Voici le nouveau manteau de fourrure psyché groovy de Jennifer Herrema et son gang, qui pour marquer le coup ont décidé de changer de nom. Mais on sait tous qu’au fond ils resteront toujours des Royal TRUXX.
Ca sent pas mal le patchouli et la veste à frange dès les premières mesures Hendrix/Zeppelin/Sabbath. Batterie ultra groovy, basse à l’avenant, guitare liquide comme une microgoûte de lsd imprégnant progressivement chaque fibre du papier en cellulose imprimé peace and love. Jennifer chante comme quelqu’un qui n’en est pas à son premier stick. Bref, on n’est pas dépaysé mais un peu quand même. C’est incroyablement bien produit, le son est équilibré, riche, il fourmille de bruits marrants, empilage de couches de cloches, synthés cosmiques, bruits inconnus lofi pouic pouic, un véritable bazard psyché cool et d’ailleurs le morceau s’appelle It’s Cool.
Le suivant, c’est TV Trouble. Cette fois c’est différent. Après une intro heavy metal des 80’s on retrouve le genre de musique un peu débile dada country psychédélique typique de certains albums de Royal Trux. On imaginerait bien un club du troisième âge qui prendrait des cours danse country, habillés en teuffeurs fluo, auprès de Salvador Dali assisté de sa fidèle Amanda lear. Et le tout sérieusement bien sûr, on déconne pas avec la danse country, serious bizness. C’est de la musique de kermesse quoi, de la musique très américaine, t’as intérêt à avoir des côtes de porc et des bud à portée de main sinon t’es mal barré.
La chanson suivante s’appelle Acid Song, ce qui a le mérite d’être clair. Et là, on a droit à une Stonerie de haut niveau. C’est quelque chose que j’ai beaucoup aimé chez Royal Trux, et ensuite chez Jennifer toute seule, cette obsession pour les Rolling Stones, les références constantes, au risque que ça en devienne la seule grille d’analyse, ce qui serait réducteur. Les Rolling Stones qui auraient continué le LSD après 69, quoi. En l’occurence, ceci est un morceau des Rolling Stones période disco épaulettes des années 80. Mais en bien.
La chanson suivante est admirablement dégueulasse. Elle s’appelle Hot Stupid. Le son est saturé, les hauts mediums bien en avant, les refrains sont autotunés, pédale de phaser enclenchée sur la guitare, le gars branle le manche comme le mec cool californien qu’il est sûrement. Pas mal de fuzz, bref un style original qui réunit des trucs typiques des années 70 et d’aujourd’hui. C’est très très bien. Surtout, j’imagine que ça doit très bien passer en soirée. C’est de la musique de teuf. Rad Time Xpress. Ouai. HOT STOOPID. Des paroles qui encouragent vivement à se comporter de manière irresponsable, moi je dis oui. Oui, mélangeons le gin et la tequila! C’est pas grave! Oui, roulons des pelles à toutes les meufs avec une haleine mélangée tabac froid / olive. Miam! Oui aux batailles de bouffe, oui aux cigarettes au poppers, RANAFOUTRE.
Ce qui fait flipper c’est qu’on n’en est qu’à la 5e chanson, qui s’appelle RTX Go-Go et j’ai déjà l’impression d’avoir écouté une heure de musique. Cet album est extrêmement dense. Il n’est pas particulièrement long, 45 minutes, c’est 5 de trop me diront les puristes, et je suis assez d’accord, mais ce ne sont que 5 malheureuses minutes. Bref. C’est vraiment un trip sérieux, à ne pas prendre à la rigolade. Voilà. Que dire sur cette chanson. C’est Funky, c’est Psychédélique, c’est Cool. Et Jennifer met un effet bizarre sur sa voix par moments, on dirait un robot qui chuchote. La chanson d’après, qui s’appelle Do It, reprend cet effet. C’est une chanson plus rapide, mais tout aussi funky des années 80. Avec plein d’effets spéciaux laser/science fiction. Ca tripe sérieusement ouai. Cette fille doit faire une de ces consommations de substances hallucinogènes hallucinante. Mais on peut rien dire. Juste que la musique des années 80 ré-interprétée à la mode d’aujourd’hui, ça peut être pas mal.
D’ailleurs, Rad Times, la chanson suivante, en est une nouvelle illustration. Elle commence avec cette boite à rythme des premiers tubes de rap des années 80. La Batterie fait poum tchak poum tchak, il y a un refrain autotuné, des effets marrants, encore cette ambiance d’acid test des années 80. OUI. Une sorte d’univers parallèle où les aspects les plus marrants de la contre culture des sixties auraient survécu et prospéré, plus exactement n’auraient pas dégénéré en baba cooleries new age, partouzes de vieux dégueulasses et philosophie libertaire prétexte à gagner du fric en écrasant son voisin. L’anti American Psycho, l’anti Particules Élémentaires.
