<a href=“http://mirrorworldmusic.bandcamp.com/track/dropping-the-ego” data-mce-href=“http://mirrorworldmusic.bandcamp.com/track/dropping-the-ego”>Dropping The Ego by Angel</a>
Grand carambolage d’ondes carrées sur l’autoroute électronique attention ralentissements sur 2 kilomètres on raconte que c’est un sale punk qui serait à l’origine de l’accident il se serait procuré un ordinateur sans autorisation. La suite, travelling avant, la tête posée contre la vitre, c’est un paysage digital qui défile, monotone, industriel, saturé d’informations, des petits un et des petits zéro formant des nuages complexes. Paysage industriel, nous sommes sur la face cachée de la Lune, sur l’artère reliant les deux plus gros camps retranchés nazis. Je dis ça parce que j’ai vu la bande annonce d’un film de science fiction qui parle de ça. Bref.
Le deuxième morceau est un peu plus fluide.organique, plus soyeux, plus liquide, plus coloré, c’est un assemblage de feed-back, de sifflement très aigus qui ondulent lentement, des arcs électriques, de l’énergie pure et vivante. C’est de la musique de temple, de la musique punk électronique d’Eglise. Fuck you les auditeurs, nous on joue pas pour vous faire du bien aux oreilles, on joue pour rendre hommage à notre Seigneur. Quel Seigneur? Je sais pas. Certainement pas le père de Jésus, lui n’a jamais été punk, contrairement à son fils. Ah mais j’entends dire dans l’assistance que le père le fils et le saint esprit c’est la même chose… Pas vraiment en fait, il faut vraiment être borné comme un séminariste pour croire tout ce que raconte le dogme officiel. Non Dieu est un vieux barbu d’environ 50 mètres de haut, doté de super pouvoirs dont celui de féconder les femmes à distance, par la pensée. C’est une sorte de Jedi. Et donc il a un fils nommé Jésus, né en Palestine il y a environ 3500 ans (ouai, je sais, je sais, mais ça serait trop long à raconter), qui a fait pas mal de conneries. Il ne supportait pas l’autorité, il prenait pas mal de drogues, mais c’était la seule solution pour discuter avec son père. Aujourd’hui, ce serait un marginal roots à dreadlocks parcourant la France à bord d’un van pourri, comme l’a montré Pierre Bordage dans l’Évangile du serpent. Mais à l’époque il n’y avait pas encore de camping car et l’intérim était encore une notion assez floue. Du coup il zonait avec ses potes, allait taguer les tentes de l’armée romaine la nuit avec des inscriptions du style “fuck you I won’t do what you tell me” ou “suck my holy dick”. Là où je veux en venir, c’est que si on avait donné à Jesus un ordinateur et quelques cours de MAO, il aurait certainement fait un truc dans le genre de ce disque d’Angel. Ah d’ailleurs je vous ai pas dit. Angel, c’est une moitié de Pan Sonic, Ilpo Väisänen, et Dirk Dresselhaus aka Schneider TM. Et ce disque est sorti chez Mego, évidemment! Bref #2.
Le cinquième morceau est pas mal. Il se situe après deux mini pièces de noise électronique des cavernes qui me font penser à l’équivalent d’un tableau réalisé en faisant cracher un lama transgénique à la bave fluo sur une toile. Des tâches purement aléatoires mais dans lesquelles ils serait possible, éventuellement, de trouver dieu, ou jésus, comme dans l’anus d’un chat, dans la forme d’une cacahuette, dans un cadavre de raie. Et puis donc “Dropping The Ego, cinquième trip. Un cran plus loin dans la multi dimensionalité. J’ai pas compté on doit en être à cinq ou six. Ca bourdonne, ça s’étale, ça prend son temps. Il y a beaucoup de saturation j’ai l’impression, quelle que soit la nature des sons d’origine. Ils sont passés à la moulinette. Filtrage + Panoramique, la basse bourdon tente de nous perforer le crâne. Personnellement, j’ai l’impression qu’elle se trouve déjà à l’intérieur, qu’elle a fait son nid entre deux anfractuosités de mon cerveau le temps de pondre de petits oeufs d’aliens digitaux et hop. Voici que la maman s’en va et me laisse avec ces petites bestioles au pépiement suraigu qui fait mal aux oreilles. Elles veulent à bouffer, elles me mordillent les neurones, je sais ça ressemble à un ver géant un cerveau, mais bon quand même, je sais pas si c’est très nourrissant.
