Head Boggle – Headboggle (Spectrum Spools, 2012)

Salut ouai ce soir on part à Disneyland avec Derek Gedalecia enfin non pas vraiment Disneyland un autre parc d’attraction largement plus intéressant, où la maison hantée fait vachement plus peur, où les montagnes russes font vraiment gerber et où Mikey a vraiment mal quand on lui marche sur la queue. Derek a sorti au moins 500 disques/cassettes/mp3 cette année et le truc dont je parle là c’est le seul qui soit sorti chez Spectrum Spools. Bref.

Une machine s’allume style projecteur de cinéma et rapidement des instruments fantômes s’animent autour de nous. Un fantôme de piano, un fantôme de moog, un milliard d’autres sons fantômes, oui j’insiste ce sont des fantômes, ils ont l’air de flotter comme Casper et puis ils sont totalement déréglés, joués n’importe comment… Même les instruments acoustiques, violons, banjo… Vraiment l’impression d’entendre de la musique surnaturelle, d’être au beau milieu d’une séance de spiritisme dans une vieille baraque qui sent le moisi et donc la déco n’a pas changé depuis les années 50 au moins. Il n’y a personne au piano, les touches s’enfoncent toutes seules. La radio s’allume et vomit ses parasites bzzzzz de gauche à droite et retour ; bruits concrets qui font peur, bruitages de science fiction, pas de theremin, tout joué au moog ou quelque chose comme ça. Le tout évolue sans cesse c’est ça qui est bien. Sans le moindre commencement de mélodie et sans temps mort entre les morceaux. C’est complètement dingue et sur la longueur c’est peut être fatiguant mais d’une part ça ne dure que quarante minute et heureusement le mec a l’air d’avoir une sacrée collection d’instruments, qu’ils soient acoustiques, électroniques, électriques. Bref il y a de quoi faire.

Ce disque est censé raconter une histoire mais pour l’instant je vois pas à part ouai peut-être un mix entre La maison du diable et Drag me to hell enfin juste n’importe quel film de fantôme qui contient une séance de spiritisme et/ou un manoir à la déco ringarde. Le sixième morceau s’appelle ambiantemusique et effectivement il est plus ambiant. Les formes s’étirent, le temps s’arrête, l’horizon s’éloigne, on est dehors, dans le cimetière ou comme ça. On cherche quelque chose, ambiance mystère, batterie jazzy cool mais qui a un peu la bougeotte quand même… on passe sous des saules pleureurs, on s’approche d’un bâtiment plus moderne, structure en béton, un gros buzz électrique se fait entendre, il y a des machines bizarres à l’intérieur, c’est flippant mais bon c’est pas comme si on avait le choix, écouter un disque c’est comme être attaché à un wagonnet, tout au plus peut-on pencher la tête d’un côté ou de l’autre, certainement pas se détacher pour aller se ballader pour voir ce qu’il y a derrière. 

Morceau suivant, Dream Diary. Il y a un enregistrement de rue surmonté de bruits bizarres, synthés qui poussent des cris, grillons électriques, sifflements… Des gens parlent, ça s’énerve, on fait demi tour, ah non on rentre dans une maison. La maison qui s’appelle Basso Profundo #9. Une maison avec des enfants et un synthé frappeur qui terrifie ses habitants. Il sort la nuit et s’amuse à provoquer des crises cardiaques et des sueurs froides. Le problème c’est que c’est un fantôme obèse et éjaculateur précoce donc –> suivant. 

La suite c’est encore un son de générateur électrique mais cette fois c’est plus sérieux on doit être à la cave pas loin du repaire des fantômes ou de la porte dimensionnelle qu’ils empruntent à chaque fois. On y est, encore ces bestioles qui nous tournent autour, ce sont des fées clochette maléfiques, rien de bon, rien de bon chez eux. 

