoureux de Drag City à un moment de sa vie. Moi ça m’est arrivé avec 4AD, avec Warp, avec Kranky, et Hooker Visions aujourd’hui, et je suis pas le seul c’est clair, c’est le genre de label dont on piste chaque sortie. Alors que Drag City, non. Mais encore une fois, j’ai beaucoup de respect pour eux.
Bref on a un peu perdu le fil c’est bientôt la fin plus que deux morceaux. La fin du disque sonne moins 90’s, les sonorités sont plus modernes, dans le travail des kicks et autres percussions, mais ça reste sale, et c’est tant mieux, je ne supporte plus les superproductions hyper propres, hyper fouillées, les trucs tellement travaillés et purs que tu te dis qu’ils ont dû s’y mettre à 10 pendant cinq ans pour produire ça. C’est bien fait mais ça ne m’intéresse plus. C’est peut-être une histoire de mode aussi… La techno minimale pyrotechnique des années 2005!! Bref. Ici c’est plus simple, plus humain, et oh, voici le dernier morceau avec une voix synthétique ou alors une voix naturelle étirée enfin plutôt DES voix étirées qui chantent “Holy Me” haha. C’est sale, le son est détérioré par un processeur Lo Fi, un peu comme tout le reste, ce disque a une qualité, c’est qu’au niveau du son il est très cohérent, c’est une unité de son, et même si le style évolue au fil des morceaux, on la perçoit cette unité, et moi j’aime bien, c’est un recueil de petites poésies de sons électroniques qui parlent de nostalgie, de trucs tristes, vraiment bien. La cohérence c’est bien. Ce morceau de conclusion est dingue, que des voix de robots qui chantent, que des Wall E et des EVE et ça dure super longtemps presque 10 minutes. Avec ce son détérioré ça pourrait presque être une musique de Super Nintendo ou pire. Une musique de Super Metroid ou d’un jeu avec des robots mais un jeu bien et scénarisé. Ce morceau est top c’est mon préféré du disque. Il est tout à fait champignonesque dans son esprit. Si les robots prenaient des psychédéliques ils écouteraient ça. Pourquoi on n’a jamais rien écrit sur des robots qui prennent du lsd pour robot? Ca seraient des lignes de code qui défoncent leur système d’exploitation pendant une heure ou deux, ils se les échangeraient sur disquette, mais en secret, parce que ce serait illégal, à cause des risques d’infractions aux trois lois d’Asimov, parce que ce code qui défonce court-circuiterait les instructions de base et c’est comme ça que les robots accèderaient à une réalité supérieure. Bref. C’est à faire, un jour j’écrirai un bouquin de toute façon. Bon voilà. Je pense avoir tout dit. Merci à M. Van Hoen et merci aussi à M. Rehberg (qui, au passage, expédie les disques commandés sur internet dans des délais très courts, c’est top). C’est tout à plus.
—
*J’apprends en parcourant sa page Wikipedia qu’elle a aussi chanté sur la bande originale du Seigneur des Anneaux, c’est fou!