Le morceau suivant s’appelle Highrise 1 et il est différent des précédents, c’est un mélange de sons purement électroniques et d’enregistrements électroacoustiques. Derrière l’éternel bourdonnement de la basse synthé, on entend tout un tas d’objets réels qui s’entrechoquent, et c’est assez inquiétant, on croirait entendre un rat géant du Moyen Age chercher des boites de conserve non périmées dans son cagibi, il ne trouve rien de comestible, il s’énerve, parce qu’il n’aura rien pour accompagner cet humain succulent qu’il est en train de préparer. Le morceau d’après c’est la même chose. C’est très sombre, oppressant, mais vachement intéressant. L’utilisation de sons réels permet de s’immerger beaucoup plus facilement dans ces dimensions parallèles où les lois de la physique et le cours de l’Histoire sont totalement différents. On entend des bruits que l’on croit reconnaitre, mais en fait non. Ça pourrait-être n’importe quoi. Deux rats géants qui jouent aux mikados, une sorcière cannibale en train de faire la cuisine, ou même des choses plus bizarres encore, l’interprétation est libre, cette musique fait de nous des artistes, elle nous pousse à nous raconter des histoires, à peindre des tableaux dans notre tête, plus besoin de dali, plus besoin de Chirico, plus besoin de Picasso, plus besoin de Bosch, de Kupka, il suffit d’un lecteur de cd, d’un casque, et voilà. Je ne le répèterai jamais assez, la musique peut faire voyager beaucoup plus loin qu’Easy Jet et c’est encore moins cher.
Le morceau d’après part encore dans une autre direction. C’est le plat principal du disque et, entre nous, c’est un des grands moments de la musique expérimentale contemporaine. Une pièce de 20 minutes qui commence par un vol de mouches au dessus d’un étang, une barque tranquille quelques coups de rame, et tout doucement, de longs fils électroniques aux reflets pétrole, un empilement de drones synthétiques agrémentés de tout un tas de sons divers et variés, électroniques, électroacoustiques, il y a même des voix, des sifflements… 20 minutes d’un bourdonnement puissant et riche, qui n’a rien à envier à l’ouverture de l’Or du Rhin de Wagner! C’est même encore mieux parce que ça dure carrément plus longtemps! J’ai rarement entendu quelque chose d’aussi majestueux et pénétrant. Cette musique (je casse la gueule au premier qui me dit que c’est pas de la musique) avale l’espace qui nous entoure, et nous avec, elle déchire le temps, on se croirait au coeur d’une tornade colossale, ou dans la salle des machines de l’Etoile Noire, ou au centre de la Terre. C’est tellement beau et puissant qu’en fait je sais pas trop quoi en dire. C’est cosmique. Une impression cosmique, des dimensions cosmiques, des galaxies, des géantes rouges. C’est un petit miracle. Combien de compositeurs de musique sacrée, combien de bricoleurs électroacoustiques, combien de petits merdeux débitant à la chaine des cassettes d’ambient sans intérêt, combien de groupes de drone doom on rêvé de produire un gros bordel ordonné aussi définitif que ces vingt minutes de musique là, enregistrée dans un cottage au bord d’un étang, quelque part au fin fond de la Finlande? Est-ce que c’est le spectacle des aurores boréales qui leur a inspiré ça? On sent effectivement le vent solaire nous chatouiller les oreilles, et quand je dis chatouiller, c’est l’euphémisme d’un euphémisme. Jean-Sébastien Bach peut se retourner dans sa tombe autant qu’il le voudra, ça n’y changera rien. Bref. Vous aurez compris, c’est pas mal. Et vous êtes encore loin du compte. Chaque écoute est différente, chaque écoute est intéressante, même à la vingtième! C’est que, derrière le voile de satin radioactif se cache un monde grouillant de vie, des entités sonores unicellulaires, des petites bestioles qui sifflent, grattent, crient, grognent, trillent, se battent, se reproduisent… Je ne dirais pas que c’est hallucinant de maîtrise, ou que ça suggère un travail de fourmi, je suis persuadé que les deux mecs n’ont pas mis si longtemps que ça pour l’enregistrer. Je pense que c’est surtout le fruit du hasard. Je dis pas qu’ils ont aucun mérite, non, la chance ça se provoque. Mais voilà. Mieux vaut ne pas espérer qu’ils reproduisent un jour ce petit miracle.
La fin du disque est marrante. Le dernier morceau s’appelle Hornet. Il démarre sur un mélange de field recording du fameux étang, et de textures synthétiques industrielles, de sons percussifs qui résonnent… Sauf que l’assaut drone indus est avorté, au lieu de ça on retourne au quasi silence de l’étang, et des mouches qui volent au dessus, une petite brise, une corneille, encore des mouches, la civilisation est vraiment très très loin. On sent que le chant des oiseaux rebondit, l’étang doit être entouré de collines. Le vent se lève, un souffle étrange VLANNNNNNNNNNNNN un avion de chasse à réaction déchire le ciel, provocant un fracas assourdissant, et c’est pas des conneries un avion à réaction traverse vraiment le ciel dans l’enregistrement. Son arrivée est tellement inattendue qu’elle provoque une sorte de vertige qui se dissipe en même temps que le son des turbines. Le hasard de l’enregistrement. Le hasard, une fois de plus. Bref. J’ai la tête qui va exploser alors je vous laisse en espérant vous avoir donné envie d’écouter ce disque! C’est tout à plus!