Bon on a passé la moitié du disque vous l’aurez compris c’est de la musique assez spéciale, qui rappelle ces trucs dont on parle souvent mais qu’on n’écoute jamais, les ateliers radiophoniques, les trucs de l’Ircam, la musique concrète des années 50 et 60, voilà quoi. Mais en plus actuel, en assez rigolo. C’est une histoire de fantôme certes mais c’est mignon ça fait pas peur, ça peut même être intéressant de faire écouter ça à des enfants. Je pense même que c’est le meilleur public pour ce genre de musique hyper bizarre. Les adultes, soit ils sont complètement bornés, et ils détestent, soit ils ont envie de passer pour des intellos et ils disent qu’ils adorent… Je pense sincèrement que le public adulte sincèrement ouvert à ce genre de chose est RÉDUIT. Se retrouver projeté dans la quatrième dimension avec des fantômes qui jouent de la harpe et du banjo, des esprits frappeurs de science fiction des fifties, tout ça oui oh mon dieu, ces mélodies absurdes, ces choses qui évoquent avant tout la folie, l’au delà et les films des années bunker, ouch. 

Le morceau numéro 11 s’appelle Ni, il débute avec une grosse basse synthé faussement joyeuse, vraiment sinistre, comme Krusty le clown. Accompagnée d’un cortège de synthés qui sifflent, qui rebondissent, le tout sans ordre apparent. Ca dure une minute à peine plus. Oui ça me rappelle légèrement certains morceaux de Dolphins Into The Future. J’imagine qu’ils se connaissent. Sauf que l’un parle de dauphins, l’autre de fantômes et de manoirs hantés de la quatrième dimension avec des bulles géantes qui t’avalent et te digèrent avant de t’éjecter comme un gros étron de bulle de savon. Les bulles sont pas des princesses, les bulles vont aux waters aussi. Ah de l’harmonica. 

En fait c’est pas évident de se raconter une histoire et d’écrire en même temps. Il parait qu’il y a un “arc naratif” (huhuhu) mais je vois pas de flèches et à la limite des cow boys dans un saloon oui carrément mais les indiens je sais pas remarque les indiens souvent ce sont eux qui provoquent les apparitions comme dans Poltergeist. Bon plus j’y pense c’est clair je suis dans un saloon de ville fantôme, une ville régulièrement balayée par de violentes tempêtes de sable électronique et d’orages synthétiques. On est dans le far west mais un far west alternatif avec des automates déglingués. Il y a un épisode des Simpsons comme ça. Et un film je crois. Mais bon. Dans notre ville abandonnée il y a aussi des inscriptions multicolores sur les murs et il ne s’agit pas d’un alphabet terrien! Des hiéroglyphes étranges et de toute beauté, des petites bestioles à tentacules et des objets hi tech d’il y a des milliers d’années. Le far west dans le désert sud américain. Et voila. On a fait notre petit tour, maintenant retour à la civilisation ou presque. Des bruits de rue à nouveau, un bref instant, et puis un clavecin qui se bat en duel avec un piano, le vaisseau mère de Rencontres du troisième type au dessus de la tête, bruit de moteur de soucoupe volante, communication sonore, non je vous jure ce dernier morceau c’est comme regarder la séquence finale de Rencontres du troisième type après avoir fumé de la salvia. J’adore le mélange entre les instruments traditionnels et les bruitages de synthé analogique. 

Bref. Niveau narration, des progrès à faire, moi qui me raconte facilement des histoires complètement dingues lorsque j’écoute de la musique, cette fois j’ai eu un peu trop longtemps l’impression d’être bloqué au même endroit alors que j’aurais aimé aller beaucoup plus loin. Mais c’était quand même bien cool. C’est loin d’être le bordel sans nom que j’imaginais. Il y a une esthétique assez cohérente, un rétrofuturisme de cabaret du far west, avec une salle de spiritisme à l’étage, une cave à charbon sombre et hantée, un cimetière indien dans les fondations et tout un tas de soucoupes volantes au dessus. Ca donne des idées. Bon voila c’est tout à plus.