My house, la huitième chanson, est vraiment heavy, assez lente, c’est le moment où les filles se mettent à danser sur les tables et les garçons à danser sur les canapés et sur la cuvette des toilettes. 80’s à mort, l’esprit de Phil Collins plane au dessus de cette party psychédélique des 80, celui de Slash aussi, surtout. Mais pas ceux que nous connaissons, les Phil et Slash de cet univers parallèle où les substances enthéogènes seraient en vente libre au mini marché du coin. La suite, Foxy Playground, est toujours heavy mais dans un style plus seventies, enfin toujours ces guitares couillues, ces solos fuzzy, ce son énorme. Ah oui, et quand je parle de solo, il y en a un vraiment cool, assez technique, avec un son qui ressemble à celui de Paranoid. Du très bon. Ce disque est vraiment très bien je sais pas si je l’ai déjà dit. C’est une réussite, c’était pas gagné, ce genre de musique ça peut virer en bouillie indigeste et sûrement que ce sera l’avis d’une partie d’entre vous mais non, j’insiste, c’est pas le bordel, enfin si mais c’est un bordel très bien organisé, et certes ça dégouline de partout comme un poster des sixties mais justement ça pousse l’auditeur à s’abandonner complètement. Aujourd’hui, le terme “psychédélique” est employé à toutes les sauces. A l’origine, il désigne des drogues, pas de la musique. Ce n’est que par extension qu’on a commencé à parler de rock psychédélique, surtout parce que ces groupes, 13th Floor Elevators, Grateful Dead, Jefferson Airplane et compagnie, étaient des consommateurs de ce genre de trucs. Mais même à l’époque, on mettait un peu tout et n’importe quoi dans le même panier. La musique rock peut-elle “révéler l’âme” comme la mescaline, la psilocibyne ou autre? Sonic Boom, des Spacemen 3, a dit en interview que le groupe le plus authentiquement psychédélique des sixties et même de tous les temps, c’était les Red Krayola. Quand on écoute, on comprend un peu ce qu’il veut dire. La musique qui se veut psychédélique doit être libre dans sa forme, libre de toute mode, de toute convention, ce qui donne forcément un résultat bizarre et déstabilisant dans un monde où justement tout est formaté, rangé dans des cases. Oui, The Parable Of Arable Land est peut-être le meilleur disque de rock psychédélique de l’histoire mais est-ce que c’est encore du rock, ça je sais pas. Peut-on faire de la musique assez bizarre pour faire perdre pied à l’auditeur, tout en restant un minimum dans un cadre rock? Et d’abord, c’est quoi le rock hein? Ca fait beaucoup d’interrogations et je suis un peu fatigué. A vous d’y réfléchir aussi. En tout cas voila, Black Bananas, ils arrivent avec ce disque qui part dans tous les sens, qui mélange des choses qu’on ne mélange pas d’ordinaire, qui utilise les effets de manière libre et audacieuse, qui se permet tout, ils ont tout bon, voilà de la musique qui nous force à opérer ce léger décalage spatio-temporel, à penser en quatre dimensions, à choper la queue du lapin blanc.
Les quatre derniers morceaux sont au moins aussi bons que les précédents. Le dixième, Earthquake, est même un des meilleurs il commence comme un truc de Funkadelic noyé dans le bruit blanc, puis le bruit se calme un peu et ça reste totalement funkadelic, heavy funk phasé vibratoire 100% naturel, feedback hendrixien, batterie à franges et des TORRENTS DE BRUIT BLANC FILTRÉ WAHWAH COOL. Ensuite un morceau incroyable (un de plus). Overpass : piano débile, batterie rapide punk qui se dédouble et se retourne, saxophone (oui! saxophone) cette fois la teuf franchit un nouveau palier tout le monde arrache ses vêtements et s’asperge de bierre au moment où la guitare commence à jouer le riff de I Wanna Be Your Dog. Heureusement ça ne dure que quelques secondes, autrement on en serait venu au cannibalisme ça ne fait aucun doute. Nightwalker, la chanson suivante, fait un peu relacher la pression et encore, j’en suis pas sûr. C’est un truc totalement kitch avec synthé new age et voix autotunée. La quatrième dimension, saison 1, épisode 21, ACID TEST avec des putes et des clochards et des étudiants fauchés mais cools chez Pat Bateman, consultant dans une ONG humanitaire qui distribue de la bouffe et des bisous aux sans abris new yorkais et d’ailleurs. Ce qui explique beaucoup de chose.
Le dernier morceau est top, comme les autres. C’est le chaînon manquant entre Hawkwind et Motorhead!! Ouai carrément. Ce qui montre à quel point Black Bananas est un groupe génial! Un grand grand groupe, et une des plus éclantantes réussites de Jennifer Herrema. La guitare qui passe à l’envers, la batterie feutrée tout droit sortie des seventies, les dernières secondes qui virent dub, ah oui j’ai oublié de vous dire, cette dernière chanson s’appelle Killer Weed. Bref. Les années 10 sont pas si chiantes finalement, il y a toujours de la bonne musique. Ca fait plaisir. C’est tout à plus.